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Production et vente du pain local à Balleyara : Une activité d’un apport considérable dans l’économie locale et l’emploi des jeunes

Balleyara est une ville très animée surtout la veille et le jour du marché hebdomadaire. Les échanges commerciaux sont intenses dans cette ville carrefour. En effet, la position géographique de Balleyara fait de cette ville un centre commercialrésolument tourné vers le business. Un jour de marché est considéré comme « sacré » à Balleyara. La débrouillardise est ancrée dans les habitudes de tout un chacun. Parmi la panoplie de produits alimentaires mis en vente le jour du marché hebdomadaire, figure en bonne place le pain local qui est fortement consommé par les populations. Le pain est produit de façon artisanale à travers des fours traditionnels construits en banco (argile). La filière vente du pain est quasiment dominée par des unités traditionnelles éparpillées dans la ville de Balleyara.

 Au cœur du marché hebdomadaire de Balleyara est érigé un four de production du pain local. De la fumée lente se dégage au milieu des boutiques et autres magasins construits en semi-dur avec une toiture en tôle. C’est le lieu de l’entreprise Alkassoum Yayé. Il est 8h 30 mn ce dimanche 24 avril 2022, jour du marché de Balleyara. Les marchands commencent à exposer et à vendre leurs articles. La navette est intense dans cette partie du marché. Comme à l’accoutumée, chaque dimanche  Abdoul-Kader, un élève en classe de 3ème  vient prêter main forte à son grand frère Alkassoum pour la production du pain. A coté du four traditionnel, se trouve le magasin où sont stockés  les sacs de farine de blé servant à la préparation du pain.  A l’entrée de ce magasin, Abdoul-Kader met en valeur ses biceps. Les deux mains dans un grand récipient rempli de la farine de blé, il transpire en malaxant un sac et demi de farine de blé. Les ingrédients tels que la levure et le sel sont déjà versés dans cette grande bassine. L’eau étant versée, la farine devient pâteuse après une demi-heure de corvée pour Abdoul-Kader. En effet, l’eau utilisée pour la mixture de la farine est méticuleusement étudiée. Pour écarter le moindre soupçon par rapport à la propreté de cette eau, Abdoul-Kader n’hésite pas à faire recours à la décantation, une méthode couramment appliquée surtout en milieu rural.  La préparation de la farine est visiblement pénible parce qu’il faut consacrer au moins trente (30) minutes. Ici, l’activité  mobilise presque tous les membres de la famille. Le savoir-faire est transmis de génération en génération dans cette famille. Le pain local de Balleyara est très prisé. Les habitants de la ville en raffolent, tout comme les populations environnantes et les visiteurs venant des zones lointaines. C’est un pain totalement différent de celui produit dans les unités industrielles à Niamey. L’activité est bien organisée même si la filière ne se modernise pas à l’image d’autres secteurs d’activités. D’un coté, il y a des commerçants  de la farine de blé  et de l’autre  les  vendeurs à la criée en passant par les producteurs du pain local.

Le processus de préparation du pain

Dans la ville de Balleyara, l’entreprise d’Alkassoum est citée en exemple parmi la kyrielle d’unités traditionnelles de production du pain. Agé de 30 ans, il maitrise toute la chaine de production du pain. ‘’ Nous mettons minutieusement la farine de blé dans une grande bassine. Puis, on verse de l’eau et les ingrédients avant de procéder à la phase consistant à la mixture. Il faut un ou deux bras valides pour cet exercice où les muscles vont beaucoup travailler. Lorsque la farine est bien malaxée jusqu’à devenir une pate gluante, on schématise sur une grande table les formes de pain. C’est ainsi qu’on passe à l’étape suivante où ces formes de pain sont transposées sur une planche à fer à l’aide de laquelle on les met soigneusement dans le four déjà bien chauffé. C’est le bois de chauffe qu’on utilise dans ces fours  traditionnels de pain’’, a expliqué M. Alkassoum. Quelques minutes après, il ressort les planches avec du pain prêt à la vente et à la consommation. C’est un pain à dimension courte, mais tendre et délicieux. On peut même le grignoter sans le lait. Aussitôt sorti du four, un groupe de revendeurs prennent d’assaut le lieu. Il y a deux catégories de pain. Celle qu’on vend à 50 F et l’autre à 100 F. Au niveau des unités traditionnelles de production du pain, les revendeurs ambulants ou ceux qui ont des petits restaurants achètent la baguette locale à 90 F qu’ils revendent pour avoir un bénéfice de 10 F. Le jour du marché est propice à la vente. Une recette de 150.000 F est une petite affaire pour Alkassoum qui dispose de quatre (4) revendeurs ambulants sans compter les restaurateurs et restauratrices. Chacun des revendeurs peut avoir le jour du marché 3000 F comme gain lié au travail. Le business est rentable  même si ces derniers temps, la cherté de la farine de blé impacte la filière. Malgré la présence d’une boulangerie moderne à Balleyara, la filière du pain local tient encore. Les acteurs évoluant dans ce secteur d’activité tirent leur épingle du jeu.

