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Le Nigérien de la semaine : Amadou Idrissa Bokoye

avec de plus en plus un fort intérêt pour les applications climatiques, la problématique du développement, les enjeux environnementaux à l’échelle globale et régionale ainsi que le rôle de la science et du citoyen pour la construction d’un développement durable.

Quel a été votre parcours académique ?

Au niveau primaire, j’ai fréquenté l’École Kalleye de Niamey à partir de 1974.  De cette période, je garde un bon souvenir de la camaraderie et de la compétence d’enseignants chevronnés et rigoureux comme madame Sambo Mariama et Rabiou Daouda. Par la suite, j’ai poursuivi mon éducation au secondaire en fréquentant le Collège d’Enseignement Général Niamey II (CEG III). Cet épisode de ma vie a surtout été marqué par la compétition pour l’excellence. Et j’avais une certaine fierté à être le meilleur de la classe. Au lycée, j’ai étudié dans la série scientifique C. Durant les trois années de ce cycle, j’ai développé une très grande passion pour les mathématiques et la physique. A l’époque mon temps libre était consacré presque exclusivement à faire des exercices de mathématiques et de physique. Et ceci soit seul ou à l’occasion avec un ami promotionnaire. Parallèlement à cette formation en sciences dite exactes, je lisais aussi beaucoup de part la fréquentation régulière du Centre Culturel Franco-Nigérien (CCFN). Après mon baccalauréat, j’ai fréquenté la faculté des sciences de l’Université Abdou Moumouni où j’ai obtenu successivement le Diplôme d’Étude Universitaire en Sciences Physiques (DUES) de Physique et Chimie, la licence et la maîtrise de Physique. Une année blanche a prolongé ma maîtrise d’une année et j’en ai profité pour réaliser en même temps mon service civique national. Après la formation militaire commune de base au centre d’instruction de Tondibia, j’ai servi comme assistant de recherche au département de Physique et Chimie de l’Institut des Radio-Isotopes de l’université Abdou Moumouni.

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Je profite de cette tribune qui m’est offerte pour exprimer toute ma reconnaissance et ma gratitude envers des professeurs extraordinaires qui m’ont inspiré durant mes études universitaires. Il s’agit notamment des Professeurs Abdoul-Karim Ben Mohamed, Professeur Pierre Foulani et feu Professeur Abdou Moumouni Dioffo.  Ce dernier de part l’ensemble de son œuvre scientifique et sa contribution au développement de l’Afrique représente une tâche d’huile dans la contribution du Niger au progrès universel.

Après l’UAM j’ai poursuivi mes études de troisième cycle en France. Ainsi j’ai complété  un D.E.A en Énergétique Physique à l’Institut National Polytechnique de Grenoble (INPG) puis un doctorat dans la spécialité   "Géophysique, Géochimie, Géomécanique" à l’Université Joseph Fourier de Grenoble en 1996. Les interactions entre le rayonnement solaire et l’atmosphère ainsi que la caractérisation optique de la composition atmosphérique (aérosols-fines particules de poussières en suspension dans l’air-  et vapeur d’eau)  étaient les thèmes associés à mes recherches doctorales.

Qu'est-ce qui vous a poussé  vers les"sciences du climat et de l’atmosphère? "

Je dirais mes origines sahéliennes. En effet au Sahel la vie reste régie depuis toujours par le climat. Le bien être des populations dans mon terroir nigérien est fonction de  la pluviométrie. En dépit d’un certain attrait d’antan pour la physique nucléaire, cette réalité sahélienne m’avait donné une certaine envie, une certaine curiosité  à mieux comprendre les mécanismes du climat sahélien.

