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Le Nigérien de la semaine : Professeur Khalid Djado

Khalid Djado
Bonjour Professeur Khalid Djado : Comment voudriez-vous, vous présenter aux internautes de Nigerdiaspora ?
Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour tout ce que vous faites pour tenir les nigériens informés. Je me nomme Khalid Maina DJADO, scientifique de formation. Je suis marié père de deux garçons de 4 ans et un an. Je suis un ancien élève du lycée Mariama de Niamey où j'ai obtenu mon Bac C en 1998. Je suis titulaire d’une licence en Mathématiques appliquées obtenue à l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah à Fès au Maroc, d’un master en mathématiques et informatique de l'Université de Bretagne Sud en France, d’un Ph.D. en informatique avec un cheminement en imagerie et média numérique obtenu à l'Université de Sherbrooke au Canada. Je possède près d’une quinzaine d'années d'expérience en enseignement universitaire et en consultation dans les centres de recherche et entreprises canadiennes.

Depuis, je me suis plus engagé dans le domaine de la recherche appliquée, avec comme centre d’intérêt le développement des technologies applicables dans le monde industriel par le biais de propriétés intellectuelles brevetées ou brevetables.

Parallèlement à mes activités personnelles, j’enseigne actuellement au département de mathématiques et informatique à la faculté des sciences à l'Université Abdou Moumouni et je suis également professeur associé au département d’informatique à la faculté des sciences de l'Université de Sherbrooke au Canada. Le reste de mon temps, je travaille comme consultant en recherche et développement sur divers projets.

Parlez-nous de votre fonction actuelle de professeur à l’Université de Sherbrooke
Le titre de professeur associé est différent de celui de professeur régulier. En tant que professeur associé à l'Université de Sherbrooke, je suis libre dans mes faits et gestes. Mon travail consiste principalement à participer à l’encadrement des étudiants dans les cycles supérieurs. Cette spécificité me permet de demander et obtenir des subventions auprès d’organismes canadiens pour des projets de recherche scientifique y afférent.

Khalid Djado Pouvez-vous nous parler de vos actions nationales et internationales ?
Au plan national, je peux dire que je suis pleinement impliqué. J’ai toujours voulu servir le Niger et cela fait maintenant 5 ans que je suis assez souvent à Niamey. Je donne des cours en informatique à l'Université Abdou Moumouni et j’encadre aussi des projets de recherche d'étudiants au département de mathématique et informatique.

J’ai eu à l’occasion à partager le contenu d’un cours de l'université de Californie à Berkeley afin qu’ils puissent voir ce qui se fait ailleurs et pouvoir se comparer. Il me semble que les étudiants qui suivent mes cours au Niger, apprécient cette approche interactive qui les pousse à se mesurer aux étudiants nord-américains.

Tout n’est pas rose; car pour optimiser la qualité de mes prestations, il m’arrive de rentrer à Niamey avec tous les téléchargements nécessaires à mon cours, ce pour minimiser les aléas techniques liés à la qualité d’internet pas toujours garantie. Il n’est donc pas toujours aisé pour les enseignants et étudiants de bien mener leurs travaux de recherche nécessitant l’utilisation d’internet.

Au plan international, j’ai représenté l’Afrique dans l’association « ACM SIGGRAPH International Resources Committee » qui s’occupe de faire la promotion des technologies interactives à travers le monde de 2011 à 2015. J’ai eu beaucoup d'opportunités pour développer des relations avec des universités et enseignants sur les cinq continents. Ayant déjà fait mes études en Afrique, en Europe puis en Amérique, j’ai eu plusieurs occasions d’aller en Asie et une fois en Océanie pour des conférences dans le cadre de mes recherches. Je garde de bons souvenirs de la Nouvelle Zélande, de l’Afrique du sud, de Singapour, de la Chine, de la Californie, de la Louisiane, de l’État de Washington, du Massachusetts, etc…

Que pensez-vous de la situation inquiétante de l'éducation au Niger?

