M. Sidikou Boubacar, Directeur Général de la société i-FUTUR : « L’Etat, les opérateurs privés, les fintechs comme la nôtre, essaient d’apporter leur contribution pour que les nigériens commencent à adopter la monnaie électronique »
Monsieur le Directeur général, il y a eu récemment le lancement d’une campagne concernant le déploiement du système de paiement électronique au Niger ; en quoi consiste cette initiative ?
Permettez-moi d’abord de présenter i-FUTUR qui est une fintech, une société intervenant dans les technologies financières. Dans ce cadre on travaille avec les banques, les sociétés de micro finance, les opérateurs de mobile money, les sociétés de transfert d’argent. Nous travaillons donc avec l’ensemble de cet écosystème-là, avec aussi l’ensemble des différentes technologies qu’on utilise, le développement d’applications web, l’intelligence artificielle, tout ce qui permet de fournir des services à valeur ajoutée autour de la finance. C’est un peu ça notre positionnement au Niger.
Comme vous l’avez constaté il y a de cela quelques semaines, on avait lancé une campagne de promotion qui vise à multiplier les points marchands où il est possible de payer électroniquement, parce que ces points manquent au Niger. En effet, souvent même si les boutiques, les pharmacies, veulent encaisser électroniquement, ils n’ont pas le dispositif. Cette campagne vise essentiellement à s’adresser à ces acteurs-là qui sont les petits commerces, les gérants des pharmacies et partout où il y a des achats. Cela va leur permettre d’accepter le cash, mais aussi de donner à la population la possibilité de payer électroniquement. Payer électroniquement, c’est payer à partir de son téléphone portable avec un compte Airtel money, Zamany money, moov, ou les cartes bancaires. Cela pour régler par exemple une facture, étant au Niger ou en déplacement à partir d’un lien de paiement en ligne (web) ou en mode hors connexion par USSD #789#. C’est cette valeur ajoutée que nous apportons aujourd’hui à l’écosystème. Ça peut être donc juste à travers des terminaux de paiement que nous avons et que nous mettons à la disposition des marchands, ou des dispositifs avec un code à scanner grâce à un téléphone et ainsi payer pour que le fournisseur de service ou bien encaisse directement.
Est ce que la population nigérienne est assez informée sur les procédures et les avantages du système de paiement électronique pour qu’elle puisse adhérer à cette démarche ?
Il faut dire qu’avant cette campagne, on a beaucoup de clients pour lesquels nous avons mis en place ces dispositifs de paiements. Parmi ces clients on a des institutions étatiques qui habituellement encaissaient, comme par exemple le service de l’organisation des examens du Bac, du BTS, et il fallait se déplacer pour payer certains frais prendre, le reçu physique à joindre au dossier. Il y a des candidats partout au Niger qui doivent faire cette formalité ou la faire par l’intermédiaire de quelqu’un. Pour ces institutions on a eu à digitaliser le processus et tous les paiements se font aujourd’hui à travers ces canaux-là. Les étudiants, les proviseurs d’écoles s’arrangent à disposer de l’argent sur un compte mobile money ou leur carte bancaire, ou dans une agence de transfert d’argent Al Izza, Nita pour faire le paiement dans la facilité. Les candidats n’ont plus besoin de se déplacer dans un centre à Niamey ou dans les centres régionaux, car les services sont digitalisés et les usagers utilisent le système de paiement à partir des contrées les plus lointaines.
Maintenant nous sommes en train d’aller vers d’autres étapes notamment au niveau des grandes surfaces où il y a beaucoup de transactions. Nous sommes actuellement sur ces aspects avec l’ensemble de ces marchands, comme on les appelle. Nous sommes sur de grandes campagnes de communication avec par exemple l’ONEP qui nous appuie ; nous avons également United Nations Capital Development Fund (UNCDF), une agence des Nations Unies qui nous accompagne pour la vulgarisation de ce que nous faisons.
Aussi, l’Etat à mis en place des dispositifs pour créer les conditions favorables d’une inclusion financière, pour que ça puisse toucher les populations rurales. C’est vrai que le citoyen lambda est habitué au cash, le nigérien tient beaucoup au cash et il faut une grande campagne de communication, de sensibilisation pour que les populations acceptent de changer, d’adopter le porte-monnaie électronique. Ça vient petit à petit, car des gens ont commencé à stocker l’argent sur des portemonnaies électroniques. Ça vient petit à petit, avec les opérateurs de transfert d’argent. Au lieu que ça soit du cash to cash, aujourd’hui on parle de dépôt, c’est-à-dire on encaisse l’argent sur son portemonnaie électronique pour le dépenser à sa guise. C’est vers ça qu’on veut faire converger les nigériens. Beaucoup d’opérateurs sont
entrain de converger vers ça, il s’agit de réduire au maximum le réseau cash to cash. L’Etat, les opérateurs privés, les Fintechs comme la nôtre, essaient d’apporter leur contribution pour que les nigériens commencent à adopter la monnaie électronique.
