La Nigérienne de la semaine : Pr Ramatou Sidikou Djermakoye Seyni
Parlez nous de votre parcours académique et de ce qui vous a amené à choisir une formation de haut niveau en biologie
C’est Dieu Qui a choisi pour moi, et je Lui en suis éternellement reconnaissante. Je n’avais pas décidé à l’avance de ce que sera mon parcours académique. Mais j’ai toujours aimé les études supérieures. Je n’ai fais qu’avancer étape par étape, pas à pas, de façon tout à fait naturelle. Je me suis juste contentée de faire mon travail comme il se doit et d’améliorer ma formation pour moi même, pour mon entourage (université et famille), pour mon pays. Dans la vie, il faut toujours chercher à aller de l’avant, autant que faire se peut.
Qu'est-ce qui vous a motivé à embrasser une profession d'enseignante Professeur d'Université?
Il est plus utile et plus agréable de donner que de recevoir. L’Enseignement est un métier complet qui a pour double avantage de donner en contribuant à la formation des jeunes tout en approfondissant sa propre formation. Car on ne finit jamais d’apprendre. J’ai toujours aimé améliorer ce que je fais et il n’y a rien de plus passionnant que la recherche du savoir. L’Université se trouve être l’un des plus hauts lieux du savoir.
Quelles sont les valeurs qui vous ont guidée ?
Comme dit l’adage, « On ne va pas bien loin si l'on ne fait pas quelque chose pour quelqu'un d'autre ».
Il se trouve justement que la mission principale de l’Enseignante Chercheure que je suis est de toujours faire quelque chose pour ses apprenants et son entourage.
La Foi en Dieu, la force, le courage, la patience et la persévérance doivent nous guider. Notre manière d'être et de nous comporter généreusement constitue une ouverture d'esprit au bénéfice de l'homme quelle que soit sa nationalité, sa religion ou sa philosophie.
Mes parents m’ont toujours éduquée dans ce sens, et je les en remercie infiniment.
Quels enseignements tirez-vous de votre séjour à l’extérieur?
Je n’ai séjourné à l’extérieur que quand c’est vraiment nécessaire, pour les besoins de ma formation (Maîtrise, DEA, Doctorat de 3e cycle, préparation du Doctorat d’Etat), en alternance avec de plus longs séjours au Niger. Mais ces séjours à l’étranger étaient quand même assez fréquents.
Très enrichissants et très productifs, ces séjours à l’extérieur ont renforcé encore plus mon désir et mon ambition de contribuer au développement de mon pays le Niger. Nous seuls pouvons et devons développer notre pays. En plus de nos connaissances traditionnelles, nous devons effectuer un transfert de connaissances et de technologies au bénéfice de notre nation. Nous disposons de beaucoup de ressources naturelles et de ressources humaines. Il suffit juste de nous donner les moyens nécessaires pour mieux exploiter ces potentialités et développer le Niger. Mais pour cela, la volonté politique, qui décide de tout dans le pays, doit travailler de concert avec toutes les composantes de la société.
Comme j’ai l’habitude de le dire à mes étudiants, nous devons nous donner les moyens de décider de notre propre avenir, avant d’être obligés d’accepter ce que les autres auront décidé pour nous.
Quelle a été votre expérience professionnelle à l’extérieur?
Dans le cadre de mes activités académiques, j’assume également des missions d’enseignement et de recherche à l’étranger.
C’est ainsi que je dispense des cours de Biotechnologies végétales à l’Ecole Doctorale RABIOTECH (Réseau Ouest africain de Biotechnologies) de l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso). J’y ai participé à la mise en place des programmes Masters et je fais partie du Conseil scientifique International du Rabiotech.
Je dispense aussi des cours de Biodiversité agricole et Sécurité alimentaire à la Chaire UNESCO de l’Université François Rabelais de Tours (France) et à l’Ecole Supérieure d’Art et du Design ESAD de Reims (France).
J’ai également participé à la mise en place du Master International de Biotechnologies Tropicales (MiBiot), en partenariat avec les Universités de la Sous Région (Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et du Nord (France, Belgique).
Au niveau de la recherche, je participe à plusieurs activités de recherches diversifiées (tout en restant dans le domaine biologique), au sein d’équipes multidisciplinaires et internationales.
J’ai participé et participe à plusieurs encadrements de thèses, de même qu’à des jurys de thèse, au niveau des Universités de Ouagadougou (Burkina Faso), Conakry (Guinée), Abomey Calavi (Bénin), Rouen (France).
Pouvez-vous en faire une comparaison avec votre pays, le Niger, d’un point de vue professionnel et estudiantin?
Mes activités professionnelles au niveau des Institutions universitaires à l’étranger m’ont permis de constater que l’Université Abdou Moumouni de Niamey fait partie intégrante du système universel d’enseignement supérieur qu’est le LMD, sur l’aspect du niveau intellectuel. Cependant, en matière de infrastructures et de matériels de Laboratoire, l’Université A.M. de Niamey accuse une grande insuffisance. Ce qui occasionne beaucoup de déplacements vers l’étranger pour compléter les formations d’enseignement et de recherche, aussi bien pour les formateurs que pour les apprenants.
Comment s’est effectué votre retour au Pays ?
