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21ème session de formation des correspondants de guerre en Türkiye : Des journalistes à l’école des militaires

Ankara, la Capitale de la Türkiye, a accueilli du 20 juin au 1er juillet, la 21ème session du programme de certification des journalistes correspondants de guerre. Conjointement organisé par l’Académie de l’Agence Anadolu et l’Agence Turque de Coopération et de Coordination (Tika), ce programme internationalement reconnu est organisé en faveur des journalistes africains venus de neuf (9) pays du continent. L’objectif affiché de cette formation est d’outiller les participants à exercer leurs professions dans des situations d’urgences et auprès de personnes vulnérables.

« Aucune excuse ne sera acceptée ! Et, la validation de l’ensemble des modules est une obligation non négociable pour décrocher le précieux sésame ! », ont prévenu les organisateurs et les encadreurs de la 21ème session de formation des correspondants de guerre qui s’est déroulée à Ankara, la Capitale politique de la Türkiye. « Cette formation n’est pas qu’un simple parcours de santé », ont-ils encore précisé, sans pour autant réussir à dissiper les doutes de plusieurs participants sur la dramatisation des séances d’apprentissage, malgré le partage de plusieurs vidéos des précédentes sessions de formations dans le groupe social dédié à la  21ème promotion.

Très vite la réalité rattrape la promotion dont les membres sont habillés de la traditionnelle tenue aux couleurs bleus de minuit, assortie d’un teeshirt bleu-roi. Dès le deuxième jour de la formation, les séances pratiques en secourisme et aide médicale d’urgence, censées être les moins demandant en énergie, ont rappelé qu’il faut être endurant et persévérant pour aller au bout des 26 modules programmés et espérer sauver l’honneur. Car, le groupe est conscient que à l’échec collectif a la 21ème session de formation des correspondants de guerre en Türkiye, peut définitivement refermer les portes pour les africains de bénéficier dans un futur proche de cette opportunité gracieusement offerte par l’Agence Anadolu et Tika.

Les exercices pratiquent s’enchainent les unes après les autres avec des simulations d’interventions sur des accidentés, y compris des personnes coincées dans un véhicule pour une raison ou une autre. « Le cycle de massages cardiaques, une fois entamée, ne doit pas s’arrêter jusqu’à ce que la victime recommence à respirer ou jusqu’à ce que les secours interviennent », préviennent les formateurs de l’Académie de la Police Turque. Pour être prêts à sauver des vies lorsqu’il le faudra, chaque stagiaire, 24 au total, doit pratiquer les gestes, encore et encore, dans un environnement recréé. En plus de cela, les encadreurs veillent pour que tous reconnaissent les différentes plaies et maitrisent la pose de garrots sur les membres inférieurs et supérieurs, ainsi que les techniques de compresser les plaies ouvertes pour stopper ou réduire une hémorragie.

Survivre d’abord et couvrir ensuite

La couverture des évènements dans des situations d’urgence est d’abord conditionnée à la capacité des journalistes à éviter de se faire tuer et, en cas de besoin, à se défendre quand ils se retrouvent pris à partie. Pour y faire face, les instructeurs de l’Académie de la Police Turque, des Forces Armées Turques et de l’Agence Turque de Gestion des Catastrophes et des Urgences (AFAD) se sont donnés pour objectif de préparer physiquement et moralement les stagiaires afin qu’ils soient prêts, dans le court temps imparti à la formation, à faire face sereinement à des situations complexes dans l’exercice de leur fonction, à s’extirper des situations et à se mettre en sécurité grâce à des protocoles éprouvés.

En plus de la survie sur la terre ferme, la maitrise de certaines techniques de survie dans les airs et dans l’eau lors des opérations aéroportées en temps de conflits, selon les instructeurs, est nécessaire pour tout correspondant de guerre qui aspire à être en première ligne pour informer son public. C’est pourquoi, soutient le rédacteur en chef de l’Agence Anadolu, seuls les journalistes les plus expérimentés devraient être envoyés en formations pour devenir correspondants. Une fois leurs certificats en poche, ces journalistes «doivent couvrir au moins une situation de guerre avant d’être chef d’une équipe de media déployée en première ». Quoi qu’il advienne, insiste-t-il, un correspondant de guerre ne doit pas être déployé seul sur le terrain.

Dans l’eau, les instructeurs de la Police et ceux de la Marine demandent aux corresponds, une fois déployés, de suivre à la lettre les instructions que donnent les membres de l’équipage et de se rendre rapidement aux points de rassemblement en cas d’alerte. Tous sont unanimes : sauter d’un bateau en naufrage doit se faire au tout dernier moment car, le vaste étendu d’eau que constituent les océans, les mers et les grands fleuves, peut rabaisser en une demi-heure la température corporelle et provoquer un choc d’hypothermie. « Si les secours n’interviennent pas à temps et que les occupants sont obligés de se jeter à l’eau, ils doivent se mettre à une distance raisonnable des lieux de la catastrophe sans trop s’éloigner et se mettre ensemble pour pratiquer la technique du pingouin », indiquent les instructeurs de la force aquatique de la Police.

