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Interview : Colonel Sidi Mohamed, Commandant du Groupement National des Sapeurs-Pompiers

Mon Colonel, la saison pluvieuse s’annonce un peu mouvementée avec des séquences de vents forts constatées dès les premiers orages. Le GNSP est-il prêt à faire face aux demandes éventuelles de secours en de pareilles circonstances ?

Avec l’installation de la saison pluvieuse, toutes nos unités s’affairent,  sont prêtes et toujours à pied d’œuvre pour répondre promptement aux interventions qui concernent généralement les inondations. C’est pour vous dire que nous sommes toujours prêts à intervenir n’importe où et n’importe quand. Chez les pompiers, le caractère même de notre service fait que nous nous exerçons régulièrement pour relever les défis de nos multiples et multiformes interventions. Quelle que soit la saison, nos hommes sont aguerris, ils sont entraînés pour intervenir pour faire face aux sinistres en vue de sauver des vies, de porter secours. Aujourd’hui, toutes les dispositions sont prises pour que les éléments des sapeurs-pompiers fassent le boulot qui est le leur pendant cette saison pluvieuse.

Le Groupement national des sapeurs-pompiers (GNSP) a-t-il tiré les leçons des dernières grandes inondations, en est-il mieux préparé aujourd’hui?

Nous avons une très grande expérience en matière de gestion des catastrophes et plus particulièrement, la gestion des grandes inondations. Notre pays est un pays qui a connu beaucoup d’inondations et cela a poussé nos services à se spécialiser dans leur gestion. Et aujourd’hui, l’accumulation des expériences pratiques fait que nous sommes effectivement prêts à prendre en charge les situations d’inondations.

Cette année encore, les pompiers ont dû faire plusieurs sorties sur le fleuve, à Niamey, afin de porter secours à des gens en détresse ou de rechercher des disparus. Qu’est-ce qui explique que chaque année les mêmes catastrophes se répètent ?

Vous n’êtes pas sans le savoir que le fleuve Niger connait d’énormes problèmes, surtout celui d’ensablement. Pendant la période de décrue qui arrive aux mois de mars à juin, les mois les plus chauds, les enfants et les jeunes sont tentés d’aller se baigner dans le fleuve pour se rafraîchir même si beaucoup d’entre eux ne savent même pas nager. C’est au cours de cette période qu’intervient la majorité des noyades. A chaque fois qu’il y’a un accident et que nous sommes alertés à temps, nous faisons tout ce que nous pouvons pour sauver les personnes noyées. Malheureusement, nous sommes alertés souvent très tardivement alors qu’il faut réagir très vite lorsqu’il s’agit d’une noyade. Dans notre cas, le temps et le délai d’intervention ne militent pas, pour l’instant, en faveur d’un sauvetage optimal. Malgré tout ça, nous avons aujourd’hui un maillage acceptable à Niamey qui nous permet d’intervenir en tout point du fleuve au niveau de la ville de Niamey. Les secours de proximité y sont devenus aujourd’hui une réalité. Lorsque vous appelez les secours, ils viennent dans un temps acceptable.

Est-ce que la mise en place de sites de surveillance aux endroits de baignade des jeunes, avec des maitres-nageurs issus du GNSP, peut aider à prévenir les noyades ?

Tout à fait ! C’est même l’idée première qui a guidé cette initiative. Dans le cadre de la montée en puissance des Forces de Défense et de Sécurité, il est prévu que le Groupement National des Sapeurs-Pompiers devienne une Brigade Nationale des Sapeurs-Pompiers, avec notamment un bataillon constitué par des unités spécialisées. Dans ce bataillon, nous aurons une compagnie d’intervention subaquatique dont la mission est d’intervenir promptement sur le fleuve. Nous disposons aujourd’hui de flotteurs et d’hommes qui sont capables d’aller sauver des vies. Et, d’ici peu de temps, il va avoir une compagnie qui est spécialement et spécifiquement dédiée pour les plans d’eau et qui est chargée de sauver ceux qui sont en risque de noyade dans le fleuve ou ailleurs. Car, il n’y a pas que le fleuve. Il y’a aussi ses affluents qui se remplissent pendant la saison pluvieuse et des noyades s’y produisent, ainsi que des rivières reparties sur le territoire national. Il y’a également des personnes qui tombent dans les puits et qui nécessitent une intervention en excavation.

Quels sont vos conseils pour éviter les noyades répétitives dans le fleuve?

Chaque année, nous sensibilisons nos concitoyens sur les risques qu’ils encourent lorsqu’ils partent se baigner dans le fleuve. Les noyades concernent souvent des enfants qui ne sont pas des riverains du fleuve et donc qui ne savent pas nager. Ils sortent souvent sans que leurs parents ne soient au courant. Nous déconseillons ainsi à ceux qui ne savent pas nager de se baigner à certains endroits profonds.

