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Le Nigérien de la semaine : M. Jean-Luc Marcellin

Dans sa rubrique « Le Nigérien de la semaine », votre site Nigerdiaspora vous propose un entretien à bâtons rompus avec Jean Luc Marcellin, une éminence dans les domaines de la formation professionnelle et technique, des réseaux informatiques et de la formation en ligne. Avec lui, nous avons discuté de sujets variés couvrant son parcours académique, sa carrière professionnelle, ses expériences nationales et internationales, ainsi que ses projets et ambitions. Un entretien très instructif que nous vous proposons dans son intégralité.

Nigerdiaspora : Comment voudriez-vous vous présenter aux Internautes de Nigerdiaspora ?
Jean-Luc Marcellin: J’appartiens de fait à la catégorie des Nigériens de la diaspora. Cela fait plus de 25 ans que j’ai quitté le Niger. Je suis marié depuis près de 30 ans avec Brigitte ma chère épouse, nous avons trois enfants et trois petits-enfants Dieu merci. Je suis né à Niamey où j’ai grandi jusqu’à l’âge de 18 ans. Après mon bac, je suis allé poursuivre mes études à Grenoble, puis au Canada où je m’étais engagé en génie électrique. Je suis retourné au Niger où j’ai créé la Société TOUTELEC en collaboration avec des partenaires. À la création de TOUTELEC, j’avais avec moi une équipe fantastique dont faisait partie Professeur Hamadou Saliah-Hassane, Bernard Agfagnibo et d’autres personnes qui sont toujours mes amis à ce jour. Cette expérience m’a permis de réaliser que, prioritairement du domaine technique, je n’étais pas vraiment fait pour le monde des affaires où je commençais à m’ennuyer. J’ai donc décidé de retourner au Canada où j’ai poursuivi des études en théologie, puis en science de l’éducation selon l’approche par compétences. 


Nigerdiaspora : Pouvez nous parler de votre parcours académique ?
JLM : Actuellement, dans mon parcours académique, je me spécialise en éducation et plus particulièrement dans le domaine de la formation professionnelle et technique. Comme je suis un perpétuel étudiant, je continue  à suivre des cours à l’Université, à  participer à des conférences et des colloques  pour pouvoir me perfectionner dans ce domaine. Je me dis qu’il ne faut jamais cesser d’apprendre.

 


Jean luc Marcellin 01Nigerdiaspora : Pouvez-vous nous parler de vos expériences nationales et internationales ?  
JLM : Au niveau national, lorsque j’étais à TOUTELEC comme gérant, j’avais eu l’opportunité d'assurer un cours en électronique à l’AGRHYMET. Cette expérience m’avait beaucoup plu. Après 8  années à  la direction de Toutelec, notre équipe avait développé plusieurs activités et réalisé de belles installations en réseaux  informatiques, en électricité industrielle et commerciale, et nous étions parmi les premiers à  représenter les grandes marques telles que IBM, EPSON Microsoft, etc.. J’aspirais à  quelque chose de plus significatif que de faire des affaires. Je voulais que mon passage dans ce monde contribue à apporter aux personnes une valeur ajoutée. Cela m’a décidé à réorienter ma carrière. Arrivé au Québec, j’ai entrepris des études tout en travaillant comme enseignant au CÉGEP de Sherbrooke (l’équivalent des IUT en France). C’est à partir de là que j’ai commencé ma carrière de professeur, dans cet institut supérieur d’où j’ai été  envoyé en Algérie pour enseigner la maintenance des équipements informatiques en 1999. Par la suite, j’ai été envoyé en Tunisie pour enseigner la conception, l’installation et la maintenance de réseau de communications câblé en fibre optique. À l’ Université de Sherbrooke (Québec, Canada), j’avais été recruté comme chargé de cours pour la formation des formateurs. À cette époque-là, on faisait le passage vers l’approche par compétences (APC). L’APC et une méthode d’élaboration de programme de formation professionnelle et technique basée sur la demande. On part  des besoins du marché de travail pour déterminer quels sont les besoins du marché du travail en main-d’œuvre qualifiée. Ensuite, les programmes de formation sont élaborés en réponse aux exigences de compétences pour les métiers identifiés. Par exemple, pour élaborer un programme de formation pour un maçon, nous devons rencontrer des maçons, analyser leur travail, analyser les différents niveaux de qualification, établir les liens avec les autres emplois en construction, décrire méthodiquement leurs tâches et les opérations nécessaires pour la réalisation de  chacune d’entre elles. Nous consultons toutes les parties prenantes du secteur.  Et en fonction de ces observations, on détermine les compétences du métier. Une fois les compétences identifiées, nous élaborons un projet de formation qu’on présente aux entreprises et associations professionnelles qui valident ou amendent notre analyse de situation de travail et le projet de formation. Après validation, on formalise le programme de formation et les documents d’accompagnement, à savoir le guide pédagogique et le guide d’évaluation pour les professeurs, le guide d’organisation pour guider les écoles qui veulent offrir cette formation. Avec cette expérience acquise, j’ai pu participer à plusieurs projets à l’international où j’ai davantage développé mon expérience en ingénierie de formation professionnelle.