Vous avez dit il y a un instant que les nigériens tiennent beaucoup au cash, c’est peut être, entre autres raisons, ce qui explique le faible taux de bancarisation au Niger ; alors, avec cette situation comment, comptez promouvoir l’inclusion financière qui constitue le principal objectif visé à travers le système de paiement électronique ?
En ce qui concerne l’inclusion financière au Niger, les dernières statistiques de la BCEAO de 2020, montrent que nous avons un taux d’inclusion financière de 15,61%. C’est le taux le plus faible de la sous-région. Et si on rentre dans les détails pour voir les comptes actifs, ça va revenir encore à des chiffres plus faibles. Et c’est partant de ce constat que nous avons été amenés à repenser le modèle. Cela, parce qu’en plus de ce faible taux d’inclusion financière on a constaté également que la majorité de la population est en zone
rurale. Il faut donc adapter ce qu’on fait si réellement on veut faire rehausser ce taux-là. Dans ce sens nous avons eu à développer d’autres programmes avec ce qu’on appelle TerraFinance qui vise à faire l’inclusion financière en milieu rural à travers les groupements et les coopératives agricoles, parce que c’est plus facile d’adresser ces populations. Ces femmes qui sont souvent transformatrices appartiennent à des réseaux, elles sont de faibles capacités financières et suite à des études sur le terrain nous avons décidé de développer ce programme visant à amener ces groupements à accepter la digitalisation en leur mettant en place un système qui va leur permettre
d’enregistrer leur épargne et de l’orienter vers des institutions de micro finance qui couvrent leurs zones. Et, nous les FinTechs, c’est là souvent notre zone d’intervention, là où les banques et les institutions de micro finance ne peuvent pas fournir leur service, on vient en support pour mettre en place une technologie qui va faciliter la vie. Cela, que ce soit pour les citoyens ou les institutions bancaires. Ça permet à ces personnes vivant en zones rurales de sécuriser leur épargne, et on sait que pour avoir du crédit, pour augmenter ses capacités financières il faut qu’on constate l’épargne. C’est dans ce cadre que nous avons développé TerraFinance que nous sommes en train d’expérimenter avec les institutions de micro finance dans les zones de Doutchi et Maradi. Voici un peu comment nous sommes en train d’attaquer l’inclusion financière au Niger.
Le paiement électronique nécessite un minimum de moyens et conditions technologiques ; est-ce que la situation est favorable au Niger pour le déploiement de ce système ?
Ce qu’il faut retenir concernant l’environnement, puisque c’est de cela qu’il s’agit, déjà au niveau de la sous-région le ton est donné. Le système de paiement électronique a pris le devant. Au Niger aussi l’Etat fait des efforts ; il y a le secrétariat national de la finance inclusive que l’Etat a mis en place pour rendre l’environnement favorable à l’inclusion financière ; il y a le projet village intelligent qui œuvre également dans ce sens-là pour booster la connectivité en zone rurale et l’inclusion financière. Nous aussi, en tant que jeune entreprise, startup, nous sommes en train de jouer notre partition. J’ai parlé aussi des opérateurs de transfert d’argent qui se déploient pour créer les conditions favorables pour que la monnaie électronique soit acceptée. Chacun est en train d’apporter sa petite contribution et on pense qu’il y aura un boom à partir de 2023 parce que tous les acteurs s’accordent qu’on doit faire de la transformation digitale ; ce qui implique d’impacter aussi tous les systèmes de paiement. Pour les services publics, il faut le faire, parce que l’Etat perd énormément d’argent dans le réseau de collecte. Il y a des institutions avec lesquelles on a travaillé qui ont à peine 20% ; et quand on a digitalisé le service aucun franc ne se perd car vous ne pouvez pas faire les formalités sans associer ce mode de paiement-là qui part directement au trésor.
Comment envisagez-vous les perspectives concernant le déploiement du système de paiement électronique au Niger ?
Au sein d’i-FUTUR, nous travaillons pour lancer plusieurs activités de levée de fonds. Le marché est prêt, mais il nous faut plus de capacité pour avoir plus de ressources humaines, parce que c’est un travail intellectuel ; il faut avoir plus d’investisseurs qui vont financer ces activités parce qu’il s’agit souvent d’aller en zones rurales pour faire de l’éducation financière, créer des plates-formes qui vont faciliter la vie aux populations ; il faut aussi acquérir des terminaux. Tout cela demande des investissements…
Par Souley Moutari(onep)
Source : http://www.lesahel.org/