De plus, force est de reconnaître que la problématique des changements liés à  l’état du climat et de l’atmosphère est devenue un enjeu mondial qui présente d’énormes défis aux sociétés à travers le monde.  Et par nature, j’aime relever des défis et c’est donc avec un grand enthousiasme que j’essaie d’apporter ma modeste contribution pour des solutions durables face à la problématique du climat et de l’environnement. Et ceci non seulement à travers le cadre professionnel mais aussi un engagement citoyen pour un développement des sciences du climat et de l’atmosphère qui rejoint les besoins de la société et des populations les plus vulnérables aux aléas climatiques.

Le Nigérien de la semaine : Amadou Idrissa Bokoye Pouvez-vous nous donner un aperçu de vos expériences professionnelles nationales et internationales?
J’ai accompli depuis mon doctorat, de nombreux mandats de recherche et développement en milieu universitaire, dans les secteurs privé et public. Les expériences professionnelles associées ont été complétées sur trois continents à savoir l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord. Mon expertise couvre plusieurs domaines environnementaux comme la caractérisation de la composition atmosphérique (poussières, vapeur d’eau, ozone), la caractérisation des états de surface notamment à partir de la télédétection spatiale et le diagnostic du changement climatique et de ses impacts à l’échelle régionale et locale. Mes recherches en Analyse d’Observations et de Modélisation Environnementale ont donné lieux à de nombreuses publications dans des revues internationales à comité de lecture, des contributions à des symposiums et des écrits de vulgarisation scientifique. 

On peut retenir les principaux mandats suivants: actuellement j’assume la fonction de spécialise en sciences de l’atmosphère et du climat au sein de la Division des Sciences Atmosphériques et Enjeux Environnementaux du Service Météorologique Canadien (SMC) qui fait partie du Ministère de l’Environnement du Canada (Environnement Canada). J’ai réalisé cinq ans de recherche et développement au Centre d’Application et de Recherche en télédétection de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). Durant ce mandat, j’ai agi  entre autres comme administrateur et chercheur scientifique sur le volet canadien d’un projet de la NASA, AERONET (http://aeronet.gsfc.nasa.gov/) dédié à la caractérisation et l’étude spatio-temporelle des fines particules  atmosphériques en suspension dans l’air (aérosols). Et ceci dans un cadre de collaboration internationale. En 2002, j’ai réalisé un mandat de visiteur scientifique en France au CNRS dans la localité de Wimereux. Et j’ai contribué  durant ce mandat à plusieurs projets dont EXPER/PF (EX position de la Population de l'Euro-Région aux polluants atmosphériques: le cas des Particules Fines). En 2002, j’ai eu à assumer un mandat dans le secteur privé avec  la compagnie Viasat-Geotechnologie Inc. L’application de la télédétection hyperspectrale à la caractérisation de l’espace urbain était l’objet de l’étude associé.  De 1997 à 1998, j’ai été assistant de recherche au sein de l’équipe de télédétection de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) en France dans le cadre du projet européen Reseda (Remote Sensing Data Assimilation).

Amadou_Bokoye_2Au delà des mandats officiels, je contribue de façon volontaire à l'avancement et à l’animation bénévole de la science à l’international notamment dans l’espace de la francophonie. Ainsi, j’ai contribué à plusieurs initiatives internationales en sciences de l’environnement. Ce fût le cas par exemple en 2009, où j’ai fait le nécessaire pour que le Niger soit choisi pour abriter le Colloque et l’École d’Été du Secrétariat International Francophone pour l’Évaluation Environnementale  (SIFEE).  Le thème de ces deux événements était "Changement Climatique et Évaluation Environnementale".  Outre la réalisation de plusieurs présentations, j’ai été le collaborateur scientifique principal du SIFEE (http://www.sifee.org/) pour l’organisation de ses assises environnementales à Niamey. A l’édition 2010 du colloque SIFÉE à Paris, j’ai réalisé la  contribution "Regard sur la relation Biodiversité - Changement Climatique (CC): cadre théorique et opportunités d'évaluation du biome". Et ceci sur invitation de l’Institut de l’énergie et de l’environnement Pour la Francophonie (IEPF), une institution de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). J'ai eu à collaborer également avec le Secrétariat International de l’Eau (SIE) sur l’interface Eau et Changement climatique et vie communautaire. Et ceci dans le cadre du 5ème forum mondial sur l’eau tenu en 2009 à Istanbul en Turquie.