Jean luc Marcellin 03Nigerdiaspora : Quelle est l’importance de l’ingénierie de formation professionnelle ?
JLM : Quand on parle d’ingénierie de formation professionnelle, on parle de tout le système de formation  professionnelle et technique, pas simplement la délivrance de cours en classe. On analyse au départ les besoins du marché de travail en main-d’œuvre qualifiée, on identifie les emplois en pénurie  de main d’œuvre, les emplois émergents, on examine l’offre de formation existante censée répondre à cette demande de main-d’œuvre qualifiée.  On appelle ça une étude sectorielle ou étude préliminaire (pour les fonctions de travail spécifiques). Pour chaque profession on réalise une analyse de situation de travail. On passe ensuite à l’étape du projet de formation et du développement du programme de formation et des guides d’accompagnement. Puis vient l’étape d’implantation dans les centres de formation. La phase finale consiste à  évaluer la performance des  programmes, pour voir s’ils ont répondu aux besoins du marché du travail. Tout ce processus prend aussi en compte une série de préoccupations : l’égalité d’accès aux formations tant aux filles qu’aux garçons, le respect de l’environnement veillant à ce que les programmes de formation ne soient pas générateurs de pollution ou d’autres nuisances environnementales. Il veille aussi au développement ou renforcement de compétences transversales en termes de savoir-faire et savoir-être au niveau professionnel. Nous accordons aussi une attention particulière aux mesures préventives de santé et de sécurité pour les métiers souvent à risques. Ce cycle se répète en moyenne tous les 5  à  10 ans en fonction de l’évolution technologique des métiers.


Dans le cadre de mon parcours international, j’ai participé à la mise en œuvre de  l’approche par compétence dans plusieurs pays. Pour le gouvernement du Maroc, dans le cadre du projet APC financé par le gouvernement du Canada, nous avons implanté plusieurs programmes pour l’OFPPT, le secrétariat d’État à la formation professionnelle. Après un bref retour au Canada, je suis intervenu dans un projet de formation de formateurs pour l’élaboration de cours en ligne dans le Maghreb. J’ai ensuite travaillé en Mongolie comme superviseur de plusieurs équipes de consultants en ingénierie de formation professionnelle et technique.  J’ai participé à la réforme du système de formation professionnelle ce qui m’a permis d’assister à la création de l’agence de formation professionnelle qui dépendait du cabinet du premier ministre. Le bureau de l’UNESCO en Mongole m’a envoyé comme délégué à la troisième conférence internationale en formation professionnelle à Shanghai. Depuis 2012  je participe à la réforme de la formation professionnelle en Haïti en tant que chef de projet d’appui  à l’implantation de l’approche par compétence au centre de formation professionnelle d’Haïti. Il s’agit de transformer ce centre en «vitrine de l’APC» afin qu’il serve de modèle pour les autres centres en Haïti.


