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Amères vérités : « Celui qui a peur de mourir, meurt tous les jours », dixit Nouhou Arzika

Amères vérités : « Celui qui a peur de mourir, meurt tous les jours », dixit Nouhou Arzika

Les Nigériens ont-ils rendu suffisamment hommage aux leaders de la société civile et à la lutte citoyenne qu’ils ont engagée ? On peut en douter sérieusement. Alors qu’ils ploient sous le poids, de plus en plus insoutenable, des mesures antisociales de la loi de finances 2018, la plupart des Nigériens pleurnichent, se plaignent, pleurent et gémissent, mais continuent de se flageller pour le bon plaisir de gouvernants qui sont à mille lieues des préoccupations du peuple nigérien et qui ne se soucient guère du sort du Niger. Tout le monde se plaint, tout le monde pleure, tout le monde gémit mais chacun ou presque se recroqueville sur soi-même, incapable du sursaut nécessaire. Le 25 mars 2018 n’aurait jamais eu lieu si le peuple, qui est régulièrement sorti lors des journées d’actions citoyennes (JAC),s’était effectivement mobilisé derrière les leaders de la société civile. Il faut le dire clairement et sans ambages : Nouhou Arzika, Ali Idrissa, Moussa Tchangari et les autres ont senti, ce 25 mars 2018, un vide derrière eux, un désert immense qu’ils n’auraient jamais imaginé auparavant, au regard du niveau de mobilisation, aussi bien à Niamey qu’à l’intérieur du pays.

Qu’est-ce qui explique cet état de fait ? Qu’est-ce qui explique que l’on puisse abandonner celui qui se bat pour vous ? Qu’est-ce qui explique que l’on préfère mourir, asphyxié par des mesures antisociales, plutôt que de mourir en cherchant à se libérer ? Qu’est-ce qui explique que l’on préfère mourir de peur que de mourir en se battant ?En résumé, qu’est-ce qui explique que le peuple nigérien ne soit pas suffisamment présent dans cette lutte qui le concerne au premier chef ? La vérité est là, amère mais indiscutable : la peur ! Oui, la peur d’être arrêté ou de se faire bastonner, voire d’être tué. La peur, ce sentiment qui fait le lit de l’injustice grandissante, du détournement et de la prédation continus des ressources publiques, de la remise en cause des valeurs démocratiques et sociales, bref, de la pérennisation d’un pouvoir de plus en plus totalitaire qui survit en se nourrissant de nos effrois.

Le courage, dit-on, n’est pas l’absence de peur, mais plutôt la capacité à la dominer. C’est cette capacité à dominer la peur suscitée par ces régiments de policiers, de gardes nationaux et de gendarmes qui prennent du plaisir à gazer, à violenter et à interpeller, qui n’a pas été constatée chez ces centaines de milliers de Nigériens qui ont régulièrement exprimé leur ras- le-bol de la gouvernance en cours. C’est cette capacité à aller au-delà de la peur, une peur en réalité partagée de part et d’autre, qui explique que les bourreaux persistent à persécuter, à traquer et à réprimer. Or, a expliqué Moussa Tchangari, plus vous manifestez votre peur, plus les bourreaux qui vous traquent et répriment trouvent de solides raisons de continuer à le faire.

Pourquoi avoir peur et refuser de se battre lorsque, en restant impassible et insensible aux affaires qui vous concernent, les choses vont pourtant de mal en pis ?

Pourquoi avoir peur de se battre lorsque l’autre te méprise précisément parce que tu as peur ?

De toute façon, l’on finit par mourir, parfois de causes bénignes et totalement surprenantes. C’est pour dire qu’il vaut mieux mourir en se battant pour son pays que de mourir de rien, «cadeau», comme diraient nos frères togolais. Pour Nouhou Arzika, celui qui a peur de mourir, meurt tous les jours...de peur. Les Nigériens doivent comprendre la situation dramatique dans laquelle le Niger a été plongé par la faute et la volonté de Mahamadou Issoufou, seul et unique responsable véritable de cette chienlit politico- économique. Ils doivent comprendre que personne ne viendra les libérer de cette gouvernance qui les méprise tant. Ils doivent comprendre que ce sont eux qui font la force de Nouhou Arzika, Ali Idrissa, Moussa Tchangari et les autres. Ils doivent comprendre qu’ils n’ont pas de meilleurs défenseurs que les leaders de la société civile et que leur sort est intimement lié à celui de ces leaders. S’ils tombent ou s’alignent comme l’a fait Seïni Oumarou, le président du Mnsd Nassara, c’est le peuple nigérien tout entier qui s’incline devant l’injustice, le vol et le détournement des deniers et biens publics, la dilapidation des ressources minières, la corruption, les trafics de drogue et d’armes, etc.

