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Interview : M. Hamidou Djibo, Préfet du département de Balleyara

Poste administratif créé en 1974,   Balleyara, situé sur la RN25 à 96 km au nord-est de Niamey, est devenu département à partir de 2011.  A l’instar des tous les départements du Niger, Balleyara a bénéficié d’importants investissements, avec entre autres des kms de routes bitumées reliant le département aux autres localités, des classes en matériaux définitifs, d’hectares de terre récupérés et mis en valeur, de l’appui au développement de l’agriculture, aussi et surtout un marché de bétail de référence. Cependant, ce jeune département n’est pas épargné par l’insécurité qui menace la région de Tillabéri en particulier et notre pays en général. Hamidou Djibo est préfet de Balleyara depuis le 4 décembre. Dans cette interview exclusive qu’il a bien voulue nous accorder en marge du récent Festival Kel Tamajaq, il explique la situation sécuritaire ainsi que ses corolaires et répond à nos questions sur les défis du développement socio-économique de la circonscription.

Le Niger en général et la région de Tillabéri en particulier, fait face à l’insécurité ces dernières années. Comment se présente la situation aujourd’hui dans le département de Ballayara ?

Merci de m’avoir donné cette opportunité de parler de notre jeune département, Balleyara. Dieu merci, nous ne sommes pas au « rouge ». C’est un acquis, c’est une situation que nous avons trouvée et nous sommes en train de consentir tous les efforts pour conserver cette quiétude. Chaque lundi, nous sommes en conseil de sécurité, pour évaluer la situation.

A notre arrivée, après notre rencontre avec les structures socio-culturelles et économiques du département, nous avons rencontré aussi tous les leaders coutumiers et religieux. L’Etat a doté les FDS en armement et moyens roulants mais il faut la collaboration de la population. Nous leur avons demandé de continuer à sensibiliser la population, afin qu’elle nous saisisse rapidement de tout comportement ou fait suspect. Nous avons tenu à les rassurer qu’ils seront couverts, parce qu’ils seront dans l’anonymat. Nous, nous sommes là pour agir. Aux marabouts, nous avons demandé de nous accompagner par les prières. Ces prières sont des véritables armes. 

M. le préfet, l’insécurité rime avec diverses formes de banditisme et de trafic d’armes, de stupéfiants et de carburant fraudé. Qu’en est-il ici ?

Je disais tantôt que chaque lundi on est en conseil de sécurité. Effectivement ces derniers temps, dans la version des faits que nous avons, le banditisme est entrain de grandir. Nous nous sommes assis pour analyser, pourquoi au départ, Il n’y avait pas cela ?

Et la consommation de la drogue est en train de monter. Pas plus tard qu’hier (samedi, 8 janvier) nous avons arrêté un certain nombre de jeunes avec une quantité importante de drogue. Ces jeunes ont été remis à la justice pour détention et consommation de drogue. C’est un phénomène nouveau mais très sérieux à Balleyara. Et c’est pourquoi, nous sommes en train de faire des plaidoyers vers l’Etat et les partenaires. L’Etat n’a pas failli, mais nous faisons plus ce plaidoyer pour que nous puissions encadrer ces jeunes. En fait, c’est ça qui est en train de créer l’insécurité, ils sont tentés par l’argent et ils sont recrutés facilement. Et là c’est dangereux.

Par rapport au carburant fraudé, il a des conséquences sur la sécurité, étant donné que nous pensons que les terroristes trouvent le ravitaillement en carburant à partir de la fraude. Raison pour laquelle les jours passés, nous avons voulu fermer l’unique station d’essence qui est ici. Mais après, on s’est ravisé qu’elle est unique, elle est seule, donc on a placé une surveillance de ceux qui payent du carburant là-bas.

Et nous sommes en train de travailler pour voir le tuyau par lequel le carburant rentre à Balleyara. On a compris que ça vient de vers Loga. Rien qu’avant-hier, vendredi 7 janvier dernier, nous avons fait une saisie de 536 bidons de 25 l sur 5 véhicules, bien chargés. Nous avons vraiment mis le paquet, cette saisie est énorme. Nous sommes en train de démoraliser les fraudeurs pour qu’ils puissent à la longue abandonner cette activité.

Et quelles sont vos perspectives pour la conscientisation de cette jeunesse ?

