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Commissaire Principale de Police Zouera Hassane Haousseize, Cheffe de la Division de la protection des mineurs et des femmes : « Toute personne impliquée dans les infractions appelées atteintes aux mœurs peut être poursuivie et déférée au parquet selon le

On constate dans certains endroits de Niamey des jeunes filles qui s’adonnent à la délinquance avec notamment la prostitution et la consommation des stupéfiants. Mme la Commissaire Principale, quels sont les indicateurs qui attestent de l’ampleur de ce phénomène de dépravation des mœurs ?

Les indicateurs du phénomène de la dépravation des mœurs sont entre autres : les cas de harcèlement sexuel, de détournement de mineur (suivi parfois de grossesse), d’attentat à la pudeur, de proxénétisme et d’incitation à la débauche, les cas de viols concernant surtout les mineurs ; les cas de fugue des jeunes filles, etc. Plusieurs autres situations désagréables sont gérées au niveau de la Division de la Protection des Mineurs et des Femmes de la DSP. Ainsi, les statistiques générées démontrent nettement l’existence de ce phénomène à tous les niveaux et l’ampleur que ça prend au sein de notre société ces dernières années.

A titre d’exemple, on peut citer, 524 agressions sexuelles, dont 304 cas de viols, enregistrées à l’échelle nationale au courant de l’année 2022.

Tous ces cas de délinquance juvénile, enregistrés par la Division de la Protection des Mineurs et des Femmes constituent des indicateurs alarmants tout d’abord pour nous institution étatique et acteurs de protection de la jeunesse et ensuite pour toute la communauté Nigérienne. Sur la période allant du 1er janvier au 29 septembre 2022, nous avons enregistré 857 cas des mineurs impliqués dans différentes infractions pénales dont 16 cas de tentatives de viol, 48 cas de viol sur mineures et 137 cas de détournements de mineures. Ces chiffres sont alarmants et constituent une menace à la protection des mineurs et des femmes au Niger.

Quelles sont, selon vous, les causes de la recrudescence de ce phénomène de dépravation  des mœurs ?

Les causes de cette dépravation de nos mœurs sont multiples, nous pouvons citer entre autres, la démission de certains parents : il n’est un secret pour personne que de nos jours plusieurs parents ou familles ont démissionné de leurs responsabilités  d’éducation de leurs enfants. Ce sont, ces enfants-là qui sont toujours pris par la police dans les affaires de vol, de consommation des stupéfiants, d’agressions etc. La majorité des enfants en conflit avec la loi ou victimes, après investigations, sont des enfants non accompagnés par leurs parents se trouvant très souvent dans la rue. Ces derniers sont issus soient de parents, divorcés, décédés ou pauvres, n’ayant pas les moyens suffisants de subsistance. Ainsi des témoignages, recueillis auprès de ces enfants, il ressort que leurs parents profitent aussi  des fruits de ces actions illicites ce qui les encourage à persévérer dedans.

Il faut aussi dire que la non pénalisation de la prostitution au Niger est un facteur déterminant dans cette dépravation des mœurs. Dans les dispositions du Code Pénal du Niger, la prostitution n’est ni prévue ni condamnée. C’est plutôt le racolage, le proxénétisme, l’excitation à la débauche, l’outrage public à la pudeur et l’attentat à la pudeur qui sont prévus aux titres des atteintes aux mœurs.

Il y a aussi l’analphabétisme et la pauvreté de certains parents : A travers les cas de détournement de mineure et des violences conjugales gérés par notre service, nous avons constaté que beaucoup des parents ignorent les défis de la vie en milieu urbain. Il y a également des milieux familiaux qui sont violents et ne favorisent pas l’épanouissement de l’enfant. Ce qui pousse l’enfant à la fugue pour chercher son bien être ailleurs. Il y’a aussi des parents qui exposent la fortune aux enfants puisqu’ils sont des familles aisées et les laissent faire ce qui leur semble bon. Nous avons interpellé plusieurs parents sur ces faits. Ces enfants qui s’adonnent à des activités de vol et de recel sont très souvent âgés de 13 à 17 ans. Cette situation montre l’absence de suivi des enfants à l’école et à la maison. La DPMF se déplace souvent pour chercher les parents des enfants afin de les sensibiliser sur leurs obligations à éduquer et à protéger les enfants.

Quelles sont les mesures prises au niveau des services de la Police Nationale pour combattre ce fléau social ?

 S’agissant des mesures il y’a des actions de prévention d’une part et des actions de répression d’autre part.

Pour les actions préventives, la Police Nationale à travers la DPMF/DSP anime et conduit toujours des sensibilisations sur la délinquance juvénile et autres phénomènes qui mettent à nue la protection des personnes vulnérables.

C’est à cause de ces phénomènes de délinquance tels que la consommation des stupéfiants, la prostitution des jeunes filles, les détournements des mineurs, l’exploitation et la traite des enfants, la pornographie infantile, la pédophilie, le viol sur mineurs, les agressions physiques, etc. que la Police Nationale a réalisé une vaste campagne de sensibilisation sur la délinquance juvénile en milieu scolaire et dans les groupes des jeunes de la ville de Niamey « FADA ».

Outre cette vaste campagne de sensibilisation, nous avons la participation de la division aux débats radio télévisés pour sensibiliser la population sur la protection de l’enfant et autres formes de violences faites aux femmes dans nos communautés. Nous occupons le terrain à titre dissuasif lorsque nous remarquons des groupements de jeunes à des lieux de loisirs ou d’épanouissement en vue de signaler notre présence qui les dissuadent très souvent à adopter des mauvais comportements.

