Amères vérités
Tout le monde, désormais, convient que Mahamadou Issoufou constitue le nœud des problèmes du Niger. Aussi bien en matière de gestion des finances publiques qu’à propos de l’état de la justice, arme fatale avec laquelle il a régulièrement régler ses comptes et fait plier ses adversaires politiques, en passant par les principes et lois de la démocratie qu’il a triturées à sa guise, l’homme n’a plus la moindre crédibilité. Oh, que si ! Il a toujours le soutien aveugle de ceux qui ont profité de son parapluie pour puiser à volonté dans les caisses de l’Etat ; ceux qui ont exécuté les basses besognes ainsi que toute la peuplade inutile qu’il paie, sans rien faire, parce qu’il faut inhiber les volontés farouches et tout ce qui peut, éventuellement, susciter une révolte contre sa gouvernance scabreuse.
La première catégorie de cette clientèle politique qui a fait main basse sur des milliards et des milliards, se recrute essentiellement dans les rangs des partis politiques au pouvoir, à commencer par le PndsTarayya dont le secrétaire général, HassoumiMassoudou, est désigné comme étant le grand champion, toutes catégories confondues. Impliqué dans l’uraniumgate où le Niger, par ses soins, a été délesté de 200 milliards de francs CFA qu’il a fait transférer d’un compte public de l’Etat vers un compte offshore, à Dubaï, HassoumiMassoudou est encore l’homme-orchestre qui a conduit les tractations de l’achat de l’avion présidentiel, à crédit s’il vous plaît, alors que le budget de l’Etat a prévu 28 milliards de francs CFA pour le besoin. Dans cette affaire dont on ne parle pas beaucoup et qui montre pourtant que Massoudou aurait dû se retrouver derrière les barreaux d’une cellule depuis longtemps s’il y avait une justice au Niger, plusieurs délits ont été commis. D’abord, on achète à crédit alors que l’argent est prévu sur le budget de l’Etat. Ce qui veut dire que les 28 milliards prévus sur le budget ont pris d’autres destinations. Ensuite, on prend de l’argent, 35 millions d’euros, auprès d’Areva pour le même besoin, ce qui n’est ni plus ni moins qu’une corruption. Où est allé cet argent aussi ? Enfin, on prétend avoir acheté cet avion commercial de près de 16 ans à un coût réel de l’appareil à 20 milliards de francs CFAalors que des recherches ont permis de découvrir que ce type d’avion, même tout neuf sorti d’usine, ne dépasse pas les huit milliards de francs CFA. «Je suis venu vous présenter l’avion présidentiel que le gouvernement a acquis sur fonds propres de l’Etat», a indiqué le ministre de la Défense nationale de l’époque, Karidjo Mahamadou, qui avait à ses côtés le chef d’Etat-major des Armées, le Général SeyniGarba, et le Commandant de bord, le Colonel Boulama Issa Zana Boukar, ainsi que son copilote ».
La deuxième catégorie de personnels, c’est-à-dire ceux qui ont exécuté les basses besognes se recrutent dans la police, la justice, l’Assemblée nationale, le gouvernement, la Ceni, etc. Ils ont œuvré à briser tout élan de lutte, posé des actes graves qui violent la loi ou créé les conditions, toujours en violation de la loi, à assurer la pérennité du pouvoir de Mahamadou Issoufou et de son régime. Un exemple que les Nigériens n’oublieront sans doute jamais. Alors que le débat fait rage entre la majorité au pouvoir et l’opposition quant au sort à réserver au vote par témoignage, la Ceni, contre toute attente et toute logique, tranche en lieu et place de la Cour constitutionnelle en s’alignant sur la position du camp présidentiel. L’enjeu était de taille. Sans ce vote de témoignage, le camp de Mahamadou Issoufou ne pouvait pas opérer les fraudes envisagées. Il fallait cet alibi pour faire voter des milliers de personnes, pratiquement sans aucune possibilité de contrôle quant à leurs identités. Boubé Ibrahim et maître Kadri ont alors offert à Mahamadou Issoufou le plus beau cadeau de sa carrière politique en prenant la responsabilité d’accepter, à 48 du scrutin, le vote par témoignage. La Cour constitutionnelle, seule institution habilitée par la Constitution à se prononcer sur les contentieux électoraux, a été soigneusement mise à l’écart. Pour donner aux deux responsables de la Ceni un semblant de support à leur acte injustifiable.
