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Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, J’ai suivi ce que vous avez dit à propos des élections prochaines, mais je ne vous crois pas

Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président”, J’ai suivi ce que vous avez dit à propos des élections prochaines, mais je ne vous crois pasLe Niger est à la croisée des chemins. Malgré vos activités qui donnent l’impression que tout va bien comme dans le meilleur des mondes possibles, le Niger n’a jamais présenté un visage aussi délabré. Vous semblez faire tout autre chose que ce qui est attendu de vous et de votre gouvernement et cette pratique me rappelle vaguement un homme qui m’a confié que lorsqu’on ne fait rien ou presque, il faut faire le maximum de tapage possible. Ceux qui ne comprennent pas grand-chose à la gouvernance moderne dans un État de droit, conclue-t-il, les plus nombreux chez nous, feront le reste pour vous, c’est-à-dire la propagande que vous travaillez bien. Telle semble l’heur dont vous avez bénéficié durant des années avant que, progressivement, vos compatriotes comprennent dans quel trou vous avez plongé le Niger. Ils ont compris. Ils ont tout compris. Depuis près de huit ans que vous êtes à la tête de l’État, leurs conditions de vie ne font qu’empirer. Par contre, des sociétés et firmes internationales s’engraissent à vue d’œil sur le Trésor public.

Monsieur le ‘’Président’’,
J’ai constaté que, finalement, vous vous êtes débarrassé pour de bon du fils Tchianaet je vous en félicite. Car, j’ai horreur des hommes qui incapables de se déterminer. Au moins, la décision de la Mrn d’exclure son parti Amen-Amin a l’avantage de mettre un terme à ce jeu troublant où il ne cesse de se réclamer de la mouvance présidentielle tout en lorgnant du côté de l’opposition. C’est un désastre politique pour ce parti et son leader que vous avez profondément inspirés, encouragés et soutenus avant de vous en débarrasser. Comme un malpropre ! C’est une belle leçon pour tous ceux qui pensent pouvoir prétendre au beurre et à l’argent du beurre. Le renvoi de Ladan Tchiana est un coup dur pour ce garçon que vous avez armé contre son propre parti, le Moden Fa Lumana Africa. Vous l’avez si armé qu’il a pensé pouvoir susciter la révolte contre son leader, Hama Amadou, qui l’a pourtant élevé au-dessus de tous les autres prétendants pour en faire le Secrétaire général de son parti. Croyez-moi, ce n’était pas par faute de candidats à ce poste. Si vous l’avez d’abord renvoyé du gouvernement avant de faire exclure son parti de la Mrn, c’est parce que son lourd passif milite pour cela. Je vous comprends fort bien dans cette affaire. Vous connaissez mieux que quiconque les conditions réelles dans lesquelles Amen-Amin a été créé, pourquoi et pour quels objectifs. Vous connaissez également le poids électoral réel de son parti pour accepter que l’intéressé se permette certains écarts de langage et de conduite de la part de celui avec lequel vous avez discuté avant la formation du deuxième gouvernement qui a provoqué le départ De Lumana de la MRN. La rosée peut-elle se gargariser de quoi que ce soit devant le soleil ? J’ai apprécié la mise au point de Souley Adji à l’endroit du président d’Amen-Amin. Une gifle retentissante ! De quoi, en effet, Ladan Tchiana peut-il se prévaloir après avoir été chassé du gouvernement et de la Mrn ?

Monsieur le ‘’Président’’,
Le 18 mai 2018, vous avez procédé au lancement des travaux de la voie express devant relier l’aéroport Diori Hamani au centre-ville de Niamey pour un coût qui frise le cadeau à la Satom. Vous avez concédé plus de 20 milliards à la Satom pour la réalisation de cette voie express qui ne dépasse guère 9 kilomètres et mon intention n’est pas de remuer le couteau dans la plaie en vous rabâchant les oreilles avec le préjudice fait au Niger. Tout le monde a compris ce qui vous fait courir et tout le monde a compris que cela ne vous fait ni chaud ni froid. Ça fait si mal lorsqu’on est patriote ! Personnellement, je suis atterré, mais parfaitement immunisé. J’ai d’ailleurs appris que le terrain qui abritait la direction générale des douanes et l’espace connexe a été vendu aux Turcs. Si c’est vrai, vous aurez, là aussi, commis un tort immense au peuple nigérien. Le projet pour lequel vous avez engagé le Niger sur des dépenses onéreuses et sans incidence véritable sur les conditions de vie de vos compatriotes est une chimère. J’ai d’ailleurs relevé certaines réflexions pertinentes à ce propos et je voudrais bien les partager avec vous. Les travaux de la voie express sont prévus pour durer 12 mois et presque trois mois sont déjà partis en fumée sans qu’un seul coup de pioche ait été constaté pour le démantèlement des rails. Il est donc clair que la voie express serait encore en chantier lorsqu’interviendra le sommet auquel vous tenez tant, manifestement, pour l’unique raison d’être le premier chef d’État nigérien à accueillir un sommet de l’Union africaine. La motivation est à la fois triste et suicidaire pour le peuple nigérien qui va payer cher vos lubies de chef d’État. Pourquoi endetter le pays pour accueillir un sommet de chefs d’État dans un pays où les deux routes les plus vitales pour l’économie nationale sont impraticables depuis des années ? L’état de la route de l’uranium et celle de la route DossoGaya sont la traduction concrète que vous êtes dans une voie désastreuse pour le Niger. Agadez, la capitale de l’Aïr est désormais coupée des autres villes du nord tandis que celle de la route Dosso-Gaya est en souffrance depuis 2010.

