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Interview : Colonel Harouna Ramata Abba Kiari, Directrice du Renforcement de la Résilience et de l’Atténuation au Changement Climatique, coordonnatrice de la révision de la CDN

Mon Colonel, le Gouvernement du Niger a adopté le 2 décembre 2021 en Conseil des Ministres, le document de Contribution Déterminée au niveau National (CDN) révisé. Quelle est la particularité de ce document par rapport au précédent ?

Je vous remercie de l’intérêt marqué par votre organe sur cette question combien importante de changement climatique. L’intérêt porté à ce document de Contribution s'inscrit dans la droite ligne des instruments de politiques multilatéraux auxquels le Niger est partie prenante. Je parle spécifiquement de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et de l'Accord de Paris sur les changements climatiques que nous avions signés et ratifiés respectivement les 21 septembre et 22 avril 2016.

Cette nouvelle CDN s'aligne, au plan régional, sur l’option commune africaine de négociations sur le Climat et de financement de programmes transnationaux ; et au plan national, à la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive (SDDCI, Niger-2035), le PDES-2022-2026 (en cours de formulation), l'Initiative 3N ainsi que les outils sectoriels relatifs à la gestion durable des ressources naturelles et l’accès aux services énergétiques modernes pour tous.

La CDN révisée, adoptée par le Gouvernement le 02 décembre passé, diffère de celle de première génération de 2015. Même si les secteurs prioritaires sont restés les mêmes, compte tenu des résultats de l'inventaire national des Gaz à Effet de Serre mis à jour en 2014 comme année de référence, ce nouveau document diffère du premier non seulement en termes d'ambition mais aussi sur le plan de la traçabilité des efforts du pays et du rapportage des actions prévues. C'est pourquoi, il est accompagné d'un système informatisé de suivi-évaluation pour les deux secteurs prioritaires Adaptation et Atténuation, d'un Plan de Partenariat et d'un Plan d'Investissements Climat. La nouvelle CDN a également pris en compte l’interrelation de plusieurs aspects avec le climat dont entre autres le genre et l’inclusion sociale, les emplois verts, la migration.

Quel est l’objectif principal du document révisé de Contribution Déterminée au niveau National (CDN) ?

Le Niger se fixe comme objectif principal de contribuer à la réduction des émissions globales des Gaz à Effet de Serre (objectif 2°C voire 1,5 o C à l’horizon 2050) tout en poursuivant son développement socioéconomique sobre en carbone et résilient aux effets néfastes de changements climatiques. En outre, la CDN sera mise en œuvre pour contribuer aux objectifs nationaux de développement à savoir : lutter contre la pauvreté, assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des nigériens et des nigériennes, promouvoir la gestion durable des ressources naturelles et l’utilisation massive des Energies Renouvelables et renforcer la résilience des écosystèmes et des communautés.

{xtypo_quote}« Le Gouvernement fait de la CDN révisée, un instrument qui met le Niger en phase avec ses engagements internationaux sur le Climat »{/xtypo_quote}

Aussi, le Gouvernement fait de la CDN révisée, un instrument qui met le Niger en phase avec ses engagements internationaux sur le Climat notamment l’Accord de Paris et en même temps un outil qui facilite les négociations avec ses partenaires pour lutter contre le dérèglement climatique.

Mon Colonel, pouvez-vous expliquer le processus ayant conduit le Niger à l’élaboration de la CDN révisée ?

L’actualisation de la CDN du Niger a été possible grâce à un long processus intersectoriel entamé depuis 2019 avec l’accompagnement technique et financier des partenaires du pays, mobilisés en faveur du climat sous l’égide de la Banque Mondiale. A l’instar des autres parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, le pays a induit une dynamique interne de révision et de renforcement de cet outil essentiel de mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat.

Le processus de révision de la CDN a été impulsé par le NDC Partnership, à travers son initiative dénommée « Climate Actions Enhancement Package » (CAEP) dont l’opérationnalisation a permis de boucler le cahier de charge de la révision et de soumettre le document de CDN révisée dans les meilleurs délais. C’est le lieu de remercier vivement tous les partenaires ayant été mobilisés dans le cadre de cette initiative, à savoir la Banque Mondiale, le PNUD, la FAO, l’IRENA, le Royaume de Belgique, l’AFD, le FENU, l’ONG Save The Children, l’OIM et le BIT.

Pour mener à bien cet exercice, la coordination des activités programmées a été confiée à la Direction du Renforcement de la Résilience et de l’Atténuation au Changement Climatique du   Ministère de l’Environnement et de la Lutte Contre la Désertification (ME/LCD) par l’entremise du Comité National chargé de la révision et du renforcement de la CDN créé par Arrêté n°0155/ME/SU/DD/SG du 31 Août 2020.

L’approche méthodologique-pays fut basée sur la participation et l’inclusivité avec tous les acteurs (Administration, institutions de recherche et de formation, OSC, secteur privé, PTF). Tous les produits des différentes études thématiques livrés dans le cadre de la révision ont été validés par le Comité National au fur et à mesure de leur élaboration. Ce processus a été clôturé officiellement le mercredi 29 décembre 2021 et les prochaines étapes de mise en œuvre de la CDN lancées à cette même date.

