Mme Takoubakoye Aminata Boureima, Directrice générale de l’Institut National de la Statistique (INS) : «Que l’on soit un enfant, un adulte ou que l’on soit une personne âgée, tout le monde compte et tout le monde doit être compté»
Mme la Directrice générale, l’INS va très bientôt procéder au lancement des opérations entrant dans le cadre du 5ème Recensement général de la population du Niger. Pourquoi encore un recensement général de la population ?
Merci de l’opportunité que nous offre le Sahel Dimanche pour échanger sur cette question hautement importante du recensement général de la population et de l’habitat. Les recensements sont les sources d’information les plus exhaustives sur la population d’un pays. Ces opérations se déroulent tous les dix ans. Le Niger prépare son 5ème recensement général de la population et de l’habitat après celui de 1977, le 2ème en 1988, le 3ème en 2001, le 4ème en 2012 et le gouvernement du Niger envisage la réalisation du 5ème recensement général de la population et de l’habitat en décembre 2023. Pour ce faire, il y a plusieurs étapes qui sont mises en œuvre. Pourquoi d’abord on fait ces opérations ? Comme je l’ai dit il y a un moment, c’est la principale source d’information pour des données exhaustives sur la population. C’est d’abord pour avoir l’effectif de la population, la photographie de la population comme on a l’habitude de dire. Mais on fait aussi le recensement pour avoir d’autres informations sur les conditions de vie des populations, l’accès aux services sociaux, l’accès à l’habitat, à l’eau, à l’énergie. C’est aussi des sources importantes particulièrement pour ce recensement, puisque c’est un recensement que nous comptons réaliser avec l’outil numérique. C’est aussi le moment pour nous d’avoir toutes les informations sur les infrastructures disponibles au fin fond du Niger. Que ça soit les écoles, les centres de santé, les puits, les marchés… tout sera recensé. On aura une des plus grandes bases d’information pour les politiques, les programmes, les projets d’investissement que ça soit public ou privé.
Est-ce que c’est la première fois que le Niger organise cette opération avec des outils numériques, Mme la directrice ?
Absolument, c’est la plus grande innovation. L’institut national de la statistique s’est engagé dans un programme important de modernisation de la collecte des données statistiques à travers le numérique, la digitalisation et c’est la première fois que nous allons faire cette collecte des données avec l’outil numérique. Cela nous donne plusieurs avantages. Le premier avantage c’est sur le temps de traitement des données, il n’y aura plus une étape de saisie des données. Directement, nous aurons les informations sur nos serveurs. Le deuxième avantage très important, c’est le géo référencement. A tout moment, on sait où se trouve les agents, s’ils sont allés dans les ménages, dans quelle localité ils sont, nous allons suivre cela en direct. Et ça permet d’avoir des données de qualité et de pouvoir corriger pendant même que les agents sont sur le terrain, d’identifier les limites et de corriger. Déjà même dans le questionnaire pendant que les questions sont posées, nous avons des mécanismes de contrôle à travers les logiciels. Cela va améliorer la qualité des informations. Au-delà de tout, cela va donner aussi plus de confiance sur la confidentialité des informations pour la simple et bonne raison que ce ne sont plus des questionnaires que quelqu’un peut prendre, utiliser et photocopier. Les données individuelles sont protégées. Avec l’utilisation des tablettes, ils n’ont pas la possibilité d’accéder aux données collectées qui sont directement envoyées dans les serveurs et l’agent recenseur ne peut même plus avoir accès à ces données c’est important pour la protection des données à caractère personnel en matière de statistique.
La première étape de l’opération va-t-elle concerner toutes les régions du Niger, ou bien il y a des localités qui sont ciblées en priorité ?
Cette étape est une étape pilote qui rentre dans la phase préparatoire du recensement général de la population et de l’habitat. 36 communes ont été recensées de manière raisonnée à travers tout le Niger. C’est une phase pilote. Au cours d’un recensement, nous avons deux grandes phases. Il y a d’abord une phase de cartographie et ensuite la phase de dénombrement. Donc la phase de cartographie qui démarre cette semaine permet de faire le découpage du pays en aire de travail, en zone de démembrement. Il s’agit au niveau de la superficie de pouvoir organiser le travail des équipes pour affecter des agents dans ces zones là et pouvoir les suivre. Il ne s’agit pas du travail de découpage administratif du pays, ce n’est pas notre mandat, c’est celui du ministère de l’Intérieur. Nous avons choisi 36 communes qui sont représentatives des huit régions du Niger.
Mais comment ces communes ont-elles été choisies ?