La formation professionnelle de qualité coûte cher, quelle  que soit l’approche. Pourquoi ça coûte cher ? Parce que former une personne  compétente sur le marché du travail nécessite qu’elle ait pratiqué des activités d’apprentissage correspondant aux tâches qu’elle aura  à  réaliser dans son métier.  On ne peut pas juste la former en théorie, avec un tableau et de la craie. Prenons un exemple. Pour former un maçon, il faut que l’apprenant  confectionne des briques, monte des murs, creuse des fondations, pose le mortier, coule le béton, sache lire les plans, faire des mesures et des calculs. Tout cela demande de l’argent pour acheter la matière d’œuvre, l’outillage et l’équipement. Il faut assurer l’accompagnement de chaque étudiant et étudiante durant cette phase de la formation, pour lui faire comprendre les normes et les exigences liées à son emploi futur. La plupart des pays où j’ai travaillé sont démunis des ressources matérielles et financières nécessaires pour pouvoir financer une formation de qualité. Il faut donc trouver des moyens de réduire les coûts pour la rendre abordable et durable. Parce qu’il ne faut pas que tout l’investissement des partenaires techniques et financiers tombe à l’eau, une fois les  experts partis à la fin de projet. Il faut être débrouillard pour trouver les moyens de pérenniser les résultats du projet  en tenant compte du contexte culture; du pays, de sa réalité économique et sociologique. En effet, la relation ouvrier patron n’est pas la même au Canada qu’en Haïti, par exemple. Les attitudes et comportements ne sont pas les mêmes au Japon qu’en Haïti. Comprendre la dynamique sociale permet de garantir que les programmes que nous développons ne mettent pas les centres de formation en difficultés. La solution passe par un développement de partenariats étroits entre les entreprises du secteur privé et les centres de formation.


Jean luc Marcellin 02Nigerdiaspora: Quelles ont-été les  difficultés et les éléments facilitateurs que vous avez rencontrés dans votre carrière professionnelle, au Canada, en Mongolie, en Haïti…?  
JLM : Pour moi, être originaire du Niger était un atout facilitateur. En effet, comparé à mes collègues, indépendamment de mon expérience, le fait que je sois un Africain d’origine à un poste de responsable d’équipe était pour les collègues des pays hôtes comme une fierté. Voici quelques situations anecdotiques que j’ai vécues au Maroc en Haïti et en Tunisie. La première fois, lorsque l’on nous a  présentés au directeur du centre de formation en Tunisie, la secrétaire nous a introduits en disant « les Canadiens sont arrivés ! ». Quand le directeur m’a vu, sa première remarque fut : « tu dois être tunisien toi ! » Cela a facilité le contact et la communication. J’étais un peu plus proche d’eux. Au Maroc, c’était pareil. J’étais déjà dans la salle de réunion quand le Directeur arrive et dit « on attend l’expert canadien ». Il m’avait pris pour un marocain. En Haïti, c’est pareil, tout le monde me prend pour un haïtien parce que j’ai la couleur locale. Disons que mes origines africaines m’ont permis d’avoir une approche culturelle différente et une proximité avec la culture locale, ce qui facilite les choses quand on travaille dans l’implantation de méthodes de gouvernance et de gestion imposant des changements importants. 


De plus, vous savez, je suis passionné dans mon métier, et je n’aime pas faire les choses à moitié. Je dis aussi la vérité aux gens, ce qui veut dire que j’essaie de ne pas faire croire des choses qui ne sont pas vraies. Mon but n’est pas de juste faire la mission, donner mon rapport et m’en aller. Je voudrais être assuré qu’après mon départ, j’ai vraiment servi les gens, et qu’ils se disent « effectivement il nous a laissé quelque chose avec lequel on peut travailler », ou bien « il nous a montré quelque chose de concret qui va nous servir ». Il faut qu’à mon départ, je laisse la place en ayant contribué à améliorer quelque chose.