Cependant, avec le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui sont des grands pays producteurs du blé, l’impact de la crise s’est répandu partout dans le monde. Au Niger, le prix du sac de la farine de blé a connu une hausse vertigineuse. Ce qui a contraint les unités industrielles opérant dans la filière boulangerie et pâtisserie à revoir à la hausse le prix du pain. Mais comme Balleyara a une position stratégique par rapport aux échanges commerciaux avec des entrées faciles, la disponibilité de la matière première qu’est la farine de blé ne fait point défaut. Le sac de 50 kg de farine de blé se vend à Balleyara à 18.500 F, alors qu’elle coûtait avant la crise Russo-ukrainienne 14.000 F. La farine de blé qui inonde le marché de Balleyara vient de l’Algérie à travers les camions gros porteurs.

La commercialisation de la farine de blé

 La guerre entre l’Ukraine et la Russie a perturbé considérablement la chaine d’approvisionnement des denrées alimentaires exportées par ces deux pays.  Parmi les denrées alimentaires que les pays africains importent en quantité et dont l’Ukraine et la Russie sont des grands producteurs mondiaux, figure effectivement le blé. Ce dernier est un produit agricole dont la transformation agro-alimentaire débouche sur

plusieurs aliments fréquemment consommés par les populations vivant aussi bien en milieu rural qu’urbain. C’est le cas des galettes de beignée et le pain. Ces deux aliments ne sauraient être disponibles s’il n’y a pas de la farine de blé. A Balleyara, l’entrée de la farine de blé est facilitée par les camions gros porteurs en provenance de l’Algérie et dans une moindre mesure par le Nigéria, un pays de transit. Mais l’essentiel des commerçants qui évoluent dans la filière évoquent l’Algérie comme principal pays d’approvisionnement de la farine de blé.

Assis sur une chaise sous un hangar dressé à la devanture de son magasin, M. Abdoul-moumouni Abonkor est un commerçant de la farine de blé. Il compte méticuleusement des billets de banque qu’un monsieur vient de lui tendre. Probablement de l’argent en lien  avec la vente de la farine de blé. Méfiant par rapport à la presse, il considère même qu’il est inutile d’échanger avec nous. La réticence le domine au point où les réponses à nos questions sont expéditives.  Il ne fait pas le déplacement en Algérie pour acheter la farine de blé. Mais ce sont plutôt les camionneurs qui prennent le risque pour approvisionner la ville de Balleyara dans un contexte sécuritaire volatile. Quant aux clients de ce commerçant, il faut simplement retenir les propriétaires des unités  de production du pain local et les femmes excellant dans le petit commerce. ‘’ La cherté de la farine blé est liée au fait que l’approvisionnement est perturbé par les conflits dans les pays à forte production et l’insécurité qui sévit dans la bande sahélo-saharienne. Auparavant, nous achetions auprès des camionneurs la tonne de la farine de blé à 250.000 FCFA. Cette année, la tonne nous revient à 340.000 à 345.000 FCFA soit une augmentation de près de 100.000 FCFA. Et à dire que nous revendons en détail aux boulangers et aux femmes qui opèrent dans le petit commerce. Actuellement, le stock de farine de blé dans le magasin ne dépasse pas deux tonnes.  Avec le mois de jeûne, le marché est timide. Notre souhait le plus ardent, c’est le retour de la paix dans le Sahel et le rétablissement normal de la chaine d’approvisionnement des denrées alimentaires en général et celui du blé en particulier ’’, espère M. Abdoul-moumouni Abonkor.  En dehors de cette perturbation liée à l’approvisionnement de la matière première (la farine de blé), on peut dire que le business autour de la vente du pain n’est pas négligeable dans l’économie locale.

