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Sommet de la Francophonie à Erevan : «Le Vivre ensemble» : le Niger et ses discours bidons

Sommet de la Francophonie à Erevan : «Le Vivre ensemble» : le Niger et ses discours bidons

Le Président Issoufou aime les grandes messes internationales qui lui donnent l’occasion de côtoyer les dirigeants des puissances du monde comme pour se donner l’illusion d’une grandeur qui satisfait ses complexes. Alors que tous ses pairs africains, sont plutôt discrets, communiquant rarement, lui envahit les plateaux des grandes chaînes internationales pour parler, oubliant que ce qui fait la grandeur des grands leaders, c’est moins leurs paroles, mais leurs actions.

Le président du Niger est le champion de la parole, malheureusement, il n’y a pas d’institutions internationales à classer les Etats sur cette qualité, si c’en est une, pour reconnaître à leurs leaders un leadership incontestable.

Au dernier sommet de la Francophonie tenue en Arménie, à Erevan, Issoufou Mahamadou était de la fête avec une forte délégation. Au forum de la langue française, il s’était adressé à la tribune de la famille francophone et comme pour justifier la présence massive du gouvernement nigérien au sommet du «Vivre ensemble», on devrait également entendre le ministre de la Renaissance culturelle qui défendait des idéaux partagés avec la Francophonie. Un sommet qui a montré que la Francophonie est aujourd’hui plus politique que culturelle. Et l’on se demande à juste titre si la Francophonie a vraiment un idéal à poursuivre aujourd’hui lorsqu’elle peut faire la promotion de pays moins regardant vis- à-vis des valeurs que l’Institution dit défendre et soutenir dans le monde car, même si le Rwanda est un exemple de réussite de gestion et de progrès économique, il reste vrai qu’au plan des droits de l’homme et de la démocratie, le pays des mille collines reste une plaie au cœur de l’Afrique forestière. Mais que veut- on, quand le Chef Blanc parle et décide ? Les petits sous-préfets de la France en Afrique, comme dirait Bernard Doza, ne peuvent qu’applaudir, riant qu’un des leurs aura été préféré, oubliant que la Michael Jean, racialement est tout aussi africaine que celle qui est venue lui ravir une place. Pourtant, tous savent bien que c’est pour de petits calculs français que Macron avait fait cette faveur à la ministre rwandaise des Affaires étrangères, et taire une histoire grouillante qui avait profondément séparer les deux pays, éloignant l’un de l’autre. La justice française, comme pour jouer le jeu, quelques deux jours avant ou après le sommet, déclarait un non-lieu pour quelques personnalités rwandaises impliquées dans le génocide dont près de sept (7) qui sont proches de Paul Kagamé. Comme on le voit, la controverse autour de la désignation de la diplomate rwandaise, était bien justifiée car, pouvant être au centre d’un commerce politique entre la France et le Rwanda. Comment ne pas paraphraser l’adage, pour dire par rapport au suivisme aveugle des Africains que «ce que France veut, les Nègres le veulent aussi».

Mais revenons aux paroles des nôtres proférées à Erevan. D’entrée de jeu, il faut reconnaître que les communicateurs du président Mahamadou Issoufou ne l’aident pas trop dans la construction de ses speechs. En tout cas en écoutant le président nigérien à la tribune d’Erevan, l’on a l’impression d’avoir déjà écouté ce discours, tant ça ressemble à du coupé- collé. Les thèmes sont restés les mêmes pour lesquels il court dans le monde pour chercher des partenaires et des appuis. C’est le terrorisme, la migration, le dividende démographique, c’est le défi écologique, c’est la gouvernance mondiale, devenus pour le socialiste nigérien un fonds de commerce pour parcourir le monde. On voit d’ailleurs que le discours ennuyait, il ne semble pas appâter des gens qui attendent de parler du «vivre ensemble», qui est le thème central du sommet et qui, quand on considère les différentes crises qui marquent notre monde, est d’une pertinence évidente. Ainsi, si un enseignant devrait noter le texte, il écrira «Hors sujet».

Un discours fait de contradiction...

On a l’impression en parlant de «Gouvernance mondiale» que le président Issoufou Mahamadou veut faire la leçon à la communauté internationale pour qu’elle comprenne que sa gouvernance n’est ni juste ni bonne car, si les présidents africains gouvernaient bien, leurs concitoyens n’allaient pas fuir leurs pays, pour braver les mers et les déserts. N’est-ce pas de

l’irresponsabilité politique, que de manquer à ses obligations politiques et morales et lorsque les conséquences de sa mal gouvernance s’étalent, l’on se lamente que l’autre, ne soit pas capable de donner les moyens pour aider à les résoudre, notamment dans le cadre de la migration qui n’est que la conséquence désastreuse de leurs politiques. Dit dans ces termes et sous cet angle, les partenaires ne peuvent donc pas écouter un tel discours par lequel les coupables se disculpent pour accuser un autre. D’ailleurs, pourquoi Mahamadou Issoufou, ne peut pas varier ses thèmes, pour trouver autre chose à dire au monde car, dans la vie de notre monde ce ne sont pas des problèmes qui manquent. Pour n’évoquer que la migration, le terrorisme, le dividende démographique, le défi écologique, le discours du Camarade socialiste, est devenu rébarbatif, fastidieux, sans goût.