Khalid Djado 07Il s’agit du problème le plus sérieux pour le Niger. Notre éducation va très mal et nous avons tous notre part de responsabilité, nos dirigeants encore plus! Le niveau est très bas. J’ai déjà eu un étudiant avec un bac scientifique à un de mes cours au Niger ne connaissant pas la signification de la parité d’un nombre! Avec le niveau actuel, il nous sera impossible de créer un bassin de cadres de qualités pouvant fonder des entreprises prospères pour créer de la richesse dans le pays. Il sera en plus difficile de rattraper notre retard par rapport aux pays développés. Cela peut paraître un rêve mais je suis de ceux qui croient qu’avec la foi, la volonté, la discipline et le travail il est tout à fait possible qu’on puisse un jour parler du Niger comme on parle maintenant de Singapour ou de la Corée du Sud. Ces deux pays dans les années 1960 étaient comparables du point de vue économique aux pays africains comme le Niger et aujourd’hui ils sont très développés. Leurs universités accueillent des étudiants de partout au monde qui viennent se former. Ils ont fait ce chemin en un demi-siècle. Mais pour arriver à cela nous devons repenser notre contrat social dans le domaine éducatif.

En laissant le système éducatif nigérien comme il est actuellement, nous condamnons l’avenir de notre pays car ce sont nos élèves et étudiants d’aujourd’hui qui prendront la relève dans tous les démembrements de la société nigérienne.

 

Khalid Djado Ilimi BereyeActuellement, nous sommes tous d’accord que le Niger et beaucoup de pays africains sont très en retard par rapport aux pays développés comme le Canada. Si nous ne prenons pas garde ce retard va se creuser de façon considérable dans les années à venir. En effet, compte tenu du vieillissement de la population et pleins d’autres facteurs, tous les pays développés ont décidés d'investir des sommes colossales dans la recherche et le développement particulièrement en intelligence artificielle. Ceci aura pour conséquence de créer une nouvelle économie dans laquelle beaucoup d’emploi vont simplement disparaître. Par exemple avec les voitures autonomes d’ici deux décennies, des métiers de chauffeurs ou bien de taximan vont juste disparaître. Les technologies issues de l’intelligence artificielle remplaceront l’homme dans les tâches moins nobles. Les conditions de vie des populations dans les pays développés vont être encore plus agréables. L’exode des cerveaux des pays africains vers ces pays risque de s'accentuer. Nous aurons des gros défis, il me semble pour nous adapter à tous ces changements. Ce qui risque de se passer ce qu’il y aura un grand fossé entre population globalement oubliée dans les méandres de l'archaïsme, de l’ignorance et du sous développement avec une élite vivant dans un monde onirique et inaccessible avec pour conséquence une confrontation interminable entre gouvernants et gouvernés.  

Selon moi, le plus grand défi que nous avons est de pouvoir ramener de l’ordre dans l'école publique républicaine et la rendre accessible à tous les nigériens. Si les autres pays sont arrivés à un niveau de développement c’est surtout et essentiellement parce que l’éducation pour tous à travers une école publique de qualité a été possible. Il n’y a pas d’autres voies ou choix que d’investir sincèrement dans l’éducation de base socle de l’émergence de toute nation, tout peuple, tout pays.

Il y’a des signes encourageants avec les récents examens pour évaluer le niveau des enseignants. Mais à mon avis le problème n’est pas que académique, il est plutôt d’ordre moral, sociétal; car comme vous le savez, notre humanité commence et se construit à la maison pour s’enrichir à l'École et se raffermir et bonifier avec les expériences vécues dans la rue, au cours de voyages, à la rencontre d’autres congénères. Cela passe par des choses simples, comme le respect de soi, de l’autre, de la propriété privée, l’observation de la propreté, l’appropriation de notre passé bref toutes les leçons à même de nous outiller avec le b-a-ba nécessaire nous permettant d’assumer pleinement notre identité, notre Humanité. Si j’ai beaucoup insisté sur ce niveau c’est parce que c’est la base qui permet de façonner le reste.

Au niveau universitaire, le premier problème est la capacité d'accueil des étudiants dans les facultés et instituts. Avec notre démographie, le nombre de bacheliers qui font des demandes d’admission augmentent chaque année. Les ressources matérielles et humaines nécessaires pour accueillir tous les étudiants ne cesseront de croître. Et malheureusement l’État nigérien ne dispose pas de moyens financiers permettant de suivre cette croissance.

