Dr. Alambeye Aminatou, coordonnatrice adjointe du Programme National de la Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées : “Nous avons eu beaucoup d’avancées par rapport à cette lutte”
Les maladies tropicales négligées sont un groupe de maladies causées par divers virus et bactéries. Depuis plusieurs années les autorités nigériennes mènent une lutte farouche contre les MTN. En ce sens, une structure dénommée ‘’Programme National de Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées’’ a été créée afin de mettre la population à l’abri de ces maladies pernicieuses. Pour faire le point et les contours de la lutte contre les MTN au Niger, nous avons échangé avec la coordonnatrice adjointe du Programme National de la Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées, Dr. Alambeye Aminatou.
Mme la coordonnatrice, qu’est ce qu’on entend par Maladies tropicales négligées et quelles sont les formes les plus récurrentes au Niger ?
Pour parler des Maladies tropicales négligées il faut dire que l’OMS a identifié 20 maladies à travers le monde, mais le Niger en a ciblé 10 qui sont une réalité pour notre pays. Parmi ces 10 maladies nous avons deux catégories, à savoir les maladies tropicales à chimiothérapie préventive, c’est-à-dire les maladies pour lesquelles on donne les médicaments pour se prémunir. Ces maladies sont au nombre de 5 à savoir le trachome, la bilharziose, les vers intestinaux, l’onchocercose, la filariose lymphatique. Pour ces maladies, on organise chaque année des campagnes de distribution de médicaments. Lorsqu’on prend correctement ces médicaments on peut être à l’abri de ces maladies. Et la deuxième catégorie est constituée de maladies à prise en charge de cas. Ça veut dire que c’est quand la personne est atteinte de ces maladies qu’on la prend en charge. Elles sont aussi au nombre de 5 à savoir le ver de Guinée, la lèpre, la rage, la leishmaniose et la trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil).
Quelle est la situation actuelle des Maladies Tropicales Négligées au Niger ?
La situation actuelle des MTN est appréciable positivement. Nous avons eu beaucoup d’avancées par rapport à cette lutte. Pour parler des maladies tropicales à chimiothérapie préventive (la première catégorie) on doit se dire qu’au début de la lutte intégrée qui a commencé en 2007, pratiquement tous les districts sont endémiques à au moins une maladie tropicale négligée. Ça veut dire que nul n’était à l’abri au Niger de ces maladies. Mais actuellement avec tout ce qui a été fait comme efforts à savoir les campagnes de distribution de masse des médicaments, nous sommes vraiment satisfaits. Prenons l’exemple du trachome. Au début, il y avait 62 districts sanitaires sur les 72, à travers le Niger qui étaient endémiques au trachome mais maintenant il y a 54 districts sanitaires qui ont pratiquement fini avec le trachome. Il n’y a que 8 districts qui vont continuer la distribution de médicaments contre le trachome en 2022. Pour la filariose lymphatique, il y avait 54 districts qui étaient endémiques à la filariose lymphatique. Actuellement il n’y a qu’un seul district qui va distribuer les médicaments contre la filariose lymphatique en 2022. Ce sont des progrès considérables qui sont faits dans le cadre de la lutte contre ces maladies. C’est le lieu de saluer les efforts des distributeurs communautaires qui font le porte à porte pour donner ces médicaments à la population et la population elle-même, qui accepte favorablement ces médicaments. Au niveau du politique aussi il faut noter un engagement très fort des autorités, parce que depuis quelques années, la lutte contre les Maladies tropicales négligées est une priorité du Gouvernement de la République du Niger avec l’appui de ses partenaires.
C’est une tradition pour le Niger de célébrer le 30 janvier de chaque année, la journée mondiale de lutte contre les maladies tropicales négligées. Quelles sont les principales activités qui ont été menées au cours de cette édition ?
Les actions sont surtout en lien avec la sensibilisation. La règle d’or et le maitre mot de la lutte contre les maladies tropicales négligées, c’est la sensibilisation. Parce qu’il faut que la population comprenne d’abord c’est quoi ces maladies, quelles sont leurs conséquences et comment se protéger. Il faut que les populations sachent que ces maladies ont des complications désastreuses. Les MTN sont des maladies évitables et qu’on peut prévenir. On fait un tapage médiatique pour que tout le monde s’approprie de cette lutte. Nul n’est à l’abri de ces maladies quand on sait qu’elles sont causées par des moustiques, des mouches, ça veut dire qu’on vit avec ces maladies. Le ministre de la Santé publique, de la Population et des Affaires sociales a également livré un message la veille de la Journée Mondiale de la lutte contre les MTN. Il y a eu des débats télévisés mais aussi nous sommes partis au-devant de la communauté pour échanger par rapport à ces maladies. Et la lutte continue. En perspective on compte aller au niveau des écoles pour échanger avec les scolaires par rapport à ces maladies.
Placée sous le thème : «Atteindre l’équité en santé pour mettre fin aux négligences à l’égard des maladies liées à la pauvreté», comment le Ministère en charge de la Santé, à travers votre institution, notamment le Programme National de Contrôle et d’Elimination des MTN, compte traduire ce thème en acte concret ?