Brigi Rafini a plutôt saisi la Cour d’Etat qui n’a rien à voir avec la question. C’est pourtant sur cet avis, quelque peu tendancieux, inqualifiable et anticonstitutionnel, que Boubé Ibrahim va s’appuyer pour autoriser le vote par témoignage. C’était le OUF dans le camp présidentiel ! Et de fait, cela a conduit à des taux de participation de 99%, de 100% et même 110%, particulièrement dans de nombreuses localités de Tahoua.
Au niveau de la police et de la justice, des cas flagrants de délits très graves sont carrément ignorés et tout le monde sait que le blocage est de nature politique. Tandis qu’on embastille le journaliste Baba Alpha, soi-disant pour usage de faux, on laisse en toute liberté celui qui a fait le faux pour sa proximité d’avec la famille présidentielle. Et pourtant, la presse a dénoncé, avec preuves à l’appui, des cas de fraudes pareilles, notamment dans les rangs de certains élus locaux qui ont utilisé de faux diplômes sans que les intéressés soient pour le moins inquiétés. Des cas de détournements de biens et deniers publics, on n’en parle même plus. De l’aveu du procureur de la République lui-même, il en a plein sur le bureau. Il avait d’ailleurs annoncé que « tous ceux qui ont pris irrégulièrement des biens publics doivent, dit-il, les réintégrer sans délai, pendant qu’il est encore temps » et que « les gens qui ont pris irrégulièrement de l’argent public doivent le réintégrer incessamment, même si c’est un copeck » ? Mieux, il a précisé, parlant du wassosso de la Soraz, que « une chose est certaine, ce dossier ne peut être tu. Il n’y a pas moyen ». C’était en décembre 2016. Aujourd’hui encore, rien ! Entre temps, ce sont des journalistes et des acteurs de la société civile qui ont et qui continuent de trimer, gardant prison à la place des véritables délinquants et de ceux qui ont mis le grappin sur les intérêts de l’Etat.
La troisième catégorie des soutiens de Mahamadou Issoufou se compose de tous ces personnels qui se comptent en plusieurs milliers d’individuset qui émargent sur le budget de l’Etat en qualité de conseillers et chargés de mission, « sans rien faire », comme dirait HassoumiMassoudou. Cette pratique, qui a ruiné l’Etat, est pourtant maintenue malgré la gravité de la situation financière du Niger, le gouvernement ayant plutôt choisi le secteur de l’enseignement pour réaliser les économies budgétaires dont il a besoin pour ne pas se planter.
Autant dans l’achat de l’avion présidentiel que dans l’uraniumgate ; autant dans les malversations financières que dans la violation des lois, chapitre sur lequel il a été lui-même pris en flagrant délit, Mahamadou Issoufou incarne en vérité le mal du Niger. C’est dans cette voie, à la fois insensée et non-durable, qu’il a choisi de bâtir son pouvoir et de le consolider. Un pouvoir qui a pratiquement tout perdu aujourd’hui, ses partisans eux-mêmes reconnaissant que le Niger va si mal qu’ils n’imaginent pas la fin de ce mauvais cinéma. Que peuton espérer d’un chef d’Etat qui, face à un rapport d’inspection qui établit qu’un individu a détourné des milliards, n’entreprend rien pour remettre l’Etat dans ses droits ? Le cas, récent, de l’ancien président du Conseil de ville de Niamey montre que les détournements de deniers et biens publics arrangent plutôt les affaires de Mahamadou Issoufou qui construit ainsi son empire avec les hommes au lourd passif. Comment expliquer qu’un Assane Saïdou que l’on dit officiellement avoir détourné trois milliards et commis plein d’autres délits inqualifiables, soit toujours en liberté alors qu’un journaliste comme Ali Soumana croupit en prison pour avoir fait son travail d’information ? S’il arrive à Mahamadou Issoufou de lire ces lignes, il saura, en son for intérieur, que telle est la vérité. Qu’il le professe ou pas à ses confidents, il reste qu’il a fait énormément de torts au Niger. Il doit savoir que le peuple du Niger pleure et si ses laudateurs et flatteurs lui racontent que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles et qu’il y croit, c’est qu’il y a problème quelque part.
Bonkano
21 août 2017
Source : Canard en Furie