 Cette sincérité avec les gens a permis aussi de faciliter les choses. Mais il y a aussi des contraintes que l’on ne peut éviter. Dans un projet, il y a toujours un début et une fin et, entre les deux, des résultats à atteindre. Le temps est un facteur important et, le plus souvent, nous n’avons pas le temps qu’il faut pour pouvoir aller au rythme des gens. Le financement aussi étant limité, on ne peut pas non plus satisfaire tous les besoins de nos partenaires nationaux. J’ai adopté une approche de gestion de projet axée sur les résultats, et aussi une approche programme. Nous sommes toujours évalués par les partenaires. En Haïti par exemple, nous avons eu plus de 4 évaluations. Chaque année, des missions d’évaluation viennent vérifier ce qui a été fait, comment ça été fait, quels sont les résultats atteints par rapport aux indicateurs qui ont été fixés dans le plan du travail. Donc on doit agir pour atteindre les résultats du projet, faire en sorte que ces résultats soient durables afin d’avoir un impact positif sur le changement voulu, et que ces résultats constituent une valeur ajoutée.


Jean luc Marcellin 04Niagerdiaspora: Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’ingénierie de formation professionnelle ?
JLM : Ce qui m’a amené à prendre cette orientation, c’est le fait que, dans mon département où j’enseigne «  les réseaux » et les systèmes informatiques, je me suis rendu compte que l’évolution de la technologie nécessitait de se recycler tous les 18 mois vu qu’au bout de deux ans, il faut remplacer votre ordinateur qui est dépassé. De même dans le domaine des réseaux, tout évolue très vite. Donc, il faut tout le temps se recycler, se mettre à jour. Et j’ai eu ce sentiment que tout ce que je faisais ne servait pas à grand-chose. Bien sûr, il y a toujours une base sur laquelle on construit, mais quand une matière devient désuète et que l’on a dépensé tant d’énergie à l’acquérir et à la maitriser, on se demande si finalement on a bien investi son temps. Puis dans  le cadre du programme PERFORMA de l’Université de Sherbrooke j’ai formé des professeurs de plus de 8 CÉGEPS (Collège d’enseignement général et professionnel) au Québec sur l’enseignement de cours selon l’approche par compétences. Ces expériences ont alimenté le processus de réflexion qui m’a orienté vers l’ingénierie de formation professionnelle et technique. 


Nigerdiaspora: Quel rôle le Niger a-t-il joué dans votre carrière, dans votre parcours d’ingénieur, de professeur ?                     
JLM: Le Niger c’est le premier pays où j’ai fait mon expérience professionnelle. Après mes études à l’IUT de Grenoble, j’ai fait quelques stages professionnels en France. Je ne souhaitais pas rester en France. Avec le soutien de mes parents, je suis allé étudier au Canada à l’Université d’Ottawa en Génie électrique. Le jour où j’ai réussi mon dernier cours du cursus d’ingénieur,   je suis rentré au Niger. J’avais pourtant  eu des offres d’emploi. Il faut savoir qu’à l’époque, au Canada, on venait nous recruter avant même qu’on finisse l’université, j’avais une offre d’emploi dans une grande compagnie en électronique à Ottawa. Mais au Niger il y avait mes parents et la famille. Donc je suis revenu au Niger où j’ai créé  une société avec des partenaires. 


Jean luc Marcellin 05Nigerdiaspora : Vous pouvez nous parler un peu de votre projet en Haïti ?      
JLM : Le gouvernement du Canada en partenariat avec celui de la République d’Haïti a sélectionné un centre  de formation professionnelle dans laquelle le Canada a investi de l’argent pour en faire un centre d’excellence en formation professionnelle. En tant que chef de projet, et avec mon équipe en partenariat avec des ressources nationales, nous assurons la formation technique et pédagogique des professeurs pour qu’ils puissent offrir à leur tour une formation de qualité. Nous réalisons aussi l’encadrement formatif de l’équipe de gestion de l’école et le renforcement des capacités. Nous avons aussi réalisé la réhabilitation des ateliers, la construction de nouveaux laboratoires, l’acquisition des équipements, etc.  