La révision d’articles pour plusieurs grandes revues internationales en sciences de l’environnement constitue un volet important de mes activités scientifiques. Par exemple, je fais partie de l’équipe éditoriale de l’International Journal of Earth Observation and Navigation.

En marge des activités scientifiques, je consacre du temps pour des actions qui peuvent contribuer au développement du Niger. Il s’agit par exemple du projet TOKTEN-NIGER qui vise le transfert de connaissances via les expatriés nationaux.  

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés de votre expérience ?
La persévérance dans le travail, la patience et la tolérance sont des éléments essentiels pour réussir.
Aimer son travail et être optimiste sont de nature à procurer des énergies qui permettent de faire la différence. 

Quelles sont les difficultés et les éléments facilitateurs que vous avez rencontrés en tant que  Spécialiste en sciences du climat et de l’atmosphère ?
Je ne sais pas s’il faut vraiment parler de difficultés. Mais il y a lieu de noter que le travail scientifique est exigeant en termes de rigueur et de volume de travail. En lieu et place je parlerais plutôt de l’exercice parfois difficile de faire des choix. En effet, la vie nous offre ou nous présente des possibilités parmi lesquelles il faut choisir. Et le choix est toujours privatif et donne lieu parfois à des regrets. Mais je préfère de loin des regrets à des remords pour n’avoir pas pu choisir. Je choisis toujours en fonction de mes convictions et de mes aspirations et j’ai toujours été confortable avec mes choix. La pratique de la science est devenue un travail d’équipe. Et ceci nécessite un temps soit peu des qualités humaines pour le travail en collaboration.

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Q
uel rôle a joué le Niger dans votre parcours de Spécialiste en sciences du climat et de l’atmosphère ?
Le Niger m’a soutenu dans ma formation académique de part l’octroi de bourse depuis le cycle primaire jusqu’à l’université. On ne peut que se sentir privilégié au regard  de la situation actuelle du financement de l’école nigérienne où le devenir de l’étudiant dépend principalement de la poche des parents. Il est difficile d’envisager une augmentation de la contribution de l’état déjà importante en termes de pourcentage du budget national et des solutions alternatives s’imposent au regard de notre croissance démographique dans l’optique d’assurer une certaine égalité des chances. Je crois que la diaspora pourrait faire partie de la solution notamment au niveau des cycles supérieurs. Mais ceci nécessite un cadre formel de collaboration entre la diaspora et l’administration publique qui doit être soutenu par une forte volonté politique.

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Quelles sont les valeurs qui vous ont guidé  ?
Je suis bien détaché  de bien des préoccupations de la vie d’ci bas. Je reste guidé  par mes valeurs, mes convictions et mes profondes aspirations. Et celles-ci s’articulent autour du respect, le professionnalisme, un sens élevé des responsabilités et de l’éthique, l’humilité, la disponibilité et l’accessibilité. Comme héritage à laisser sur Terre, j’aimerais avoir  avec le profond sentiment d’avoir été utile.

Nous courons constamment pour le bien-être individuel. Mais je crois que le bien-être collectif est nécessaire au bien être individuel. Je crois que tout un chacun doit faire sa part pour la collectivité en terme d’implication. Et il faut s’attendre que nous ne puissions pas voir toujours de notre vivant les bénéfices de cette implication qui profiterait plus à nos enfants et aux générations futures. Et c’est là tout le sens du développement durable qui suggère d’accorder une place aux générations futures dans les efforts de développement. Pour moi, la grandeur d’un homme ne  se mesure pas  à sa richesse au sens monétaire du terme mais plus à l’empreinte positive qu’elle laisserait comme héritage. Et ceci reste valable pour une société par rapport à la relève d’hommes et de femmes. Un défi majeur dans ce sens est par exemple l’établissement d’une sécurité alimentaire durable au Niger. C’est un défi noble pour la société nigérienne pour lequel chacun doit apporter sa contribution pour une solution durable au delà de  la partisannerie politique.