Le thème retenu par l’OMS cette année cadre parfaitement avec ce qu’on est en train de faire ici. Pourquoi, parce que ces maladies touchent les populations les plus vulnérables, marginalisées, défavorisées et les plus pauvres. Et nous faisons de notre mieux pour aller vers ces populations pour leur apporter les médicaments dont ils ont besoin. L’équité dont parle le thème de cette journée c’est de donner le soin qu’il faut à la personne qu’il faut quand elle en a besoin. C’est de s’assurer que chacun reçoit des soins de qualité et obtient les meilleurs résultats possibles. Donc on fait de notre mieux pour aller aux fins fonds du Niger pour donner les médicaments, à travers des distributeurs communautaires qui sont recrutés localement. Il y a aussi la prise en charge des morbidités. Quand la personne est atteinte de ces maladies, elle sera entièrement prise en charge gratuitement dans les centres de santé publics. Il y a des camps de chirurgie d’hydrocèle et de trichiasis qui sont régulièrement organisés pour prendre en charge des gens qui sont atteints de ces maladies. Les équipes vont jusqu’au village pour recenser ces malades, les inciter à aller dans les camps et les opérer afin qu’ils puissent retrouver la santé. Depuis le début de cette lutte le Niger contribue toujours à concrétiser en action ce thème que l’OMS a choisi.
Quelles sont les autres activités que vous menez pour lutter efficacement contre les Maladies tropicales négligées localités et comment les patients sont-ils pris en charge ?
Pour l’essentiel, ce sont des camps de chirurgie ou audiences foraines d’hydrocèle et de trichiasis qui sont organisés fréquemment dans pratiquement toutes les régions du Niger, particulièrement dans les districts sanitaires où le besoin se fait sentir. Il me sera difficile de lister les localités ça serait beaucoup. Comme je l’ai dit, il y a des équipes qui vont dans les villages pour sensibiliser la population pour lui parler de ces camps de chirurgie. Une fois les malades recensés en fonction de leur nombre, des camps sont organisés avec l’appui des partenaires. Aussi en dehors de ces camps, en routine, dans chaque district disposant d’un bloc opératoire, les patients souffrant d’hydrocèle sont également pris en charge. De même ceux qui souffrent de trichiasis sont pris en charge au niveau des CSI où les responsables des CSI sont formés à cet effet. Toutes les interventions de ces morbidités se font gratuitement.
La prise en charge et la lutte contre ces Maladies tropicales négligées, demandent beaucoup des moyens et l’implication de plusieurs acteurs. Quel est l’apport des partenaires techniques et financiers pour accompagner l’Etat dans ce sens ?
Par rapport à la lutte contre les Maladies tropicales négligées, ces partenaires donnent gratuitement des médicaments, financent l’acheminement de ces médicaments du niveau central jusqu’au niveau des CSI. Les coûts opérationnels de la distribution sont également pris en charge par les partenaires. Ainsi que la prise en charge des morbidités comme on vient de le voir plus haut. Voilà un peu en gros, l’apport des partenaires sans oublier l’assistance technique.
L’objectif de l’OMS est d’arriver à l’éradication des MTN à l’horizon 2030. Pensez-vous que le Niger pourra réaliser cet objectif pour lequel, le gouvernement s’est d’ailleurs engagé ?
Oui ! L’OMS a fixé l’horizon 2030 pour venir à bout de toutes les MTN. Le Niger à l’instar des autres pays s’est engagé à éliminer les MTN en tant que problème de santé publique. Comme je l’ai dit, il y a des maladies comme le trachome et la filariose lymphatique dont le Niger s’est engagé à éliminer avant même 2030. Le Niger s’est engagé à contrôler aussi la bilharziose et les vers intestinaux. Mais la bonne nouvelle c’est qu’il y a une maladie, notamment l’onchocercose dont le Niger est sur le point d’être certifié indemne. Le dossier est pratiquement ficelé pour la certification de l’onchocercose. C’est comme le cas du ver de Guinée qui est une maladie tropicale négligée pour laquelle le Niger a eu la certification. C’est dire qu’il est possible d’éliminer ces maladies en tant que problème de santé publique et bien avant 2030 si tout le monde contribue. Parce que ce sont des maladies qui sont liées à l’hygiène et à l’assainissement. La crainte et le risque c’est de voir ces maladies ressurgir en cas de déficit d’hygiène ou d’assainissement et revenir à la case départ. Pour ce faire, il faut que tout le monde se sente concerné par la lutte contre les MTN.
Avez-vous un message à l’endroit de la population pour prévenir le MTN ?
Oui ! Comme je l’ai dit ce sont des maladies qui sont liées à l’hygiène et à l’assainissement. Alors mon message à l’endroit de la population c’est pour dire qu’on peut éliminer les MTN. Comme j’ai dit nul n’est à l’abri de ces maladies comme elles sont transmises par des mouches, les moustiques etc. Donc si chacun doit pouvoir garder un minimum d’hygiène, on peut y arriver. Par exemple, on peut se protéger en se lavant les mains avant et après le repas, avant et au sortir des toilettes, prendre soin des enfants en leur lavant le visage, éviter de faire les besoins dans les cours d’eau, éviter de rester dans l’eau pendant longtemps, utiliser et entretenir les toilettes, dormir sous une moustiquaire. Tels sont les gestes simples et quotidiens qui contribuent à lutter contre ces maladies.
Abdoul-Aziz Ibrahim(onep)