Nous avons convoqué les vendeurs d’essence de la rue comme on les appelle. Nous avons eu à leur dire que ce n’est pas l’activité en soit qui est mauvaise, mais c’est les conséquences qu’elle peut engendrer. Toi tu vends de l’essence pour trouver de l’argent, mais souvent celui à qui tu vends va s’armer pour venir te tuer. Vous voyez le danger de la chose. Ils ont compris, et nous leur avons dit que si nous n’avons pas la force d’éradiquer totalement cette vente, faites en sorte qu’on sache à qui vous vendez.

De l’autre côté, la délinquance à laquelle petit à petit les jeunes sont en train de prendre goût, nous sommes en train de rencontrer un certain nombre de partenaires pour aller vers la sensibilisation des jeunes, chercher d’autres mécanismes par lesquels ils peuvent trouver des petits crédits, payer des motos, faire, ne serait-ce que du ‘’Kabou-Kabou’’. En tout cas chercher à les occuper, parce que cette affaire de vente de carburant fraudé c’est encore eux. Pourquoi, parce qu’ils n’ont rien à faire et là c’est dangereux. On doit créer des travaux d’envergure pour que les jeunes puissent y être employés. Si on les occupe ça peut aller. Sinon maintenant le tableau est sombre.  

A présent, quels sont les défis du développement socio-économique du département de Ballayara ?

Les défis de développement socio-économique de Balleyara, c’est d’abord de renforcer beaucoup les structures paysannes présentes et travailleuses, les doter en semences à temps, en pesticides, en engrais, etc. pour booster le rendement. Ça c’est un défi et il faut qu’on le fasse. Nous voulons que l’Etat essaye de faciliter encore l’accès à l’engrais. L’engrais est incontournable pour les producteurs. D’un côté aussi on va continuer à emblaver certaines parties dégradées pour un peu augmenter le nombre de terres fertiles et cultivables. Deuxième aspect, c’est que nous avons un marché important ici à Balleyara. Les infrastructures sont là, on a pu créer le marché moderne de bétail, il suffit maintenant de le rendre plus rentable en permettant une certaine accessibilité. Rien que la semaine passée, nous avons identifié tous ceux qui sont des intermédiaires, parce qu’il y a assez de problèmes avec les intermédiaires. Ce sont eux qui compliquent le marché. Si le marché marche bien, c’est à travers les intermédiaires. Quelqu’un peut amener son animal à vendre, il le confie à l’intermédiaire et il s’en va pour attendre. Maintenant, vous allez voir l’intermédiaire va augmenter une somme importante. C’est ça qui rend aujourd’hui le marché très cher et difficile. Ce qui fait que certains préfèrent acheter ailleurs que de venir à Balleyara. Par rapport toujours à ces intermédiaires, c’est des gens à qui on n’a pas trop confiance souvent. C’est pourquoi on les a recensés officiellement en leur faisant des cartes professionnelles et de temps en temps, la police descend pour contrôler. Nous pensons que dans cette période d’insécurité, parmi eux, il y en a qui amènent des animaux volés ou viennent chercher des renseignements sur la ville. Nous sommes regardants sur tout ça. Si vraiment on continue avec l’agriculture et l’élevage je crois que Balleyara sera viable sur le plan économique.

Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter M. le préfet ?

Ce que nous allons ajouter, c’est par rapport à cette situation de déplacés internes que nous avons et qui grandit. Certains partenaires ont tendance à dire que Balleyara comme Kollo ce n’est pas au rouge, c’est au vert. Et par rapport à l’appui qu’ils font, ils vont vers Banibangou, Ouallam, Ayorou pour dire que là-bas, c’est plus dangereux qu’ici. Mais ils ne se rendent pas compte que nous subissons des effets collatéraux. Parce que ceux qui descendent et fuient leur zone, ils viennent s’entasser ici à Balleyara. Dès qu’ils arrivent tout ce qu’ils avaient comme difficulté, ils les apportent, ils nous contaminent et c’est vraiment dangereux. A leur actuelle, nous avons plus de 408 ménages venus exclusivement de Banibangou et 2293 déplacés internes dont 225 femmes cheffes de ménage.

Réalisée par Abdoul-Aziz Ibrahim(Onep) et Ismaël Chékaré(Onep), Envoyés spéciaux

« Les défis, c’est d’abord de renforcer beaucoup les structures paysannes présentes et travailleuses, les doter en semences à temps, en pesticides, en engrais, pour booster le rendement »

28 janvier 2022
Source : http://www.lesahel.org/