Parlez-nous du projet Tokten dont vous êtes l'un des porteurs

Pour le bénéfice des lecteurs de Nigerdiaspora, il conviendrait de faire un rappel succinct de ce qu’est le Tokten.  Ce dernier signifie Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals ou « transfert des connaissances par l'intermédiaire des nationaux expatriés». Un programme a été initié dans ce sens depuis 1977 sous l’égide du programme des nations unies pour le développement (PNUD). La vocation du programme est d’apporter des changements positifs et la connexion des pays au savoir, à l’expérience et les ressources pour aider les populations du monde en développement à construire une vie meilleure. Le PNUD peut apporter une aide logistique et financière pour la mission des experts Tokten dans leur pays d’origine.

Plusieurs pays ont pris l’initiative d’implanter chez eux des projets Tokten. Ceci a contribué  à propulser ces pays jadis sous développés au rang de puissance économique et industrielle. Il s’agit notamment de la Chine, de l’Inde et du Pakistan. Des pays africains ont par la suite suivi et on ne peut que constater l’essor économique de ces pays comme le Rwanda, le Mali ou encore le Sénégal.

Face au constat de l’absence de Tokten au Niger et de l’impulsion que son implantation pourrait apporter au développement du Niger, j’avais décidé en été  2007 de convier quelques amis experts à une synergie pour que Tokten devienne une réalité au Niger.  

Une chronologie des faits saillants qui ont suivis est la suivante:

Dépôt d’un document de projet TOKTENNIGER auprès du PNUD à Niamey par un groupe de la diaspora nigérienne au Canada (en l’occurrence les docteurs Amadou Idrissa Bokoye, Mamoudou Gazibo, Amadou Hamidou Tidjani et Ousmane Seidou). Le PNUD a affiché sa volonté de soutenir le projet.

Soutien du gouvernement du Niger au projet TOKTEN-NIGER via une lettre du premier ministre aux initiateurs du projet (septembre 2007)
Appel à expression d'intérêt auprès de la diaspora nigérienne en vue de la constitution d’une base de données sur les experts expatriés nationaux et constitution d’une base de données sur les experts expatriés nationaux (septembre-décembre  2007).
Discussion entre les partenaires (PNUD, cabinet du premier ministre, ministère de l’'intégration africaine et des nigériens de l'extérieur-MIA/NE, l'Université Abdou Moumouni) du projet sous l'impulsion du groupe de travail TOKTEN-NIGER basé au canada (août 2007-avril 2008)
Commandite d'une étude de faisabilité du projet par le gouvernement du Niger (MIA/NE). Financement de l'étude par le PNUD (février 2008)

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Participation au Festival Tumbuktu (ville de Longueil, Canada) où le Niger était à l'honneur en 2006

 

Recrutement de consultants en vue de la réalisation d'une étude de faisabilité sous l'égide du MIA/NE (octobre 2008)
Organisation d'un atelier de travail portant sur la restitution des résultats d'une étude de faisabilité du projet au Niger (janvier 2009)
Élaboration des termes de référence pour la construction du site Internet du projet par le groupe de travail TOKTEN-NIGER de la diaspora.
Sélection d'un soumissionnaire et lancement de la construction du site Internet du projet (février 2009)
Dépôt du rapport final révisé (mise en œuvre des recommandations de l'atelier de restitution)  des consultants sur l'étude de faisabilité du projet commandé par le PNUD (mars 2009)
Finalisation du site Internet du projet (qui reste à compléter en contenu): http://www.tokten.ne/ (mai 2009)
Élaboration des termes de référence d’un projet pilote de deux ans (2010-2011) en vue de démarrer le programme TOKTEN-NIGER (octobre 2009)
Demande de révision du document de projet pilote par le PNUD (novembre 2009)
Mise en place d’un nouveau comité TOKTEN-NIGER sous l’égide de son excellence madame l’ambassadeur du Niger au Canada et selon les recommandations issues de la rencontre d’octobre 2009 entre une délégation du ministère de l’intégration africaine et des nigériens de l’extérieur (MIA/NE) et la diaspora nigérienne au Canada (décembre 2009)
Disparition du ministère de l’intégration africaine et des nigériens de l’extérieur, le porteur du projet TOKTEN-NIGER. Rattachement du projet au ministère des Affaires étrangères, de l'intégration africaine et des nigériens de l'extérieur (mars 2010)