Malgré les déceptions enregistrées, les peurs qui, rapporte-t-on, ont conduit certains à éviter d’aller rendre visite en prison à des potes de très longue date, Nouhou Arzika, Moussa Tchangari et Ali Idrissa sont plus que jamais déterminés à poursuivre le combat à son terme. À son terme ? Oui, à son terme, car leur conviction est que le dernier mot revient au peuple et le peuple nigérien, qui a livré maints combats pour sa liberté et la démocratie, ne saurait accepter qu’une peur qui ne se justifie pas, l’empêche de se battre. Ils disent prêts à retourner en prison, mourir s’il le faut, mais à condition que le peuple pour lequel ils sont si engagés le comprennent et jouent sa partition. Il n’y a pas de grand guerrier sans une armée de soldats braves.

À Niamey, à Tahoua, à Tillabéry, à Zinder et ailleurs, les Nigériens doivent s’engager à la hauteur de ces braves leaders de la société civile qui, il faut le dire sans trembler, sont une chance pour le Niger. Ils ne se battent pas simplement pour un idéal, ils se battent pour le Niger et son peuple. C’est cette compréhension des enjeux réels du combat citoyen qu’ils mènent que tous les Nigériens doivent avoir et partager. L’affaire, apparemment, est une banale affaire de prise de conscience afin que le revendeur ambulant d’oranges et de mangues, de condiments et de matériels divers, comprenne que le combat le concerne autant que le commis assis dans son bureau. D’une manière ou d’une autre, l’on est acteur de son sort et il vaut mieux agir à le rendre meilleur que de croiser les bras et de subir ce que les autres décident de faire de toi.

Y a-t-il des leçons à tirer de la vague d’arrestations et d’incarcérations de nombreux Nigériens, ce 25 mars 2018 ? Oui, il y a bien des leçons à tirer. Des leçons à tirer pour les Nigériens qui prétendent se battre pour un changement notable dans la gouvernance de ce pays. L’histoire, pathétique de ce vendeur ambulant d’oranges, venu de son Matankari natal, il y avait tout juste deux semaines, pour chercher sa voie dans le petit commerce, est assez illustrative de ce que l’on subit, malgré tout, lorsqu’on pense que l’on est éloigné des préoccupations du moment. Ce jeune homme, avec sa brouette, a été appréhendé à la place Toumo le 25 mars 2018 et jeté en prison sans autre forme de procès. Pourtant, il ne savait même pas ce qui devait s’y passer, ne connaissait aucun des leaders de la société civile. Et c’est guidé par son seul instinct de vendeur qu’il s’est retrouvé là où des policiers, gardes nationaux et gendarmes ont eu vraisemblablement pour instruction d’interpeller tout ce qui a une âme.

Outre ce vendeur ambulant d’oranges qui croupit en prison sans savoir et comprendre ce qui lui arrive, il y a d’autres qui étaient dans les locaux d’Alternative ou du MPCR, travaillant là-bas ou visiteurs de passage, qui ont été appréhendés et jetés en prison.

Ces cas révèlent qu’il n’y a pas lieu d’avoir peur. Au contraire, en se laissant dominer par la peur, l’on décuple la force de l’autre qui sait qu’il n’a plus qu’à déployer l’arsenal de la peur pour gagner le combat. Même chez vous ou dans le plus hasard de vos déplacements, vous pouvez faire les frais d’un emprisonnement gratuit, car, ont expliqué les leaders de la société civile, nous sommes en face d’un régime sans éthique, qui a commis beaucoup de crimes et qui essaie de survivre en maintenant les Nigériens dans la peur. Tel est le message que les leaders de la société civile ont tenu à transmettre aux Nigériens, cinq jours seulement après leur libération. Ce dimanche 28 juillet 2018, dans l’antre d’Alternative Espace citoyen Franzt Fanon, Nouhou Arzika, Moussa Tchangari et Ali Idrissa ont laissé parler leur cœur. Ils ont exprimé leur reconnaissance et leur fierté à l’endroit de tous les Nigériens qui se sont mobilisés, tant lors des précédentes JAC que durant leur incarcération. C’est le cas, emblématique, de ce monsieur qui a quitté son Fachi natal, à Bilma, pour aller à Tillabéry, pour transmettre à Nouhou Arzika, le message de solidarité et de soutien moral d’un grand nombre de citoyens nigériens qui ont cotisé pour payer ses frais de déplacement, de route et de séjour. Tout un symbole ! Les leaders de la société civile ont remercié et félicité les masses populaires qui, à Niamey, à Zinder et ailleurs, se sont mis debout pour dire NON à la gouvernance de Mahamadou Issoufou, porteuse de dangers et de périls graves pour le Niger. Mais, ils ont également asséné leurs vérités. S’ils sont déterminés à poursuivre la lutte pour le Niger et son peuple, ils souhaitent également que les Nigériens, des villes comme des campagnes, affiliés à des partis politiques ou non, comprennent que le combat n’est pas partisan, il est pour le Niger. Par rapport aux questions en jeu, la division des citoyens en militants de tel ou tel parti politique n’arrange que les gouvernants qui continuent à s’enrichir scandaleusement tandis que les Nigériens s’appauvrissent davantage, pressés comme des citrons pour garantir des cadeaux fiscaux à des firmes étrangères.

 08 août 2018
Source : La Canard en Furie