Le fil conducteur du document révisé de la CDN repose sur l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique à travers notamment AFAT (Agriculture, Foresterie et Autres Utilisations des Terres) et Energie. Est-ce que vous pouvez nous expliciter davantage le contenu de ces deux termes ?

La lutte contre les effets néfastes du changement climatique est essentiellement basée sur l’atténuation et l’adaptation. Les actions d’atténuation s’attaquent aux causes du phénomène par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le renforcement de piégeage de gaz carbonique (puits carbone) alors que l’adaptation traite des conséquences du changement climatique en renforçant la résilience des communautés et des écosystèmes face aux effets néfastes. Il faut noter à ce sujet que notre pays priorise l’adaptation à co-bénéfices forts pour l’atténuation.

Plus que par le passé, le Niger subit de plein fouet les effets du changement climatique à travers la récurrente des inondations et les crises alimentaires et pastorales, comment la mise en œuvre de ce document qui se veut le principal outil de référence en la matière pourrait améliorer la résilience des populations ?

Il est indéniable que les principaux signes du réchauffement climatiques et risques associés sont les inondations, les sècheresses, les tempêtes de sable et/ou de poussière, les températures extrêmes, les vents violents, les attaques acridiennes, les épizooties, les feux de brousse et la résurgence des maladies climato-sensibles (paludisme, rougeole, méningite). C’est conscient de cette situation, qu’une étude a été réalisée dans le cadre de la CDN pour identifier les capacités institutionnelles ainsi que les facteurs de vulnérabilité des secteurs AFAT et Energie. Ce qui a permis à la nouvelle CDN d’identifier un certain nombre d’options qui concourent à renforcer la résilience des communautés et des écosystèmes pour faire ainsi face aux conséquences néfastes du dérèglement climatique.

 Ainsi les options identifiées par le Niger sont entre autres : la promotion de l’Agriculture Intelligente face au Climat ; la valorisation des données météorologiques par les producteurs ; le développement de la gestion durable des terres et des eaux ;  le renforcement de la gestion participative et numérisée des massifs forestiers ; l’élaboration et  la mise en œuvre d’un plan décennal de reboisement ; le développement de la Foresterie urbaine et périurbaine ;  les subventions des kits d’utilisation des énergies fossiles et solaires ;  le développement de Partenariat Public Privé (PPP) pour la mise en valeur des énergies nouvelles et renouvelables.

La mise en œuvre de ce document ne saurait se réaliser sans un financement conséquent, quelle est la stratégie du Niger pour mobiliser les fonds nécessaires au financement de la CDN pour la période 2021-2030 ?

Le besoin en financement pour la mise en œuvre de la CDN s’élève à un coût total de 9,9077 Milliards USD sur la période 2021-2030, soit 990,77 millions USD/an. Ce montant couvrira les deux volets de la CDN : Adaptation et Atténuation.

Les actions d’adaptation nécessiteront globalement 6,743 Milliards USD repartis en 36% pour le financement inconditionnel (2,4 Milliard USD) c’est-à-dire sur les efforts internes de l’Etat et 64% de financement conditionnel (soit 4,343 Milliard USD), qui doivent être mobilisés auprès des Partenaires Techniques et Financiers (PTF).

En ce qui concerne l’atténuation, le besoin en financement de ses actions s’élève à 3,1651 Milliards USD sur 10 ans (2021-2030). La part attendue de l’Etat est de 6,72%, soit 0,2127 Milliards USD. La part importante (93,28%%) c’est-à-dire 2,9524 Milliards USD est à mobiliser auprès des partenaires au développement et la Finance climatique internationale comme le Fonds Vert pour le Climat.

Pour mobiliser ces fonds, une stratégie de mobilisation a été élaborée pour assurer l’effectivité de la mise en œuvre de la CDN. Aussi, un Plan de Partenariat et un Plan d’investissement CDN sont en cours de finalisation avec l’accompagnement de la Banque Mondiale, chef de file des PTF de la révision de la CDN. La mobilisation des ressources financières devrait s’aligner au processus en cours de la formulation du PDES 2022-2026 pour lequel la CDN constitue un des programmes prioritaires.

Le Niger a certes une expérience dans le domaine du changement climatique pour avoir élaboré et mis en œuvre la précédente CDN. Cependant, l’environnement sécuritaire s’est fortement dégradé dans notre pays, est-ce que cet aspect a été pris en compte dans l’élaboration et la mise en œuvre de la CDN révisée ?

En effet malgré les énormes efforts déployés par le Gouvernement et les partenaires du Niger, la question sécuritaire est toujours préoccupante. Elle constitue de ce fait un défi majeur de plus sur la mise en œuvre des actions de développement dont celles inscrites dans la CDN. En effet, la CDN renferme des options d’adaptation et d’atténuation, nécessaires permettant à notre pays de poursuivre son développement dans une perspective de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de façon résiliente aux effets néfastes du changement climatique. Ces options sont donc des orientations stratégiques pouvant être prises en compte dans la formulation des projets et programmes de développement. C’est justement au cours de la phase opérationnelle de formulation des projets de renforcement de la résilience que la question sécuritaire fera l’objet d’une attention toute particulière.

Réalisée par Hassane Daouda

21 janvier 2022
Source : http://www.lesahel.org/