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Élaboration d’une feuille de route pour la réalisation du projet pilote par le comité TOKTEN-NIGER réunie à  Ottawa le 17 avril 2010 à l’ambassade du Niger au Canada (avril 2010)

Au bilan, on peut retenir que:

  • l’étude de faisabilité a démontré que TOKTEN est réalisable au Niger.
  • le document  de projet pilote reste à finaliser

Il y a une certaine lenteur dans la mise en œuvre du projet et celle-ci pourrait être attribuée aux changements politiques intervenus au Niger sur la période 2010-2011.

Le champ de l’initiative pour la poursuite de la mise en œuvre du projet appartient au gouvernement du Niger (ministère des affaires étrangères, de l'intégration africaine et des nigériens de l'extérieur)  et  aux institutions universitaires qui seraient les principales bénéficiaires  du projet pilote.

Il convient de souligner que depuis la prise en charge de la mise en œuvre du projet par le gouvernement, le groupe de travail de la diaspora pour le projet agit seulement pour donner des conseils, avis et recommandations susceptibles d’accélérer la mise en œuvre du projet.

Il y a aussi lieu de retenir que l’ensemble de la contribution de ce groupe de travail sur le projet s’est fait dans un cadre stricte de bénévolat. La coordination de l’ensemble des activités  du groupe de travail par nos soins a donné lieu à environ:

  • 400 courriels échangés avec les partenaires du projet
  • 500 heures de travail
  • 50 communications téléphoniques outre-mer avec le Niger

{xtypo_quote} Ma principale  motivation pour  faire aboutir ce projet peut-être résumée par cette citation du président J.F. Kennedy "Vous devez vous demander ce que vous pouvez faire pour votre pays et non ce que votre pays peut faire pour vous". {/xtypo_quote}

Actuellement, on peut dire que la mise en œuvre du projet est en veilleuse en l’absence d’actions.  Lors d’une visite au Niger en août passé, j’ai eu à faire des démarches au ministère des affaires étrangères, de l'intégration africaine et des nigériens de l'extérieur en vue de réactiver le processus de sa mise en place.  A date, je n’ai pas de suite par rapport à ces démarches.  

La diaspora nigérienne quant à elle soutient largement le projet de part les expressions d’intérêt affichées durant le recensement de ses membres experts.

En définitive, je dirais qu’il faut une bonne dose de volonté politique pour finaliser l’installation de TOKTEN au Niger. Je reste toujours disponible pour y contribuer.


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Centre de Télédétection, Université de Sherbrooke, Canada

 

Que pensez-vous  de l'avancé des sciences du climat et de l’atmosphère au Niger?
Avant de répondre à votre question il y a peut-être lieu  de situer l’importance de la recherche et du développement en sciences du climat et de l’atmosphère pour la région sahélienne et donc le Niger. Le climat et le temps du sahel s’avèrent très distincts de ceux des autres régions du monde de part la grande variabilité spatio-temporelle de son régime de précipitation. Et celle-ci on le sait, conditionne la vie des populations du Sahel en raison du lien étroit entre le régime pluviométrique et le rendement agricole. La compréhension des mécanismes responsables de la météorologie et du climat au Sahel restait un défi pour la communauté internationale de recherche en sciences du climat et de l’atmosphère. Les limites de connaissance de ces mécanismes se traduisent par une représentation inadéquate du Sahel dans les modèles climatiques. La propagation  des erreurs de cette imperfection aux autres régions du monde de part  la circulation générale atmosphérique constituait une source d’intérêt supplémentaire de la communauté de recherche. Et celle-ci a fourni des efforts importants pour en savoir plus sur la dynamique de l’atmosphère au Sahel à travers plusieurs campagnes d’observations scientifiques centrées au Niger. En définitive, il y a un fort potentiel de développement des sciences du climat et de l’atmosphère au Niger tant au niveau fondamental qu’appliqué.