En  affaires, quel qu’en soit le domaine, on est au service de la clientèle. Dans les centres de formation, il s’agit des étudiants et étudiantes, des employés des entreprises privées qui viennent chercher la formation en entreprise pour des besoins spécifiques ou bien des travailleurs en formation continue ”apprentissage tout au long de la vie”. L’apprenant est prioritaire. Il est au centre du système.  Dans l’approche par compétence, c’est lui ou elle qui est responsable de son apprentissage. Le centre de formation doit lui fournir l’environnement propice à  son apprentissage. Le centre  offre un produit, et ce produit doit être de qualité. Mais offrir un produit de qualité n’est pas suffisant  si la gestion n’est pas saine, ça ne marche pas longtemps. Donc, il faut aussi avoir équipe de gestion performante qui agit avec rigueur, cohérence et dans la transparence. Et il faut aussi avoir un bon plan de communication stratégique interne et externe pour faire connaitre les produits. On a beau avoir de bons produits et une gestion saine, si le produit n’est pas connu, l’affaire ne marchera pas. Il faut donc toujours avoir ces composantes pour garantir les conditions gagnantes.


Le centre de formation  ne doit pas être une entité à part. Il fait partie d’un écosystème et doit donc interagir avec la communauté, c'est-à-dire les parents d’élèves et les entreprises et les organismes gouvernementaux. C’est pourquoi nous mettons énormément l’accent sur le développement de partenariats avec les entreprises et également sur la responsabilité sociale de l’école qui doit être un milieu de vie dans lequel les étudiants et étudiantes acquièrent  des compétences techniques, mais aussi sociales et professionnelles.


Pour revenir en Haïti, nous travaillons dans un centre de formation qui a plus de 40 ans d’existence, c’est le centre de formation professionnelle d’Haïti (CFPH) avec une capacité de plus de 1000 étudiantes et étudiants. Actuellement, le CFPH offre 4 programmes de formation professionnelle en formation initiale dans le domaine de l’électromécanique, la mécanique d’entretien industrielle, la télécommunication et les techniques des réseaux informatiques. Le centre offre aussi plusieurs programmes courts ou spécifiques.


Jean luc Marcellin Brigitte 01Nigerdiaspora : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes nigériens qui voient en vous un modèle ?                     
JLM : Je dirais tout d’abord que si on veut vraiment réussir dans la vie, il faut avoir des valeurs fondamentales. Ces valeurs sont le résultat d’une bonne éducation. Voici donc ce que je conseillerais dans un premier temps, à tous ceux et toutes celles qui ont des enfants et qui veulent leur laisser un réel héritage comme nos parents nous ont laissés : leur donner une bonne éducation et leur apprendre le respect de l’être humain, de l’amour du prochain. Apprendre aussi à regarder au-delà de ses propres intérêts pour regarder l’intérêt du groupe et vouloir l’avancement des autres, parce que si on aide les autres à avancer, nous allons nous-mêmes avancer. Pour ces raisons, j’encourage tous les parents à être vraiment attentifs à la formation des qualités  du caractère de l’enfant. Parce que la connaissance, ça peut s’acquérir à tout moment. Regardez à mon âge, je continue  d’étudier. Maintenant, en plus avec Internet, tout le monde a accès à la connaissance. Il est cependant  important de se conduire non seulement en consommateur aguerri, mais aussi en contributeur, parce qu’il ne s’agit pas seulement de prendre, il faut savoir donner, contribuer,  ce qui n’est pas assez fréquent.