Elles ont été choisies d’abord pour les conditions sécuritaires. Il s’agit pour nous pendant cette phase d’aller dans les zones même d’insécurité parce que le recensement se doit d’être exhaustif. Nous testons notre capacité à intervenir dans ces zones d’insécurité. Les critères combinent encore le milieu rural et le milieu urbain. Il y a aussi des critères de densité de la population, d’accessibilité physique. Comme c’est une phase pilote, nous avons choisi d’aller dans les zones où l’accessibilité est la plus difficile, là où les routes sont impraticables pour que nous puissions tester notre organisation, nos délais et notre adaptation à ces routes (là où il faut par exemple laisser les voitures pour monter sur des chameaux). Il y a aussi le mode de vie et nous combinons le mode de vie nomade et sédentaire. Il s’agit aussi pour nous de tester les zones où nous avons la disponibilité du réseau électrique pour voir comment charger nos appareils et voir aussi la disponibilité du réseau internet afin de pouvoir prendre des dispositions alternatives. Nous avons aussi choisi des zones qui sont des zones transfrontalières où nous pouvons avoir des populations nigériennes et des populations étrangères. Je rappelle que le recensement concerne toutes les populations qui résident sur le territoire nigérien pendant la collecte des données. Qu’elles soient nigériennes ou pas, elles doivent être comptées, elles doivent être identifiées et on doit connaitre leurs conditions de vie. Le recensement concernera même les personnes déplacées que nous irons trouver dans leur commune de résidence mains nous leur demanderons des informations sur leurs communes d’origine afin de pouvoir les repositionner dans dix ans quand elles seront dans leurs zones. Au total nous avons donc 36 communes dont 3 communes à Agadez, 2 à Diffa, 6 communes à Dosso, 5 à Maradi, 4 à Tahoua, 8 à Tillabéri, 7 à Zinder et 1 à Niamey.
A vous entendre Mme la DG, on a comme l’impression que l’INS a pris toutes les dispositions pour réaliser cette opération dans les meilleures conditions ?
En tout cas, nous avons commencé la préparation depuis 2020. Nous avons fait plusieurs formations, plusieurs tests depuis deux ans. Nous sommes prêts normalement si nous avons la bonne collaboration des autorités administratives, des autorités locales, des populations à réaliser cette opération avec les meilleurs résultats vu les conditions. Nous avons également bénéficié d’un soutien important au niveau du gouvernement du Niger et de ses partenaires en particulier la Banque mondiale, l’UNFPA et l’Unicef. En tout cas toutes les conditions sont réunies pour finaliser cette phase pilote. Après ça, on se préparera pour la phase générale.
1977, 1988, 2001, 2012 et 2023, pourquoi Mme la DG, au Niger on met beaucoup de temps avant d’organiser un recensement des populations reconnu pourtant comme étant un outil important de développement ?
Les recensements sont des opérations lourdes en termes d’utilisation de ressources humaines et coûteuses. Et même les populations si chaque année, on doit aller leur poser des questions, c’est assez difficile. Pour cela des pays comme les notres en voie de développement, c’est dix ans entre deux recensements. Normalement le Niger aurait dû faire cette opération en 2022, mais, le gouvernement a jugé utile de reporter d’une année pour permettre d’avoir toutes les conditions relativement à la mobilisation des ressources, la gestion sécuritaire et la disponibilité des équipes.
Vous avez parlé de coût, les ressources financières, sont-elles vraiment disponibles pour permettre à l’INS d’effectuer cette opération, Mme la DG. Sinon quel message particulier avez-vous à adresser au gouvernement et aux partenaires pour mener à bien cette opération ?
Les conditions financières sont réunies pour cette phase pilote. Pour la phase de cartographie générale qui va suivre et les autres étapes, le processus de mobilisation des ressources se poursuit. Nous sommes en discussion avec les partenaires et le gouvernement s’organise progressivement pour mobiliser les ressources. Nous ne sommes pas inquiets. Nous avons eu beaucoup d’assurance, beaucoup d’engagement et nous pensons que nous pouvons tenir les délais. Je lance un appel aux autorités locales, administratives, aux populations, à toutes les personnes résidant sur le territoire national et particulièrement dans les 36 communes de faciliter la tâche aux agents cartographes qui vont être déployés sur le terrain, de donner toutes les informations et de donner les vraies informations parce que des informations dépendront toutes les décisions en termes de politiques sociales, économiques, culturelles, même sécuritaires. C’est aussi l’occasion de remercier déjà le gouvernement pour le soutien et les partenaires pour tous les appuis qu’ils nous ont apportés. Je lance aussi un appel à une mobilisation rapide des différentes ressources qui sont prévues afin que nous puissions réaliser l’opération dans les conditions pour pouvoir fournir des données de qualité pour les prises de décisions.
Je disais tantôt sur la particularité du recensement, c’est la seule opération qui à toutes les informations sur les populations. Son premier principe c’est l’exhaustivité. L’exhaustivité c’est que tout le monde doit être recensé que la personne vive en milieu urbain ou en milieu rural, qu’elle soit sédentaire ou nomade, qu’elle soit salarié ou en situation d’inactivité , qu’elle soit employé ou qu’elle soit employeur , qu’elle soit agriculteur ou éleveur, élève ou même femme au foyer. Qu’elle soit en bonne santé ou pas, qu’elle soit en situation de handicap, quel que soit le handicap, même les populations qui vivent avec des maladies à des déficiences mentales, que la personne soit nigérienne ou étrangère tout le monde compte et nous devons compter tout le monde. Et nous avons mis le recensement sous le thème ‘’des droits humains ‘’et le slogan que nous avons pris est : «je me fais recenser parce que le Niger compte pour moi». C’est ça le thème que nous avons choisi parce que je compte. Qu’on soit enfant, un adulte ou que l’on soit une personne âgée, tout le monde compte et tout le monde doit être compté.
Par Fatouma Idé(onep)
Source : http://www.lesahel.org