Pour revenir à votre question, je dirais que la pratique des sciences du climat et de l’atmosphère relève de quelques rares individualités en milieu universitaire et le plus souvent dans le cadre de la coopération internationale avec une institution de recherche du Nord. Au niveau national, il n’y a pas d’organisation pour travailler de façon coordonnée pour l’avancement des applications en sciences du climat et de l’atmosphère qui est d’intérêt pour le développement socio-économique du Niger. Les différentes campagnes d’observations internationales (Africa JET2000, AMMA[Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine], Hapex-Sahel) auraient pu être une opportunité pour former des spécialistes nigériens dans ce domaine de part l’analyse des données issues de ces campagnes; hélas de part ma participation à des conférences internationales qui comportaient des sessions notamment sur la campagne AMMA, il y avait très peu d’africains impliqués dans les recherches.  Ceci traduit la faiblesse de nos institutions académiques pour tirer profit de telles opportunités pour se développer.

Toutefois, on peut noter une avancée autour des applications en sciences du climat et de l’atmosphère et du climat de part les activités de deux organismes internationaux basés à Niamey à savoir le Centre Africain pour les Applications de la Métérologie au Développement (ACMAD) et le Centre Régional Agrhymet (CRA).  Le Niger présente l’avantage exceptionnel d’abriter sur son sol un nombre important d’institutions multilatérales dédiées à la recherche appliquée en météorologie, hydrologie  et en agronomie. Hélas, force est de constater que le Niger n’en tire pas vraiment profit et même une certaine politique nationale pour maintenir celles-ci et renforcer leur présence fait défaut. Ce qui pourrait certainement justifier des volontés périodiques de départ à peine voilées de certaine d’entre elles qui font la manchette.

Je crois que le Niger a la potentialité d'être une référence mondiale pour les applications en sciences du climat et de l’atmosphère et de coopération nord-sud dans ce domaine.  La mise en place d’un centre multidisciplinaire autour de la climatologie appliquée orientée vers l’objectif de sécurité alimentaire durable   permettrait  de fédérer les efforts des institutions nationales concernées et de profiter de la présence institutionnelle multilatérale au Niger.

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Avez-vous des solutions, des projets ou plan pour le développement de votre secteur au Niger?

Je viens de terminer une contribution qui synthétise ma vision pour l’établissement d’une sécurité alimentaire durable au Niger. Une telle sécurité  comme on le sait reste tributaire des aléas climatiques.

Au niveau formation académique, il y a une nécessité de reformer l’enseignement des sciences dont le contenu reste souvent trop théorique et surtout déconnecté  de la problématique du développent au Niger. J’ai eu à faire des suggestions dans ce sens aux autorités de l’Université Abdou Moumouni en 2009.  La collaboration pourrait être poursuivie mais au regard de mon expérience un cadre formel de collaboration est nécessaire.

Et le projet TOKTEN-NIGER est une opportunité pour formaliser la collaboration entre les institutions du pays et la diaspora.