J’insiste sur les qualités de caractère de la personne. Cela a un impact énorme sur ce que l’enfant va devenir plus tard. S’il ou elle a développé la discipline, la maitrise de soi, la bonté, le partage, la diligence, l’attention, l’intégrité, le respect du prochain, le sens de la responsabilité, etc., cela fera de lui ou d’elle un bon citoyen qui pourra acquérir les compétences techniques et la connaissance sans problème. Ce qui me chagrine beaucoup aujourd’hui, c’est de constater que  beaucoup de parents démissionnent face à l’éducation au sens vrai du terme de leurs enfants et négligent de leur inculquer les bonnes valeurs. Malheureusement avec la marchandisation de l’éducation les grands groupes de pression ont enlevé à l’école la transmission des valeurs citoyennes qu’on enseignait aux enfants, par exemple la morale, l’instruction civique. Comment voulez-vous aujourd’hui développer un bon citoyen s’il n’a pas reçu d’instruction civique ? Personnellement, si j’avais une recommandation à faire pour le pays, c’est qu’on redonne sa place à l’enseignement de la morale et de l’instruction civique, que l’on enseigne aux enfants dès leur plus jeune âge, qu’il faut d’abord servir, contribuer ajouter de la valeur aux autres pour soit même évoluer.   L’instruction civique aide à développer ce sentiment d’appartenance à une nation et cette conscience sociale par rapport aux autres et le patriotisme.   


Nigerdiaspora: Quel constat faites-vous aujourd’hui sur la formation professionnelle,  avez-vous des solutions, des plans… ?    
JLM : Au Niger, bien que je ne sois pas présent au niveau professionnel depuis longtemps, j’essaie quand même de revenir régulièrement. Je suis très attaché à ce pays. Malgré tout, je reste soucieux de savoir ce que je peux faire au Niger. Actuellement, j’essaie d’agir par rapport à ceux qui sont intéressés à démarrer des centres de formation professionnelle. En toute sincérité, je le fais de bon cœur, mais mon temps étant limité, je ne peux pas répondre à toutes les demandes. 


Cependant, il serait prétentieux de ma part de vouloir donner mon opinion sur la situation de la formation professionnelle et technique  au Niger. Il  y a beaucoup de travail qui se fait au niveau de la formation professionnelle. Les autorités gouvernementales en partenariat avec les partenaires techniques et financiers travaillent fort sur ce sujet.  


Malheureusement, les moyens limités et la conjoncture économique représentent de grands défis. Les enjeux sont importants.


Pour le développement durable du système de  formation professionnelle et technique au Niger, il faut que tous les acteurs s’impliquent, tant les opérateurs économiques que les opérateurs de formation. Ils doivent créer des liens étroits entre eux. Parce que, lorsque le marché du travail bénéficie d’une main-d’œuvre qualifiée, les entreprises sont plus compétitives, plus productives, plus rentables et plus fortes économiquement face à la compétition mondiale.


Pour que l’entreprise privée puisse avoir une main-d’œuvre qualifiée, il faut qu’elle soutienne les centres de formation. J’insiste beaucoup sur l’importance de créer ces liens étroits entre les diverses associations professionnelles, les diverses chambres de commerce, les diverses institutions gouvernementales et les opérateurs de formation. Parce que, en faisant ces liens, les opérateurs de formation (ceux qui offrent de la formation), seront plus conscients des besoins du marché du travail.


Au Niger, il existe déjà beaucoup de gens extrêmement qualifiés, qui peuvent répondre à ces besoins, mais pour qui on n’a simplement pas créé un cadre  structurant pour leur permettre de valoriser leur savoir-faire.
Il faut que le secteur privé et les centres de formation s’unissent pour travailler ensemble main dans la main parce que chacun a besoin de l’autre. Le  gouvernement joue un rôle important en soutenant  les écoles de formation professionnelle tant publiques que privées qui répondent vraiment aux besoins du  marché du travail selon les  spécificités des régions. Il faut aussi mentionner que le  secteur informel contribue énormément au PIB du Niger. Les actions entreprises par les autorités et leur partenaire doivent être renforcées en vue d’améliorer les  compétences des travailleurs, leurs capacités d’entrepreneurs, de développer la qualité de leurs produits et pouvoir aussi être compétitifs. Il est important de porter une attention particulière au secteur informel.