Monsieur le ‘’Président’’,
Quelle économie vous construisez lorsque ces deux axes routiers, les plus importants pour le Niger, sont impraticables ? À quoi correspondent vos choix ? Vous êtes en train d’endetter l’État à outrance pour faire plaisir à votre propre moi alors que le pays est en train de sombrer. Certains n’hésitent pas à vous traiter de mégalomane. Si je ne suis pas forcément de cet avis, je m’interroge toutefois sur les motivations qui peuvent conduire un homme d’État à privilégier son moi au détriment des intérêts de son peuple ? Je ne comprendrais sans doute jamais un tel choix, car je suis de tous ceux qui pensent que le peuple est au-dessus de toute autre préoccupation.

Monsieur le ‘’Président’’,
Votre gouvernement continue la cabale contre les médias mal-pensants. Je vous ai déjà dit que vous menez un combat perdu à l’avance. Je reviens sur ce sujet pour m’interroger sur ce choix, également suranné, qui peut conduire un gouvernement à accorder de l’indulgence à des trafiquants d’armes et de drogue et être intransigeant vis-à-vis des médias qui ont pourtant une mission de service public. Je m’interroge sur la nature d’un gouvernement qui peut fermer les yeux sur un crime mais qui refuse obstinément de faire la moindre concession à des médias privés qui peinent à assurer leurs missions de service public ? Je m’interroge sur la nature et les motivations d’un gouvernement qui peut fermer, sans état d’âme, des médias privés, mais qui est incapable de demander des comptes aux grands prédateurs de deniers et biens publics. En vérité, et vous le savez, votre gouvernement a déjà perdu tout crédit dans cette affaire. La fermeture de certains médias ne procède nullement de votre volonté d’aller chercher l’argent là où il se trouve, mais plutôt de faire taire certaines voix. Si c’est de l’argent que vous cherchez pour renflouer les caisses de l’État, commencez d’abord par mettre un terme à ces surfacturations qui appauvrissent l’État pour enrichir des sociétés comme la Satom. Si c’est de l’argent que vous cherchez, commencez par réduire la taille scandaleuse de votre gouvernement dans un pays où le salaire de juillet 2018 n’est pas encore payé à certains agents et où l’eau courante reste problématique. Si c’est de l’argent que vous cherchez, arrêtez de prendre des frais de mission alors que vous disposez d’un traitement sans égal au Niger et d’une caisse noire de sept millions (au moins) par semaine, mise à disposition par l’État. Si c’est de l’argent que vous cherchez pour l’État, arrêtez de prendre l’avion à tout bout de champ et pour n’importe quelle réunion.

Monsieur le ‘’Président’’,
Je ne crois pas à votre histoire d’impôts pour justifier la fermeture de certains médias. Pas plus que je ne crois pas à votre politique sécuritaire, faite d’indulgence et de protection à des individus qui font dans des trafics illicites. Je ne crois pas également à votre politique agricole, faite de «kamé-kamé» à fortes doses de slogans inutiles et improductifs. Je ne crois pas à votre politique éducative qui a déstructuré le système éducatif et enfoncé davantage l’école dans le marasme. Bien entendu je n’ai pas foi en vous en tant que démocrate et républicain, car vous avez fait un hold-up électoral et mis les institutions de la République sous coupe réglée. J’ai suivi ce que vous avez dit à propos des élections prochaines, mais je ne vous crois pas. Je milite plutôt pour la restauration de la démocratie, la fin de l’impunité pour les prédateurs de deniers et biens publics, la traque des trafiquants d’armes et de drogue, l’avènement d’hommes et de femmes ayant le souci de travailler pour le peuple nigérien.
Mallami Boucar

14 août 2018
Source : Le Monde d’Aujourd’hui