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Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, Autant vous êtes d’un humanisme dont on ne saurait rêver chez l’autre, autant vous avez un souci que l’autre n’a pas pour les fonds et biens publics

J’ai appris que vous avez nommé le Mauritanien Moustapha Ould Liman Chaffi en qualité de conseiller spécial et je me suis dit que, de façon implicite, vous me laissez sans doute la mission d’éclairer la lanterne des plus jeunes sur la personne à qui vous avez estimé nécessaire de faire appel pour vous conseiller, j’imagine, en matière de sécurité. Celui que l’activiste panafricaniste Nathalie Yamb appelle « le copain des terroristes » était le maure de l’ancien président burkinabè, Blaise Compaoré. à qui il servait d’intermédiaire avec des groupes armés dont les chefs ont fini, à force de travailler, main dans la main avec l’ancien président burkinabè, de s’installer à Ouaga 2000, leur quartier général. Voilà pour ce qui est connu par ceux qui prennent la peine de s’informer. Mais l’individu a une histoire, une autre histoire, qui le marque et que nous autres, Nigériens, savons mieux que quiconque.

Moustapha Ould Liman Chaffi, votre conseiller et ami de toujours, paraît-il, aurait pu être plutôt Nigérien que Mauritanien et vous le savez. Il est le fils d’un marabout-politicien, Limam Chafi, très proche du bloc nigérien du Ppn-Rda et du président Diori Hamani, sous la première république. Limam Chafi faisait partie des conjurés du coup de force du commandant Moussa Bayéré contre Seyni Kountché, en1976. Un coup de force qui a échoué et qui a motivé la fuite de Limam Chaffi du Niger. Kountché, pour la petite histoire, avait indiqué à son propos que l’homme était né deux fois, histoire de dire que l’on ne connaissait pas les origines exactes de l’homme. Depuis lors, Limam Chaffi n’a jamais plus remis les pieds au Niger.

Moustapha Ould Liman Chaffi est le digne fils de son père. Toujours fourré dans les arcanes des pouvoirs africains, il a aussi des relations particulières avec les groupes armés non-gouvernementaux, notamment au Sahel. Ami et intermédiaire de plusieurs chefs d’Etat, il entretient des rapports de proximité très remarquable avec l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani du Qatar, soupçonné et cité comme un bailleur de fonds du terrorisme au Sahel. Tel père, tel fils, diton. Installé au Qatar en 2014, le sulfureux Moustapha Ould Liman Chaffi est parti de son pays pour avoir été accusé d’être la tête pensante de la tentative de putsch sanglant des Cavaliers du changement, le 8 juin 2003, contre le Président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya.

Monsieur le Président,

Votre conseiller, vous le savez, n’est pas un personnage fréquentable. Il est de la même trempe que tous ces mercenaires de l’Hexagone, fréquentés et démarché en coulisses, mais reniés et rejetés aussitôt que le public découvre le pot aux roses. Les cas Bob Denard et autres sont là pour en attester. L’héritage familial est sauvegardé et le fils, comme le père, n’est jamais loin des affaires tordues de pouvoir. Le 28 décembre 2011, il faisait partie de quatre Mauritaniens contre lesquels un mandat d’arrêt international a été lancé. Ils étaient accusés de financement du terrorisme, d’intelligence avec des groupes terroristes et d’appui logistique et financier à des groupes terroristes en activité dans le Sahel. Une accusation qui, si elle est levée depuis l’élection de …au pouvoir, trouve toutefois des fondements solides dans la proximité de Moustapha Ould Liman Chaffi avec les groupes armés terroristes chez lesquels il a ses entrées. C’est par ses bons offices que la libération de plusieurs otages occidentaux au Sahel, détenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a été possible. C’est, entre autres, le cas du Canadien Robert Fowler, l’envoyé spécial de Ban Kimoon, et son assistant, enlevés en décembre 2008 et libérés en avril 2009, des trois humanitaires espagnols Alicia Gamez, Roque Pascual et Albert Vilalta enlevés le 29 novembre 2009 et libérés en 2010.

Monsieur le Président, Est-ce un simple hasard si les présidents Oud Taya et Aziz l’ont tous deux, successivement, accusé de connexion avec les terroristes ? Personnellement, je crois que vous auriez dû laisser votre ami dans l’ombre. On ne s’affiche pas avec de tels individus à l’histoire sulfureuse sans s’exposer à des soupçons de connivence avec des milieux détestables. À quoi va vous servir quelqu’un qui est présenté comme un ami des terroristes alors que votre sacerdoce est de lutter contre le terrorisme et de le vaincre ? En tout état de cause, vous devez garder à l’esprit que votre succès tient à trois choses : la sécurité, la lutte contre la corruption et la justice. Si vous réussissez sur ces trois volets, vous aurez tout réussi. Mais, je vous avais avertis, le loup est dans la bergerie. Je ne voudrais pas être un conseiller qui se contente d’être là uniquement pour la figuration. Votre combat est double. Il exige de vous beaucoup de courage, de cran et de l’anticipation. Heureusement que dans ce combat pour le Niger que vous avez pris l’engagement solennel de mener, vous connaissez vos adversaires. C’est une grande chance, à condition toutefois que vous sachiez exploiter cet atout considérable.

Monsieur le Président, J’admire, en toute honnêteté, votre intelligence. Sans bruit, vous avancez également sans être vu. Sans tambour ni trompettes, vous avez su, en quelques mois, délimiter le vaste fossé qui vous sépare de votre prédécesseur. Autant vous êtes d’un humanisme dont on ne saurait rêver chez l’autre, autant vous avez un souci que l’autre n’a pas pour les fonds et biens publics. Bref, vous avez réussi cette épreuve qui n’est pas si banale que certains le pensent. L’autre, c’est certain, a ruiné le Niger à tous points de vue : économiquement, politiquement, culturellement, socialement, etc. Merci d’être en train de le faire oublier.

J’ai appris que Ali Téra a été finalement libéré et je vous félicite sincèrement pour ce premier pas dans la libération des prisonniers politiques. Vous devez aller plus vite dans ce sens et permettre aux Nigériens de se réconcilier avec eux-mêmes et entre eux. Que Dieu vous aide dans cette voie ! Ma prière de cette semaine, c’est aussi de souhaiter que la justice, sous votre tremplin, mette aux frais tous ceux qui ont ruiné le Niger en s’appropriant, grâce aux fonctions dont ils sont investis, les fonds et biens publics qui auraient pu permettre de construire un Niger meilleur. Ainsi émergera le Niger tel que vous le rêvez et tel que le rêvent vos compatriotes.

Votre dévoué serviteur, Mallami Boucar.