 

Jean luc Marcellin 06Nigerdiaspora: Et vous personnellement, vous n’avez pas de projet pour le Niger ?   
JLM : J’ai eu quelques projets que j’ai introduits au niveau du ministère de la formation professionnelle et technique. Je me rappelle de quelques projets en 2008. C’était de faire en sorte que tous les cadres du ministère comprennent les enjeux de la formation professionnelle et technique selon la perspective du système, ses  composantes, les interactions des différentes composantes. Comment chaque composante peut servir l’autre. Il s’agissait de développer une vision  systémique au niveau de chaque acteur pour faire en sorte que chacun sache ce que l’autre fait,  quel résultat chaque composante peut attendre de l’autre et quel résultat donner à la suivante. Malheureusement, le financement n’a pu être obtenu, c’est un projet qui a été appuyé  par le ministère, mais qui n’a pas pu être réalisé faute de moyens. Bien d’autres projets ont été proposés pour accompagner la table ronde qui a eu lieu sur la formation professionnelle au Niger en 2008. La Direction Afrique de Microsoft au Niger est même venue sur place pour rencontrer les officiels, en collaboration avec l’École polytechnique de Niamey comme cela a été fait dans plusieurs pays de la sous-région.


Nous avions aussi initié quelques petits projets dans le domaine du développement de programme de formation dans le secteur des mines, l’entretien des machines groupes, l’entretien mécanique, dans le traitement de l’eau, et sans oublier l’énergie solaire. Étant donné que le Niger a un taux d’ensoleillement phénoménal, le développement de formations dans ce domaine-là représenterait un énorme potentiel. Aujourd’hui si on regarde le coût d’installation en énergie solaire comparé au coût récurrent d’une installation traditionnelle, on constate que sur le long terme l’énergie solaire est économiquement plus rentable.


Ainsi, dans le cadre d’une étude que je viens de terminer pour le CFPH, on a comparé le coût actuel de l’énergie sur la base des factures des 3 dernières années et le coût potentiel en énergie solaire. Il a été prouvé qu’en installant un système solaire qui va couvrir tous les besoins de l’école au niveau de l’électricité, autant pour la climatisation que pour les équipements informatiques, les équipements mécaniques, en moins de 5 ans on aurait payé le système d’énergie solaire. Il a été calculé pour durer au minimum 15 ans sans à avoir à renouveler les équipements (la garantie par les manufacturiers étant de 15 ans) et 25 ans avec un faible coût de maintenance annuelle. Cela signifie que l’école dépenserait l’équivalent de 5 années de factures d’énergie pour installer le système solaire avec la compensation de près de 20 ans d’électricité gratuite. De plus, c’est une maintenance routinière, à coûts réduits par rapport à ceux de l’installation initiale. Quelques panneaux à placer, quelques batteries et c’est tout. Mathématiquement parlant, c’est plus économique d’aller vers l’énergie solaire que d’aller vers un système purement basé sur l’énergie fossile.  

 

Nigerdiaspora: Votre mot de la fin ?  
JLM : Je suis vraiment content de voir l’œuvre qu’est Nigerdiaspora. Pour moi, c’est une leçon de vie parce que vous avez commencé petit et, depuis une dizaine d’années, malgré tous les obstacles, vous continuez à persévérer et à progresser. À cet égard, je tiens à vous féliciter. Vraiment, je suis fier du travail que vous faites. Vous avez beaucoup contribué à l’image du Niger à l’extérieur. Souvent quand je dis aux collègues que je viens du Niger, la première chose qu’ils vont faire, c’est de chercher sur Internet « Niger » et ils tombent sur Nigerdiaspora. Vraiment, c’est un site qui représente le Niger aujourd’hui tel qu’il est et qui contribue à donner une image positive au Niger et à l’étranger. J’encouragerais aussi les gens à apporter leurs contributions. C’est un travail d’équipe et je vous félicite vraiment pour ça ! « La vie c'est comme un match de football. On ne gagne qu'en équipe. »



Nigerdiaspora : Merci beaucoup Grand frère.

Jean Luc MarcellinCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Réalisée par Boubacar Guédé

15 juin 2015
Source : http://Nigerdiaspora.Net