La technique est empruntée aux pingouins, ce gros oiseau marin des régions arctiques qui se rassemblent sur les banquettes de glace pendant les tempêtes glaciales, se serrent les uns contre les autres, tout en prenant soin de mettre les plus faibles au milieu du cercle. En survie dans les eaux, cette technique consiste aux naufragés de former un cercle dans l’eau en passant leurs bras autour de leurs coups et en ramenant leurs genoux contre leurs torses pour réduire la pression de l’eau sur le corps et ralentir la perte de chaleur corporelle. Ce qui du coup, permet de gagner des minutes supplémentaires avant l’arrivée des secours. « Ne paniquez jamais dans l’eau », demeure le maitre-mot de ces cours pratiques de survie.

Et s’il faut nager car on n’espère pas les secours, la technique du «bateau humain», peut servir aux correspondants de guerre et à des naufragés de rejoindre un point sécurisé, ou même la terre ferme quand on l’aperçoit à l’horizon. Elle consiste pour le meilleur nageur de la bande à se positionner en premier afin de diriger les manœuvres. Un naufragé glisse sa hanche entre ses cuisses afin qu’il puisse bien refermer ses genoux sur elle. Les autres suivent dans cet ordre jusqu’au dernier membre du groupe qui doit être le deuxième nageur de la bande. Les mauvais nageurs et ceux qui ne savent pas nager se retrouvent tous au milieu. Une fois bien solide, le bateau humain se met en mouvement en nageant de dos. Par intermittence, des pauses sont observées pour permettre au plus faible de se reposer et pour consolider la structure humaine formée.

 Par Souleymane Yahaya(onep), envoyé spécial 

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 « Le correspond de guerre n’est pas un soldat mais, il doit savoir agir en tant que tel pour sa propre survie, une fois déployé » ! Les stagiaires sont prévenus : la connaissance des « be à ba » du métier de soldat est d’une grande utilité pour les correspondants de guerre. Il faut savoir identifier les explosifs et prendre des précautions pour contourner ceux qui n’ont pas explosés. Il faut aussi savoir garder son calme pendant les combats et quand on est pris pour cible car, à bien d’égards une caméra ou un appareil photo peut sembler une menace pour un tireur actif qui voudra neutraliser la menace par conséquent. L’un des derniers éléments est de s’habituer à la vue d’images choquantes.

Pour ce faire, les instructeurs des Forces Spéciales de la Police n’ont pas lésinés sur les moyens avec l’utilisation de balles et d’explosifs réels au plus près des stagiaires pour les habituer aux explosions. Et aussi l’utilisation de fumigènes pour gêner les stagiaires dans leur progression vers les abris, suite aux attaques qu’elles lancent fréquemment contre les futurs correspondants de guerre. Une fois sur les installations d’entrainement, les stagiaires deviennent des soldats pour les forces spéciales qui créent sur eux une pression maximale. «S’il faut rencontrer le pire sur le terrain, il est préférable de le vivre d’abord en situation d’entrainement », soutiennent-ils.

Pour pousser les nerfs à bout, une partie de l’équipe des Forces Spéciales s’est secrètement constituée en groupe djihadiste hostile et à profiter du chaos des tirs et des explosions pour enlever un des stagiaires et le retenir prisonnier dans un tunnel. Prévenus dans le briefing qu’on ne devrait laisser personne derrière, le groupe est forcé d’aller à la rencontre des ravisseurs, dans leur tunnel, pour négocier la libération de leur camarade dans un contexte qui va vite dégénérer avec des explosions et des éclats dans les méandres sombres du tunnel. L’objectif est de mesurer l’aptitude des stagiaires à appliquer en situation réelle de stress, les techniques avancés de négociations en situations d’urgence qu’ils ont appris avec les négociateurs de la Police.

Dans la nuit de la huitième journée, les stagiaires sont partis à l’assaut de la montagne sous une pluie abondante et paquetages au dos, couverts de leurs imperméables. La pente est raide, le brouillard intense et la fatigue a son point culminant quand retentir encore des tirs et des explosions qui prenaient pour cible le détachement en mouvement des stagiaires, les forçant à se jeter dans la boue froide pour se protéger. Et en pleine nuit, la voix d’un stagiaire résonnait dans l’obscurité effrayée comme tous les apprenants et demandant si « on est des journalistes ou bien des soldats des forces spéciales ». Ce qui n’a pas empêché les instructeurs de réveiller le groupe juste deux (2) heures après leur sommeil, en faisant exploser des grenades, et en tirant à l’arme automatique.

La formation a permis de créer un lien fort entre les stagiaires d’une part, et entre les stagiaires, les instructeurs et les superviseurs des cours, d’autre part. A force de souffrir ensemble, de manger ensemble et de se soutenir pendant les exercices difficiles, Ankara à créer une nouvelle famille avec la 21ème session de formation des correspondants de guerre. Et cette famille a l’intention de se constituer en structure panafricaine pour permettre aux journalistes africains de vivre de telles expériences dans leurs domaines de spécialisations.

Les blessures survenues lors des entrainements sont désormais pansées et l’odeur et l’inhalation des gaz lacrymogènes ne sont que des souvenirs. Avec leurs certificats, 14 africains rejoignent le groupe des quelques 400 journalistes à travers le monde qui ont accompli avec succès cette formation lors des sessions précédentes. Malheureusement, certains d’entre eux ne sont plus, tombés dans l’exercice de leurs fonctions en tentant d’informer le public sur la guerre et ses conséquences sur les communautés.

Par  Souleymane Yahaya(onep), envoyé spécial