Et en cas de noyade ?

Lorsqu’il y’a une noyade, il faut prendre toutes les dispositions pour donner l’alerte, soit en envoyant quelqu’un dans la caserne la plus proche ou surtout en appelant le numéro 18 et dire exactement de quoi il s’agit : le nombre de personnes noyées et l’endroit exact de l’incident. En cas de noyade, ceux qui savent nager doivent rapidement porter secours et donner l’alerte en même temps. Mais lorsque vous n’avez pas la capacité physique et morale, ne prenez pas le risque de vouloir porter secours au risque de devenir vous-mêmes une victime supplémentaire.

En zones urbaines, les pompiers se plaignent des constructions pour usage public (école, administratif ou de commerce) qui ne respectent pas les normes de sécurité et qui compliquent les interventions. Quel est le minimum à respecter afin de s’assurer de la sécurité de ces immeubles et mêmes des habitations ?

Dans le cadre de la prévention, il y’a des dispositions en matière de construction qui doivent être respectées pour être aux normes. Nous avons une commission consultative qui, normalement, est au niveau de chaque commune et placée sous la responsabilité des maires. C’est cette commission qui délivre le permis de construire dans lequel toutes les normes de sécurité du bâtiment et des personnes sont fixées. Ce permis prend ainsi en compte toutes les dispositions règlementaires en matière de normes d’urbanisme, de construction, etc. Il faut donc s’adresser à l’ordre des architectes et aux spécialistes des BTP avant d’entreprendre toute construction. Les pompiers sont partie-prenantes de la commission de délivrance des permis de construire. Nous avons des préventionnistes chevronnés qui ont les compétences nécessaires pour étudier, avec les architectes, ce qu’il faut prévoir pour une construction, avant, pendant et après les travaux. Nos préventionnistes sont membres de toutes les commissions de délivrance de permis de construire en raison justement de leurs compétences reconnues.

Mon colonel, beaucoup de nos compatriotes ont tendance à réduire le travail des Sapeurs-pompiers aux interventions en cas d’incendie. Quels sont les autres domaines où les citoyens peuvent solliciter l’aide de vos services ?

Il est vrai qu’à l’origine les pompiers combattaient seulement le feu. Mais aujourd’hui, le feu ne représente que 8% de nos interventions. Les pompiers ont toute une panoplie d’interventions qu’ils assurent dont les secours à victimes qui font partie des interventions pour lesquelles nous sommes sollicités. Ces genres de sollicitations interviennent lors des accidents de circulation, ainsi que les accidents domestiques et industriels. Ce sont nos ambulances et nos médecins qui partent au contact de la population et assurent ces secours à victimes. Nous faisons aussi de la prévention en nous déployant dans les établissements recevant du public pour qu’ils ne soient pas des lieux de sinistres. Les pompiers sont également spécialisés dans certaines interventions pointues telles que les interventions liées à la radio activité grâce à nos spécialistes en sécurité nucléaire qui peuvent se déployer lors du déversement, par exemple, d’un produit contaminant. Nous sommes également spécialisés dans le cadre de la protection contre les éléments chimiques. Nous exécutons toute sorte d’interventions périlleuses pour sauver des vies, y compris dans des immeubles à plusieurs niveaux. Donc, nous ne faisons pas que le feu. Nous faisons également d’autres interventions qui ne sont pas souvent courantes.

Vous avez évoqué plus haut la montée en puissance des sapeurs-pompiers. Ce programme est-il la solution au problème de maillage territorial du Groupement National des Sapeurs-Pompiers?

Oui, tout à fait. Il faut d’abord retenir que nous sommes l’un des corps les plus maillés des Forces Armées Nigériennes. Nous sommes dans les plus petits départements du Niger avec 32 compagnies sur l’ensemble du territoire national et 8 groupements régionaux d’incendie et de secours. Nous sommes donc bien maillés par rapport aux autres. La montée en puissance du GNSP est liée à la montée en puissance des Forces Armées Nigériennes. Nous avons aujourd’hui 5 casernes pour défendre la ville de Niamey et la 6ème  caserne est en construction. Grâce au programme de la Direction générale de la protection civile, nous aurons 10 casernes opérationnelles dans la ville de Niamey à l’horizon 2025. A l’intérieur du pays également, dans les régions de Maradi, Zinder et Agadez, de nouvelles casernes vont être construites et le maillage territorial va se poursuivre pour que le Groupement national des sapeurs-pompiers atteigne un niveau acceptable de couverture spatiale pour mieux sauver les vies de nos concitoyens.

Propos recueillis par Souleymane Yahaya (ONEP)

Source : https://www.lesahel.org