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Financement public du Football au Niger : Pourquoi ça ne marche pas ?

Aujourd’hui comme hier, la question n’est plus de savoir si le sport est une activité privée ou collective, mais celle de connaître les justes proportions de chacune de ces deux dimensions de la question. Ailleurs, dans le monde, principalement chez les Anglo-saxons, le sport est une activité relevant du secteur privé et qui doit être régi par les règles de droit privé. Vous comprenez très certainement que l’on soit là en présence d’une vision libérale ou néo-libérale du monde dont le capitalisme est la forme la plus achevée. En effet, dans ces sociétés capitalistes, l’Etat est censé mourir, disparaître, puisqu’il est l’ennemi de l’individu, pour laisser place aux volontés individuelles. Pour le cas spécifique du football, c’est une activité du secteur purement privé avec de clubs privés puissants et des fédérations autonomes.

Cependant, même dans ces Etats capitalistes, le sport, comme d’ailleurs les autres activités humaines, le sport est aussi une affaire du secteur public qui en crée le cadre et en assure le fonctionnement régulier. Même dans ces pays de tradition libérale, l’Etat demeure toujours présent, soit par son rôle de régulateur, soit par celui de la bonne orientation ou de l’élaboration des politiques publiques sectorielles ou sous-sectorielles de développement. C’est à l’Etat d’élaborer les grandes politiques publiques du pays et de les mettre en exécution, à travers, une organisation politique et administrative assise sur des règles et de principe consacrés par les lois et les règlements de la république. Les Mondiaux de football et les Jeux Olympiques démontrent clairement que le sport, en général, le football en particulier, sont d’abord du domaine régalien, car ce sont les candidatures des Etats qui y sont demandées. Comme on le voit, le sport revêt à la fois, dans ces pays capitaliste, des aspects privé et public pour avoir trouvé un modèle de financement à dominante privé et d’un accompagnement étatique divers, soit sur le plan de la fiscalité, soit dans la prise en charge financière et matérielle des équipes sportives nationales. On le sait très bien, dans ces Etats, la part publique dans le développement du sport reste importante, rien que pour la construction des infrastructures sportives dans le pays. C’est tout simplement parce que le sport est devenu, de nos jours, un enjeu de fierté nationale incarnée par le drapeau-étendard qui couvre chacun des athlètes qui rivalisent sur la scène internationale. La chose doit aussi l’être dans les pays dits en développement comme les nôtres, où le secteur privé demeure encore faible pour répondre aux besoins de financement du sport. Plus particulièrement, dans des pays comme le Niger, l’un des plus pauvres de la planète selon l’Indice du Développement Humain (ID) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), le sport ne peut que compter sur l’Etat pour se développer, en l’absence de sponsorings sportifs au plan national. Le cas du football est très révélateur de l’impérieuse nécessité de mettre en place, très rapidement, un mécanisme de financement des équipes nationales de football qui compètent au nom de la nation nigérienne et sous le drapeau national. C’est justement là où se trouve toute la problématique actuelle de la question du financement public du football au Niger. En effet, comme on le sait, depuis plusieurs années, le football nigérien a enregistré de progrès importants en se qualifiant à deux reprises successives aux phases finales de la CAN, en prenant régulièrement part aux différentes compétitions inter-nations de la CAF dans toutes les catégories et dans tous les genres. Mais, pour rendre ces équipes nationales de football dans de meilleures conditions de réussite, il faut avant tout régler les primes de qualification des joueurs ainsi que celles de sélection qui sont, exclusivement, à la charge de l’Etat. Aujourd’hui, ces primes de joueurs des équipes de football s’accumulent de compétition en compétition, sans que les pouvoirs publics puissent régler la question de façon responsable. A titre d’exemple, on peut citer entre autres le non-paiement des primes du CHAN 20220, au Cameroun, celui des U23 récemment victorieux de la Guinée-Bissau pour la CAN 2023 de cette catégorie, sans compter les plus vieilles primes des autres campagnes précédentes tombées dans les oubliettes des pouvoirs publics compétents. On ne sait pas pourquoi ces primes ne sont pas réglées, non parce qu’il n’y a pas l’argent pour le faire, mais peut-être que les pouvoirs publics, en l’occurrence le président de la république, le premier capitaine des équipes nationales sportives, probablement, mal informé ou mal entouré sur la question. Une chose demeure cependant certaine, c’est que le président Bazoum a affiché de bonnes intentions dans ce sens, mais, d’un autre côté, l’on a l’impression que, quelque part, une bonne partie de son entourage jouerait contre la réalisation concrète de ces bonnes dispositions présidentielles. Il s’était rendu au stade pour assister à une finale de Coupe nationale et avait même rehaussé les enveloppes des primes de façon conséquente. Il reçoit, parfois, les dirigeants de ce sport à son Palais de la Présidence. Mais, très malheureusement, tout cela n’aboutit pas au déblocage rapide des fonds alloués à ces équipes nationales de football, qui sont, très souvent, insignifiants pour un Etat. Peut-être que le président Bazoum devrait revoir sa façon de donner des instructions qui ne sont pas suivies d’effets, souvent, dans la réalité. Par le passé, sous la Cinquième République, les autorités politiques de cette époque avaient créé un cadre de financement adéquat des équipes nationales de football, composé des entreprises publiques dont la tête de file était la SONIDEP dirigée par cet amoureux de foot, Dioffo Amadou. C’était ce parterre d’entreprises publiques qui avait en charge le financement de toutes les primes des joueurs des sélections de football. Le système avait relativement bien marché, car, à cette époque, ces sociétés publiques n’étaient pas minées par la politique politicienne, par de gestion approximative, qui font qu’aujourd’hui, l’ancien chef de pool de ces mécènes, à savoir la SONIDEP, est au bord, aujourd’hui, du dépôt de bilan, et par conséquent, elle ne peut plus, raisonnablement, jouer le même rôle. Il reste alors les entreprises publiques qui tiennent encore la route, et pour combien de temps, comme la NIGELEC, la SOPAMIN, la LONANI, Niger Poste, pour prendre la relève dans ce financement des équipes nationales de football. Mais, à ce niveau aussi, ces entreprises sont aux mains de protégés du régime politique aux affaires, qui sont, souvent, des personnes peu sensibles à la cause du sport, l’essentiel étant pour elles de recruter en masses des militants de leur bord politique ou d’attribuer de juteux marchés publics aux opérateurs économiques du parti, de la région ou de la famille. Et comme dans le football il n’y a pas de business à faire, on s’en détourne et on s’en fiche éperdument ! Les dirigeants de ces entreprises publiques appartiennent, souvent, aux appareils politiques du parti ou des partis au pouvoir et n’obéissent qu’aux intérêts de leurs formations respectives.

Aujourd’hui, ce sont là les raisons qui expliquent sans doute la léthargie qui caractérise ce cadre légal de financement public du football au Niger et qui empêche à celui-ci de sortir des sentiers battus pour un rayonnement durable. Pour l’instant, c’est la Fédération Nigérienne de Football (FENIFOOT) qui supplée aux défaillances de l’Etat en préfinançant, souvent, le payement des primes de joueurs des sélections nationales de football, au risque de se retrouver en difficultés financières pour mener ses différentes missions fédérales, dont l’organisation des différents championnats nationaux de Super Ligue, de Première Ligue et de Ligue régionale.

Sanda