Le Ministre du Commerce et de l’Industrie : « La situation actuelle nous recommande de diversifier nos ports de transit », déclare Seydou Asman
Monsieur le Ministre, depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, notre pays fait face à des sanctions de la CEDEAO, qui ont eu comme effets la flambée vertigineuse des prix de certains produits alimentaires dont le riz, comment se présente la situation ?
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’opportunité que vous ne cessez de m’offrir pour entretenir l’opinion nationale sur les questions d’approvisionnement et d’accessibilité des produits alimentaires sur nos marchés. Comme vous le savez, dès l’annonce des sanctions économiques et commerciales par la CEDEAO et l’UEMOA des dispositions ont été prises par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) pour faire face à cette situation. On peut citer, entres autres l’organisation d’une rencontre entre les membres du CNSP et les opérateurs économiques afin de parvenir à un prix de vente consensuel sur le sac de 25 kg du riz 25% et 5% ; la tenue de plusieurs rencontres entre le Ministre du Commerce et de l’Industrie avec la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger (CCIN), les importateurs, les transitaires, les consignataires, les transporteurs, etc ; l’accélération de la procédure d’obtention de l’autorisation d’importation du riz ; l’organisation des missions de plaidoyer en vue de faciliter l’acheminement de nos produits.
Par rapport à ce dernier point, une délégation que j’ai personnellement conduite composée de la Direction Générale des Douanes, de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger et de plusieurs opérateurs économiques s’est rendue à Ouagadougou au Burkina-Faso avec comme objectif de discuter avec les autorités et le secteur privé de ce pays ami sur les dispositions à prendre pour faciliter l’approvisionnement de notre pays en produits de première nécessité.
A l’issue de cette mission, les dispositions prises nous ont permis de mener des actions tendant à faire face aux différents obstacles. Actuellement, toutes les opérations de transit via le Burkina Faso se déroulent sans problème et des convois sont périodiquement organisés.
Comme vous le dites effectivement, malgré toutes ces dispositions prises, nous constatons un rehaussement du prix du riz. Cela est dû aux manœuvres spéculatives opérées par certains détaillants. A ce niveau, il faut rappeler que le riz étant l’aliment de base constitue véritablement notre préoccupation. Car bien avant la fermeture des frontières, certains pays producteurs comme l’Inde et la Chine ont pris des dispositions d’interdiction de sortie de riz ordinaire (5% et 25%) pour cause des catastrophes naturelles (inondations). A cela s’ajoute les difficultés d’approvisionnement en engrais liées à la guerre en Ukraine.
Il y’a quelques semaines, les populations de Niamey et même celles de l’intérieur du pays ont été confrontées à la non disponibilité du riz accessible au grand nombre sur les différents marchés. Vous aviez d’ailleurs entrepris dans ce sens une série de visites au niveau de certains opérateurs économiques, est-ce une vraie pénurie de cette denrée alimentaire ou un comportement lié à nos commerçants ?
Comme vous l’avez dit et suivi avec nous, nous avions effectué plusieurs visites au niveau de presque tous les magasins et entrepôts appartenant à ces importateurs. Lors de cette visite, nous avons beaucoup plus constaté la disponibilité en grandes quantités du riz basmati, des pâtes alimentaires, les huiles, les farines de blé, le sucre, etc.
Malgré la disponibilité de ces variétés, nous avons enregistré des entrées importantes en produits alimentaires dont le riz ordinaire consommé par la majeure partie de la population et cela, grâce aux dispositions prises par les plus hautes autorités de notre pays à commencer par le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’Etat, S.E le Général de Brigade Abdourahamane Tiani et le Premier Ministre SEM Ali Mahamane Lamine Zeine afin d’approvisionner nos marchés. Aussi, d’autres dispositions sont en train d’être prises par le Gouvernement en collaboration avec le Burkina-Faso et le Togo pour l’organisation des convois réguliers.
Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a pourtant consenti d’énormes efforts pour faciliter aux opérateurs économiques l’approvisionnement du pays en produits alimentaires. Quelles sont les dispositions prises par le CNSP pour endiguer la spéculation des commerçants et rassurer les consommateurs ?
Effectivement le CNSP a consenti d’énormes efforts pour faciliter aux opérateurs économiques l’approvisionnement du pays en produits alimentaires. Je voudrais ici rappeler que le Gouvernement privilégie d’abord le dialogue avec les opérateurs économiques dans leur ensemble en vue de parvenir à l’approvisionnement régulier de nos marchés en produits de première nécessité.
Cependant, pour tout mauvais comportement ou toute manœuvre frauduleuse tendant à dissimuler les stocks, à augmenter les prix ou à fournir des produits de mauvaise qualité, nous avons instruit nos structures en charge du contrôle de prendre toutes les sanctions prévues à la matière. -A titre illustratif, dans le cadre du contrôle sur le terrain, nous avons constaté des manquements tels que la minoration du poids normal des sacs du riz ; le reconditionnement du riz de plusieurs types et d’origines différentes dans des sacs portant des logos appartenant à autrui ; la revente à des prix non officiels du riz du Niger par des détaillants et le reconditionnement des produits avariés pour la vente.
La société du riz du Niger (RINI) est la principale structure sur laquelle l’Etat compte pour booster la production rizicole, quelle est sa capacité réelle de production et les problèmes auxquels elle fait face ?
Actuellement en tant que société de collecte et de transformation du riz paddy, la société Riz du Niger a une capacité de transformation d’environ 60 tonnes/jour grâce à ses trois usines à savoir l’usine de Niamey, l’usine de Kollo et celle de Tillabéry. Avec les perspectives d’installation de la quatrième usine de Gaya, la production journalière pourrait atteindre les 80 tonnes/jour.
Cependant, cette capacité de production ne pourrait être atteinte que si toutes les conditions sont réunies notamment la disponibilité du riz paddy et celle de l’électricité de manière permanente. A ce niveau, les plus hautes autorités de notre pays ont pris des dispositions tendant à renforcer les capacités d’achat du riz paddy par la société Riz du Niger, en lui octroyant une subvention d’équilibre de plus de 690 Millions FCFA. Cette subvention a pour avantage de protéger la production nationale par l’achat de grande quantité du riz paddy et l’approvisionnement des régions. Aussi, des dispositions en fournitures d’énergie électrique ont été prises afin d’assurer à la société Riz du Niger la continuité de la production.
La production nationale du riz n’arrive pas toujours à combler les besoins des populations jusqu’à l’avènement du CNSP et les sanctions imposées par la CEDEAO, rendant ainsi difficile l’importation du riz. Comment les autorités actuelles envisagent la redéfinition de la politique rizicole dans la perspective d’atteindre zéro importation du riz à l’avenir ?
Afin de répondre aux besoins sans cesse croissants de la population, et disposant d’énormes potentialités en termes de ressources en eau et en terre cultivable qui doivent être exploitées, nous devons inciter les investisseurs tant nationaux qu’étrangers à investir dans le domaine agricole ; renforcer les capacités des structures étatiques concernées par la question notamment la société Riz du Niger, l’ONAHA, la CAIMA, l’OPVN, etc. ; encourager les femmes transformatrices à promouvoir et valoriser la production nationale.
La situation actuelle met en lumière la forte dépendance du Niger vis-à-vis du corridor béninois en termes d’importations des biens de consommation. Quelle leçon à tirer de cette épreuve ?
Nous avons pris conscience que le Niger ne devrait pas se limiter au seul corridor béninois. La situation actuelle nous recommande de diversifier nos ports de transit. D’ores et déjà, le Gouvernement est en train de renforcer le corridor Togo-Burkina-Niger et envisage également de recourir à d’autres formes de désenclavement.
Réalisé par Hassane Daouda (ONEP)
Source : https://www.lesahel.org/