Hassane Daouda, (onep)Envoyé Spécial    

 

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L’on ne peut se balader dans les méandres, et les couloirs du marché de Balleyara sans rencontrer les jeunes vendeurs du pain traditionnel communément appelé ''kharaga-buro'' c'est à dire le ‘’pain fait maison’’, à la différence des boulangeries pâtisseries modernes. Au marché à bétail, dans les différentes sections dudit marché, ce pain est disponible et accessible à tous. La vente de ce produit est très rentable et des jeunes gens dont des scolaires en ont fait leurs métiers qu’ils exercent pendant les weekends, principalement les dimanches, jour du marché. A travers cette activité des jeunes vendeurs ambulants trouvent leurs comptes.

Cet excellent et savoureux pain fait dans des fours en banco est un met traditionnel nigérien. Selon les spécialistes en la matière, les techniques du fourrage et les recettes de ce pain à base de semoule fine et la farine de blé, ont été importées des pays du Maghreb par des commerçants et des éleveurs pratiquant la transhumance. Ce pain est singulièrement apprécié par les communautés. Il fait partie des mets très prisés, surtout les jours du marché et lors des fêtes.

Boubakar Ahmad Idher, un jeune de 15 ans qui assiste son père dans toute la chaine de préparation du pain traditionnel. Ça fait exactement 4 ans qu'il travaille avec son père. Après la préparation, il a la charge d’écouler une bonne partie du pain sur le marché. Il se balade dans le marché à l'aide d'un récipient rempli de petits morceaux de pain. Chaque jour du marché le jeune garçon arrive à écouler plus de 200 unités de pain. « Je viens chaque jour du marché avec mon père. Nous sommes du village de Alkama. Nous venons ici seulement les jours du marché. Je prends 50 unités de pain de 100f et 50 autres unités de 50f que je transporte sur ma tête pour aller à la rencontre des clients. Les clients préfèrent nos produits à cause des facilités qu'ils ont pour s'approvisionner. Le pain local a un goût authentique et très riche en substance nutritive. Et ensuite ce pain est moins cher par rapport aux pains des boulangeries », explique le jeune vendeur.

Les filles ne sont pas en marge de cette activité. Chamsiya est aussi une vendeuse du pain traditionnel juste à l’accès principal de l’ancien marché à bétail de Balleyara. Ce jour du marché, elle a le pain entassé sur une table. Elle a l’assurance de tout vendre, car elle fait accompagner son pain avec de la sauce, la salade, etc. « Je vends une grande quantité chaque jour. Mais c’est surtout les jours du marché que les affaires sont bonnes à cause de l’affluence. On me livre du pain chaud que je vends en détail. Les clients peuvent également le couper en deux et le garnir avec de la viande hachée ou de crudité disponible chez moi pour en faire d’excellents sandwichs », a-t-elle expliqué. 

La plupart de ces vendeurs ambulants sont payés par jour et en fonction du nombre d’unités du pain

vendues. Souleymane Abdouramane est un élève en classe de 4ème. Il ne rate jamais le jour du marché. Pour cause, la vente du pain. Souleymane est le vendeur préféré d'un commerçant et producteur du pain traditionnel. Il a constaté que la vente du pain traditionnel est rentable et beaucoup de jeunes vendeurs s'en sortent très bien.

Conscient de l’importance et la sensibilité des produits qu’il propose aux clients, Souleymane adopte des attitudes pour assurer l'hygiène sur le lieu de vente. Le jeune homme est propre et respectueux vis-à-vis de ses clients. « Le pain est un aliment à garder dans des très bonnes conditions d’hygiène. Je le fais pour gagner la confiance des clients et celle de mon patron, car je dois profiter des jours du marché qui coïncident avec les weekends. Chez nous le jour du marché coïncide avec les weekends où généralement les scolaires n'ont pas grand-chose à faire. Alors j'ai décidé d'intégrer un groupe de jeunes vendeurs. C'est à cause de mon sérieux que le propriétaire me confie une grande quantité de sa production pour l’écouler. Et il me donne des commissions supplémentaires pour m'encourager. Même quand le marché est dur il nous fait un traitement spécial », a témoigné Souleymane Abdouramane. 

Grâce à cette activité des jeunes comme Souleymane arrivent à subvenir à leurs besoins. Selon lui, cette activité n'a aucun impact négatif sur leur scolarité. Au contraire, ce jeune qui rêvait de devenir un officier de l'armée précise que la plupart des vendeurs de pain prennent déjà en charge, à la sueur de leur front l'essentiel des petites dépenses académiques sociales, notamment frais de COGES, l’achat de tenue scolaire et EPS, frais de récréation, etc. 

Abdoul-Aziz Ibrahim(onep), Envoyé spécial