Le Nigérien de la semaine : M. Iliassou Amadou Moumouni Djermakoye
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Iliassou Amadou Moumouni Djermakoye. Je suis originaire de la région de Dosso, plus précisément du canton de Harikanassou-Kiota. Agronome de formation, je vis en Belgique, mon pays d’accueil, depuis 32 ans.
Quel a été votre parcours professionnel, au Niger d'abord, puis en Belgique ?
Après l’obtention de mon diplôme d’agronomie au Maroc en 1991, j’ai effectué mon service civique au Niger en 1992, en enseignant les mathématiques et les sciences naturelles au CEG 5 de Niamey. J’ai ensuite été affecté à la direction régionale de l’agriculture à Tillabéri, mais j’ai bénéficié d’une bourse nationale en 1993 pour poursuivre mes études en Belgique dans le domaine de l’agronomie.
Par la suite, j’ai complété ma formation en coopération au développement et ai intégré Amnesty International Belgique francophone, où j’ai successivement occupé les postes de recruteur, chef d’équipe et coordinateur de projet.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans la vie politique belge, et plus précisément à Auderghem ?
Auderghem est la commune où je vis depuis 1998 et me suis toujours senti pleinement intégré. Mon engagement politique est né d’un sentiment de reconnaissance envers la Belgique, un pays qui m’a adopté et tout donné.
C’est par amour pour cette commune et fort d’une bonne connaissance de ses réalités que je me suis engagé en politique locale avec le parti DéFI, devenant en 2012 le premier candidat d’origine nigérienne à se présenter aux élections communales sur la liste du bourgmestre Didier Gosuin.
Comment s’est déroulée votre expérience chez Amnesty International et comme conseiller communal ?
Mon passage chez Amnesty International fut une expérience humaine et professionnelle très enrichissante. Gérer plusieurs équipes issues de cultures diverses exige patience, diplomatie et écoute. En tant que coordinateur, j’ai veillé à la formation continue des recruteurs et à la cohérence de leurs messages sur le terrain, dans un esprit de respect et de tolérance.
Comme conseiller communal à Auderghem, j’ai été le premier Belge d’origine subsaharienne à siéger au conseil. C’était pour moi une victoire symbolique et une responsabilité : représenter la diversité et apporter une perspective nouvelle à la gestion communale. Cette expérience a permis d’ouvrir la voie à d’autres candidats issus de l’immigration, aujourd’hui bien intégrés dans la vie politique locale.
Quelles actions avez-vous menées pour soutenir la communauté nigérienne en Belgique ?
Je fais partie de la première génération d’étudiants nigériens arrivés en Belgique. En 1993, nous n’étions que sept boursiers. Nous avons rapidement structuré notre présence en fondant une section de l’Union des Scolaires Nigériens, puis l’ARNIBEL (Association des Ressortissants Nigériens de Belgique). Nous avons œuvré à renforcer les liens entre compatriotes et à promouvoir la solidarité et l’entraide.
Que retenez-vous de votre participation aux Assises régionales Europe ?
C’était une première historique, dans un contexte où la souveraineté du Niger est mise à rude épreuve. Malgré la distance, nous, Nigériens de la diaspora, ne pouvons rester indifférents aux sanctions injustes imposées à notre pays.
Les contributions lors de ces assises ont été nombreuses et concrètes : création de nouveaux consulats, soutien aux Nigériens à l’étranger, participation active de la diaspora au développement, rupture avec certaines institutions internationales, entre autres. Sur 646 propositions nationales, 273 proviennent de la diaspora, soit 42,26 % - un chiffre éloquent.
Comment conciliez-vous votre identité nigérienne avec votre vie en Belgique ?
C’est une question de respect mutuel et de cohérence personnelle. Je respecte les lois du pays qui m’accueille, tout en gardant une attache forte à ma culture. Chez moi, chaque fête nationale ou religieuse est célébrée selon les traditions nigériennes.
J’ai également participé à plusieurs initiatives visant à promouvoir les valeurs nigériennes et à contribuer au développement du pays, notamment lors du premier Forum de la Diaspora en 2012.
Quels conseils donneriez-vous aux Nigériens de la diaspora souhaitant s’engager ?
L’exemplarité est essentielle. La diaspora nigérienne a une excellente réputation en Belgique. Respecter les règles du pays d’accueil est fondamental pour s’ouvrir les portes de l’engagement associatif ou politique. Il ne faut jamais oublier de relier ses expériences à des actions concrètes pour son pays d’origine, à travers le transfert de compétences et l’investissement.
Quels sont vos projets futurs ?
Après 32 années en Europe, je souhaite m’impliquer activement dans la refondation du Niger. J’ai lancé plusieurs projets dans les domaines de l’alimentation et du BTP. Je reste disponible pour servir mon pays si l’opportunité m’est donnée.
Comment voyez-vous l’évolution de la diaspora nigérienne en Europe ?
Je suis inquiet face à la montée de l’extrémisme et aux restrictions croissantes contre les étrangers en Europe. Il est urgent que nos États créent des conditions favorables à l’emploi local pour éviter l’exode de la jeunesse. La diaspora doit investir massivement au pays et participer activement à sa transformation.
Quel message souhaitez-vous adresser à nos compatriotes ?
Je lance un appel à l’unité autour du président Abdourahamane Tiani pour refonder notre nation. C’est un combat de longue haleine, mais le Niger est un pays béni. Avec courage, patience et résilience, nous surmonterons les défis qui nous attendent.
Réalisée par Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)