J’ai eu à mener d’autres actions en vue de promouvoir les applications en sciences de l’environnement. On peut notamment retenir:

En 2009, j’ai obtenu que le Niger abrite le colloque et l’école d’été annuels du Secrétariat International Francophone pour l’Évaluation Environnementale. Rappelons que ces rencontrent portaient sur le thème Changement et Climatique et Évaluation Environnementale.  Une des recommandations de l’école d’été était de créer une formation permanente annuelle sur ce thème à Niamey. On aurait pu s’attendre à une suite de la part du ministère de l’environnement, parrain de la conférence pour concrétiser cette recommandation. Hélas, cette recommandation est restée lettre morte. Il faut dire qu’au delà de la science, ces rencontrent injectent de l’argent dans l’économie nigérienne de part les centaines de participants qui fréquent les hôtels de la place, le système de transport (taxis) et les boutiques.

En 2010, j’ai formulé  des suggestions avant et durant le  symposium international sur la sécurité alimentaire au Niger.

Au mois d’août 2011 de passage à Niamey, j’ai proposé un atelier thématique d’une journée  pour sensibiliser la gouvernance à l’évaluation environnementale dans l’optique de mieux cerner les aléas climatiques pour bien définir des stratégies d’adaptation.

De façon générale, les idées ne manquent pas pour promouvoir le développement du Niger via les sciences de l’environnement.  Mais force est de constater que vouloir aider est une chose, pouvoir concrétiser cette volonté est une autre chose: il y a des obstacles importants au Niger quant à la contribution de la diaspora. Et cette opinion est largement partagée par d’autres collègues de la diaspora. Les raisons sont multiples et méritent une attention de la gouvernance pour une meilleure contribution de la diaspora au développement du Niger.  Le caractère avéré de l’efficacité de la contribution de la diaspora à l’essor de certains pays africains dont un pays voisin du Niger devrait inciter à créer un cadre adéquat pour utiliser l’expertise de la diaspora.


Amadou_Bokoye_01Quels conseils donnez-vous aux jeunes Nigériennes et Nigériens qui voient en vous un modèle ?
L’écrivain ivoirien Bernard Dadié disait et je le cite "l’Instruction ouvre la porte à tous les espoirs". Je leur suggère donc de travailler et de persévérer pour être bien éduqué et bien formé. L’éducation et la formation demeurent de bons outils qui aident à saisir des opportunités dans la vie. Le support de l’état n’est plus ce qu’il était auparavant. Dans ce contexte, j’invite mes jeunes frères et sœurs à faire preuve de débrouillardise autant que possible. Quand j’étais étudiant, j’ai eu à agir comme répétiteur pour arrondir mes fins de mois. Et ceci dans un contexte social nigérien où cette activité était plus réservée aux étrangers. En tout cas cette activité durant mes études m’a permis une autonomie financière vis-à-vis des parents, acheter les ouvrages académiques dont j’avais besoin et même aider certains dans la nécessité.  J’étais fier  de subvenir à mes propres besoins en tant qu’étudiant. Il y aurait lieu de valoriser et réglementer une foule de petites activités rémunératrices qui pourraient aider les étudiants du Niger. La gouvernance doit contribuer à bannir les barrières sociales qui maintiennent la jeunesse dans une certaine dépendance familiale. La contribution de l’étudiant à sa propre formation via le travail rémunéré est largement répandue dans le monde notamment dans les pays industrialisés.

Enfin, je conseille à la relève nigérienne de bâtir son avenir sur des valeurs d’éthique, de responsabilité et leurs aspirations profondes qui sont les seules gages de plénitude personnelle.  Je conclue en leur laissant des mots clés bien utiles dans la vie d’ici bas : travail, patience, persévérance et  tolérance.


Je vous laisse le mot de la fin.

Je tiens à vous remercier sincèrement pour cette opportunité qui m’a été offerte pour partager mon expérience de vie.  Nigerdiaspora  joue un rôle important  de trait d’union entre le Niger et sa diaspora; je vous encourage dans cette tâche noble.

Amadou Idrissa Bokoye, Ph. D. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Réalisée par Boubacar Guédé

05 janvier 2012
publié le 04 janvier 2012
Source : http://nigerdiaspora.net