Ceux qui aident le président à construire ses discours, peuvent-ils savoir qu’un discours de président se passe d’éloges car, c’est rabaisser sa fonction que de le réduire à des flatteries pour un autre, fussent-elles pour le chef de la puissance colonisatrice à qui l’on veut plaire. Les premiers mots du président Issoufou Mahamadou, étaient faits de louanges pour la grande France, pour être, presque le seul pays, eut-on soupçonné, à soutenir les pays du Sahel, et sans doute aussi le Niger dans le combat qu’ils mènent contre le terrorisme et la migration, les deux sujets devenus obsessionnels dans l’agenda présidentiel du Niger quand les pleurs du peuple qui vit mal et crie son ras-le-bol, ne peuvent rien dire à un président plus concerné par des sujets de l’extérieur que de l’intérieur. Pourquoi flatter Macron, devant tant de mondes qui ne peuvent pas être enfants, à ne pas comprendre ce qui vise ce commerce des mots jetés aux pieds du président français comme fleurs ? Les Nigériens doivent avoir souffert de voir à un tel niveau de débat, leur président se prêter à un tel exercice qui galvaude son rang.

Sait-il qu’il ne peut pas, même en poussant Emmanuel Macron à se débattre à trouver les moyens qui ne viennent pas pour le G5 Sahel, arriver à l’amener à faire changer d’avis des partenaires qui ne voient que du flou dans le projet que la France porte sous ce qu’une diplomatie a appelé la force du G5 Sahel. Il y a quelques jours, à ce propos, un journal notait que Macron lui-même était devenu sceptique : sans doute s’est-il rendu compte qu’il ne pouvait pas embarquer toute la communauté internationale dans cette aventure. Mais, ce n’était pas de cela que devrait parler la Francophonie...

Puis, alors que Michael Jean, lâchée par des présidents qui ne seraient pour elle que des lâches, se plaint d’être trahie, le président du Niger, ne manquait pas de mots gentils à son endroit, allant jusqu’à rappeler l’honneur qu’il lui a fait en venant au Niger, il y a quelques mois. Peut-on d’ailleurs croire à la sincérité de ces autres flatteries, quand un jour plus tôt, son ministre des Affaires étrangères, annonçait clairement le choix de leur gouvernement pour la Rwandaise alors qu’il était possible de faire comme les autres, sans trop s’exposer et être plus discret ? Agir ainsi, presque dans la trahison d’un autre qui vous aura tout donné, est-ce franchement savoir «vivre ensemble» ?

Vivre ensemble...

Ce n’est pas un slogan creux. Peut-être que les Nigériens s’en sont rendu compte, après des débats et après leur fameux discours car, l’on a entendu au sortir de la conférence, le ministre de la Renaissance culturelle, expliquer que cette thématique cadre bien avec la politique poursuivie par son gouvernement. Et il avait utilisé de gros mots qui n’ont aucun sens dans ce qui se faut et se vit au Niger : tolérance, acceptation de l’autre, solidarité... Il y a tout au pays d’Issoufou sauf tolérance, acceptation de l’autre et solidarité. Après tout le désordre que le socialisme a semé dans le champ politique nigérien avec des hommes qui se détestent à un tel niveau bestial, qu’ils ne peuvent plus s’adresser la parole, incapables justement de tolérance, de fair-play, on ne saurait parler de ces valeurs dans le pays. Jamais, les Nigériens n’ont été amenés à ne pas être capables de s’aimer par-delà leurs divergences et leurs différences si ce n’est sous la Renaissance, «vivre ensemble», on l’avait sans doute en d’autres temps et ce n’est pas Tonton Sanoussi qui. dira le contraire, lui qui, il y a quelques mois, appelait à l’apaisement en invitant les protagonistes de la crise nigérienne à faire preuve d’humilité et de sagesse, pour donner des chances à la concorde nationale. Le ministre de la Renaissance le sait, lui aussi, mais puisqu’il faut parler, il l’a fait pour montrer que son pays serait aussi dans la même bonne intention du «vivre ensemble». Ou bien veut-il faire allusion à la détente précaire que la récente rencontre au CNDP avait donné l’illusion pour faire croire que les dissensions se seraient déjà dissipées, quand pourtant, les divisions restent toujours profondes.

Le Niger n’est pas une île sur laquelle, on peut se permettre tout pour croire que rien du mal qu’on fait ne peut être su. Les autres savent bien les malaises qu’il y a dans le pays. C’est peut-être d’ailleurs cela qui fait courir le régime depuis des semaines, quand, personne, dans le monde, ne peut plus l’encourager dans sa politique répressive. Issoufou Mahamadou, s’en est-il rendu compte pour comprendre qu’il en a fait trop et qu’il est allé trop loin dans sa politique de harcèlement ?

Des doutes persistent et planent sur le processus du dialogue amorcé...

Pendant que le Front d’opposition indépendant (FOI) sort du CNDP pour poser des exigences, l’on voit Adp Zumuntchi quitter le FRDDR pour la rejoindre, tenant lui aussi un discours extrémiste qui en dit long sur ce qui divise les Nigériens. S’il est vrai qu’une mini-conférence nationale demandée par le FOI pour crever des abcès, reste envisageable quand on sait la profondeur des problèmes que vivent les Nigériens, il reste tout aussi vrai que la question du code et celle de la CENI reste toujours entier, pour ne pas exclure, un retour de beaucoup d’autres partis du processus engagé quand ils se rendront compte que le pouvoir n’a en réalité aucune volonté d’aller à l’apaisement, si ce n’est de divertir pour un temps, les Nigériens et la communauté internationale. Tant il est vrai que le régime ne créera jamais les conditions susceptibles de lui faire perdre le pouvoir.

Sans être pessimiste, il faut croire qu’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Il y a encore du chemin à faire.

Gobandy

26 octobre 2018
Source : Le Monde d'Aujourdhui