Mon retour au pays après chacun de mes séjours à l’étranger s’est effectué de façon tout à fait intégrative et dans la continuité.
Quel rôle le Niger a joué dans votre cursus scolaire et parcours professionnel ?
J’ai eu la chance d’être parmi ceux dont l’Etat du Niger a toujours contribué au cursus scolaire et universitaire, de même qu’au parcours professionnel. Je lui en suis naturellement très reconnaissante et souhaite l’en remercier en contribuant à son développement. Ce à quoi je m’attelle en enseignant et en encadrant les étudiants du mieux que je peux. Je suis à la disposition de mon pays.
Parlez-nous de votre accès au Grade de Professeur Titulaire du CAMES
Pour accéder à ce grade de Professeur Titulaire, quels sont les étapes que doit franchir l’Enseignant Chercheur au cours de sa carrière ? Les critères varient selon les disciplines et les diplômes. En ce qui concerne les Biologistes dont je fais partie, voilà de façon très ramassée, le parcours suivi.
Après l’obtention de mon Doctorat de 3e cycle es Sciences Biologiques, j’ai été recrutée à la Faculté des Sciences de l’Université A.M. de Niamey comme Enseignant Chercheur, avec le grade d’Assistant.
Au bout de 2 années d’activités pédagogiques avec une charge horaire de 150h de cours /an et 2 publications dans des revues scientifiques à comité de lecture et indexées, j’ai constitué un dossier bien défini pour passer Maître Assistant ;
Pour passer Maître de Conférences (l’équivalent de Professeur Agrégé sur concours chez les Médecins et les Juristes), j’ai dû assurer plus de 300 h de cours par an, soutenir un autre Doctorat, le Doctorat d’Etat en Biotechnologies végétales, après 10 ans d’ancienneté, produire une vingtaine de publications et travaux divers dans des revues scientifiques indexées.
Enfin pour accéder au grade de Professeur Titulaire, j’ai dû, entre autres exigences, me prévaloir d’un minimum de 500h de cours par an, d’une trentaine de productions scientifiques (publications, communications, rapports d’études), de trois encadrements de DEA et Masters, deux encadrements de Doctorats (quatre étant en cours).
A chacune de ces étapes, une évaluation internationale et purement scientifique est faite sur dossiers avec des critères bien définis par le CAMES, au niveau des Comités Techniques Spécialisés (CTS).
En quoi consiste le CAMES ?
Le CAMES, Conseil Consultatif Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur, Institution inter africaine regroupant 19 pays membres, est composé de plusieurs organes fonctionnels dont les CCI (Comités Consultatifs Interuniversitaires), les CTS (Comités Techniques Spécialisés) et les Comités de Concours d’Agrégation. Ces organes se réunissent chaque année en Session ordinaire pour évaluer les dossiers de candidature des Enseignants Chercheurs, de manière collégiale, transparente et bien réglementée.
Le CAMES évalue aussi bien les institutions d’enseignement supérieur que le personnel enseignant. Ce n’est pas un hasard si on précise, dans les annonces publicitaires des Etablissements d’Enseignement supérieur privés, la reconnaissance par le CAMES. C’est une garantie en matière de qualité d’enseignement.
Au regard de l’expérience qui est la votre, avez-vous des suggestions à faire en vue de l’amélioration du cadre de vie des étudiants Nigériens et de l'enseignement au Niger ?
Dans leurs fréquentes revendications, les étudiants ne doivent pas se contenter de réclamer seulement la bourse. Ils doivent avant tout mettre l’accent sur de meilleures conditions d’études, notamment plus d’infrastructures (amphithéâtres salles de cours, laboratoires bien équipés, etc.), des sorties sur le terrain, des stages dans les entreprises, etc. De ce fait, leur cadre de vie serait amélioré et ils ne pourront que mieux recevoir un enseignement de qualité qui pourra leur assurer une meilleure formation et de meilleurs débouchés professionnels.
Quels conseils vous pouvez donner aux Nigériens qui veulent emprunter le chemin des études universitaires?
L’éducation en général et les études universitaires en particulier constituent la clé de tout développement durable. Pour que les Nigériens puissent bien servir le Niger et le développer, il leur faut nécessairement s’assurer une bonne maîtrise des connaissances. Et pour cela, il leur faudra s’armer d’ambition, de courage, de patience et de persévérance.
Quelques recommandations pour les jeunes sœurs et frères.
Je recommanderais à mes jeunes sœurs et frères de faire tout pour concilier autant que faire se peut, leur vie familiale et leur vie professionnelle, en privilégiant la première, sans pour autant négliger la seconde. Ce qui implique nécessairement un grand sacrifice de soi même.
Si toute personne s’occupe bien de son entourage, la société ne peut qu’être bien composée d’enfants bien éduqués, qui deviendront des acteurs compétents ayant à cœur le bon développement de leur pays.
On a coutume de dire que « éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation ». C’est une réalité mathématiquement vérifiable.
Pour terminer, je conseillerais à tous les jeunes d’avoir l’amour de son pays, de bien travailler, de toujours s’armer d’un grande foi en Dieu, de force, de courage, de patience et de persévérance.
Pr Ramatou SIDIKOU DJERMAKOYE SEYNI
Réalisée par Boubacar Guédé