Il serait donc urgent que nous repensions notre approche en innovant en l’occurrence par des outils pédagogiques accessibles à large spectre comme le télé enseignement, l’enseignement à distance, les cours en ligne d’une part et en améliorant la qualité de l’enseignement par un apport extérieur à savoir les enseignants nigériens de la diaspora pour peu que cette opportunité leur soit offerte. Les étudiants pourraient par exemple avoir toutes les supports de cours en début d'années, par la suite ils auront des plages horaires réservées pour discuter avec leurs enseignants et faire les travaux pratiques. Les examens pourront se faire sur convocation et plusieurs fois dans l'année. Les certifications internationales pourront permettre aux étudiants de créditer certains cours. Mon second point au niveau universitaire est de revoir les programmes d'éducation pour mieux répondre aux besoins du marché de l’emploi et même d’inclure des cours de création d’entreprise pour les étudiants finissants. L'idée des incubateurs est un bon début et doit être encouragée. A ce propos, je voudrais insister sur la nécessité pour les universités du Niger de s’ouvrir et faciliter l’intégration des enseignants nigériens de l’extérieur qui ont aussi leur partition à jouer en enrichissant le débat universitaire. Ne pas le faire serait incompréhensible et préjudiciable car eux aussi ont assurément leur contribution à apporter. Malgré notre bonne foi et notre bonne volonté nous rencontrons parfois des obstacles futiles pour nous décourager.Khalid Djado

Que pensez-vous du développement informatique au Niger? Et quel constat faites-vous aujourd’hui en informatique au Niger? Avez-vous des solutions, des plans…
Dans le domaine de l’informatique, je pense que le Niger comme beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne ont encore du chemin à faire. Deux points retiennent mon attention.

Khalid Djado 05Le premier point que je voudrais soulever est que les entreprises sont dans une logique d’importer des solutions qui parfois ne sont pas complètement adaptées à leurs besoins. Les quelques ingénieurs et techniciens qui travaillent dans ces entreprises font peu de développement de logiciel. Ils sont souvent affectés à des tâches d’analyse et de support technique.

Le second point est de nature plus sécuritaire puisqu’il porte sur des questions de sécurité nationale. On constate de plus en plus que certains pays d’Afrique font appel à des compagnies hors du continent pour la gestion des données biométriques de leurs citoyens. Soit pour la confection de passeport ou bien pour des élections. Selon moi, nous devons créer une expertise nationale ou africaine pour gérer tout ce qui touche aux données sensibles de nos concitoyens. Imaginez toutes les empreintes numériques de tous les citoyens d’un pays entre les mains d’une entreprise privée étrangère et que cela n'inquiète personne! Nous savons très bien qu’avec l’empreinte digitale, on peut débloquer certains téléphones et accéder à plus de données privées. De nos jours avec ce genre de données, on est capable de faire un vol d'identité beaucoup plus facilement. Il est même de coutume dans les pays développés que ces domaines soient réservés exclusivement aux structures régaliennes ou en partenariat avec des sociétés privées nationales mais rarement à des entreprises étrangères. Ceci est vrai pour toutes les données sensibles qui caractérisent l’ossature de la vie d’une nation.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes nigériens qui aimeraient se lancer dans des études universitaires en informatique ?
L’informatique est une science universelle et d’avenir. Le marché de l’emploi est gigantesque et de plus en plus d’emplois sont à promouvoir maintenant et dans les années à venir à travers le monde. Je conseille aux jeunes qui sont intéressés par ce domaine d’exceller dans leurs études scientifiques mais surtout de ne pas se décourager. Ils ne doivent surtout pas négliger l’anglais car c’est dans cette langue que les langages de programmation de même que la documentation sont écrits. Je leur demande aussi d'être patients car l'expérience professionnelle s'acquiert avec le temps. Une fois qu’on arrive à passer à travers quelques projets d’envergures, la carrière devient plus facile et on peut choisir son lieu de travail de même que son entreprise. Par exemple, je reçois plusieurs offres d’emploi chaque année à travers le monde que je ne puisse accepter au vu de mes divers engagements.Khalid Djado

Avez-vous des projets en informatique pour le Niger ?
Oui j’ai quelques projets en informatique au Niger, avec des amis nous avons développé quelques logiciels que nous essayons de faire connaître. Nous sommes à nos débuts mais nous avons espoir d’arriver à faire accepter nos produits auprès des entreprises nigériennes.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Nigériens qui voient en vous un modèle?
Le premier conseil que je puisse donner à nos jeunes compatriotes est de croire en eux même. Avec la foi, tout devient possible. Dans un second temps, j’encourage les jeunes à être disciplinés et déterminés dans leur travail.

Votre mot de fin.
Je voudrais dire à nos compatriotes qui aimeraient servir le Niger de le faire sans hésitation. De ne point se décourager car il est de notre devoir que le Niger soit un pays développé et prospère.
Professeur Khalid Djado Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Réalisée par Boubacar Guédé
19 mars 2018
Source : http://nigerdiaspora.net