Les mêmes activités sont réalisées à l’intérieur du pays par les brigades de protection des mineurs et des femmes. La division compte à ce jour 100 brigades dont 17 à Niamey.

En ce qui concerne les actions répressives, il s’agit de la poursuite pénale des auteurs, coauteurs et complices de la commission des infractions à la loi pénale. C’est là qu’intervient notre rôle en tant que service d’enquête.

Pour appréhender les auteurs et leurs complices, nous organisons sur le terrain des interpellations, des opérations de rafles et descentes de police dans les lieux ciblés ou réputés criminogènes afin d’interpeller le maximum des personnes se livrant aux actes de délinquance. Il faut noter en ce qui concerne les mineurs, la garde à vue est le dernier recours. A cet effet, si les parents ou les assistants sociaux sont accessibles nous privilégions la mise à disposition pour une protection de l’enfant.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face dans la lutte contre la dépravation des mœurs ou la prise en charge des mineurs qui sont dans la délinquance ?

La division de la protection des mineurs et des femmes fait face à certaines difficultés dans l’accomplissement de ses missions, ce qui n’est pas sans conséquence sur les résultats.

Il s’agit entre autres de l’absence d’une brigade d’intervention propre à la division pour les interpellations rapides et promptes, la conduite des suspects ou mis en cause, le déferrement, etc ;  l’insuffisance d’effectif et du matériel roulant pour toutes les interventions de terrain sur toute l’étendue du territoire national en vue de lutter efficacement contre la délinquance juvénile sous toutes ses formes ; l’insuffisance de la prise en charge des enfants égarés qui peuvent rester plusieurs jours au commissariat avant de regagner le milieu familial ; la complexité de gestion des cas concernant les enfants de la rue qui n’ont pas de domicile fixe et ne sont pas accompagnés de personnes adultes ; timidité des rencontres avec les autres acteurs de la chaine de protection comme les leaders traditionnels, les associations et ONG œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfant, les directeurs des établissements scolaires… d’où l’insuffisance de la synergie d’action entre ces acteurs ;  la réticence de la population par rapport aux dénonciations de certaines situations pouvant dégénérer et troubler l’ordre public en contribuant à la dégradation des mœurs.

Les missions de prévention et de répression de la Police Nationale sont limitées par certaines insuffisances dans la règlementation applicable (cas du mariage d’enfant), ce qui favorise quelque part cette délinquance.

Il nous faut une loi claire et précise qui ne laisse aucun vide dans son application sur toute l’étendue du territoire national pour bien réprimer la consommation de la CHICHA qui est très souvent à la base de la délinquance des jeunes nigériens. En ce qui concerne l’utilisation abusive des réseaux sociaux, il est important d’élargir expressément, par des dispositions particulières, la sanction à tous les autres actes de délinquance que commettent certaines personnes par voie électronique tel que le chantage, les appels et messages malveillants, etc.

C’est dans un cadre juridique bien défini et précis que la DPMF/DSP mène une lutte sans merci envers tous ces phénomènes de délinquance.

Que prévoit la loi pour combattre la prostitution et la délinquance juvénile ? Dans quel cas les dossiers concernant les personnes accusées d’actes de dépravation des mœurs sont transmis à la justice ?

 Il faut savoir que le Code Pénal du Niger n’a ni prévu ni puni la prostitution en tant qu’infraction pénale. La loi pénale étant d’interprétation stricte et conformément au principe de légalité des délits et des peines, aucun fait ne peut être sanctionné s’il n’a pas été préalablement prévu par la loi ainsi que sa sanction. Face à ce vide juridique relatif à la prostitution, nous ne pouvons pas poursuivre les personnes se livrant à cette activité dans un endroit clos et inaccessible aux mineurs.

Par contre lorsque ces mêmes personnes se livrent à cette pratique sur la voie publique, nous avons plusieurs infractions y relatives pour les poursuivre mais la prostitution des mineurs est une interdiction.

En ce qui concerne la délinquance juvénile, la loi prévoit un régime juridique de protection des mineurs. Conformément à ce dernier, les enfants victimes des actes de délinquance par autrui sont protégés de manière efficace par la loi. Aussi, même les enfants auteurs des infractions de délinquance bénéficient d’un régime juridique spécial de prise en charge.

En effet, selon ces assouplissements de la procédure pénale impliquant les mineurs, ces derniers ne sont pas poursuivis comme les majeurs ayant commis les mêmes faits. Parmi ces spécificités de la procédure contre les mineurs nous pouvons citer entre autres, la mesure de la garde à vue qui est le dernier recours pour gérer leur situation. Ensuite, même si elle est prise à l’encontre d’un enfant, il doit être âgé de 13 ans à plus car l’enfant de moins de 13 ans est pénalement irresponsable. A l’expiration du délai légal de garde à vue, le mineur doit être soit déféré ou mis à la disposition d’un parent ou assistant social pour son suivi et sa protection.

Les cas dans lesquels les personnes mises en causes relativement à la dépravation des mœurs, peuvent être poursuivies et déférées au parquet sont les cas prévus au chapitre VIII du Code Pénal intitulé « ATTENTATS AUX MŒURS ».

Toute personne impliquée dans les infractions appelées atteintes aux mœurs peut être poursuivie et déférée au parquet selon le résultat de l’enquête sur les faits qui lui sont reprochés et lorsque des mineurs sont utilisés pour la commission de ces infractions, cela devient une circonstance aggravante pour la personne adulte qui les utilise.

Propos recueillis par Aminatou Seydou Harouna(onep)
Source : http://www.lesahel.org