Garba Zamo Souleymane, agronome, responsable d’une structure de Fabrication d’Engrais et Pesticides Bios : «C’est à l’Université que j’ai commencé à réfléchir sur ce que je peux apporter pour aider nos producteurs et qui cadre avec ma formation»
Au moment où les pays industrialisés se préoccupent de l’agriculture bio, ceux en développement s’intéressent plutôt à l’autosuffisance alimentaire. Malgré cet écart, les pays à faible revenu multiplient les initiatives pour rattraper le retard tout en s’alignant au mouvement actuel. Aujourd’hui, ils sont nombreux les jeunes africains qui innovent dans le domaine de l’agriculture en adoptant des méthodes respectueuses de l’environnement comme des fertilisants bio. C’est le cas du jeune agronome nigérien, Garba Zamo Souleymane qui s’active dans la promotion d’une agriculture bio. C’est dans cette optique qu’il a créé une structure de fabrication d’engrais et Pesticides bio. Dans cet entretien, ce double lauréat (prix du Conseil l’Entente et celui de l’UEMOA) nous explique les objectifs visés à travers cette initiative et les effets positifs de l’utilisation des produits bio ainsi que les défis à relever.
M.Garba Zamo Souleymane, vous vous êtes lancés dans la fabrication d’engrais et de pesticides bio au Niger. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a motivé à entreprendre dans ce domaine au Niger ?
Merci. Mon objectif est de répondre favorablement aux besoins des producteurs agricoles et de la population. En d’autres termes, c’est d’enrichir les sols en matières organiques en quantité et en qualité, de limiter l’usage en excès des produits chimiques, de booster le rendement des productions et d’initier la pratique de l’agriculture biologique. Les effets positifs de ces produits c’est qu’ils enrichissent le sol en éléments nutritifs organiques. Ils permettent à la culture de bien s’installer et facilitent son adaptation au sol. Ces produits bio assurent la bonne croissance et le développement de la culture, renforcent les défenses de la culture pour mieux résister à certaines attaques, augmentent le rendement de la production et garantissent une production de qualité et saine.
Vous êtes agronome de formation, pouvez-vous aussi nous expliquer le processus de fabrication de vos produits ?
Le compost bio et le terreau ont pratiquement le même processus de production. C’est ainsi qu’après la phase de recherche des matières premières, suivra la collecte et l’acheminement. Puis la phase de tri (séparer le produit brut avec les matières non ou moins décomposables). Ensuite le broyage de la matière morte avec la machine, puis mélanger avec de l’eau et laisser sous état hermétique accompagné d’un retournement chaque cinq (5) jours jusqu’à quatre (4) fois. C’est la phase de décomposition de la matière. Cette phase est suivie de celle de minéralisation réalisée dans une fosse ou bac à compost pendant deux (2) semaines accompagnées par un arrosage progressif. Enfin, c’est l’étape de stabilisation où le produit est bien minéralisé prêt à être conditionné et le conditionnement dans des sacs de 50kg.
En plus de la production des engrais bio, nous faisons la fabrication des produits bio pesticides comme le purin, obtenu par un mélange d’extrait de terreau et un sous-produit de la macération d’hypomea indica (liane lapin).
L’importance du purin est qu’il est à la fois engrais foliaire et pesticide, tout en traitant certaines maladies et certaines carences des cultures. Par ailleurs, en ce qui concerne la valorisation des déchets ménagers solides, la SOFEP BIO a aussi initié le recyclage du déchet plastique afin de mettre à la disposition de la population des produits à usage indispensable. Nous avons réalisé quelques prototypes (tabourets entièrement en déchet plastiques).
Après la fabrication des différents produits, comment se fait leur écoulement ? En fait, qui achète ces produits au Niger ?
Les principaux clients sont les producteurs agricoles de Niamey (maraichers jardiniers et fleuristes). D’autres clients se trouvent dans les localités environnantes de Niamey. A ceux lâ s’ajoutent aussi des entreprises agricoles (Nassaraoua et Goroubi). Je précise que les prix sont abordables. Ainsi le sac de 50 kg de compost bio se vend à 4000FCFA et celui du terreau à 6000F CFA.
Pouvez-vous nous dire, Concrètement, comment s’est construite l’idée de la création de cette structure de fabrication de produits bio?
C’est à l’Université que j’ai commencé à réfléchir sur ce que je peux apporter pour aider nos producteurs et qui cadre avec ma formation. Comme vous le savez à l’Université en général tout comme à la Faculté d’Agronomie, la majorité des étudiants se contente de valider une matière parfois sans comprendre la réalité des choses reléguant la pratique au second plan.
C’est ainsi qu’un jour, un enseignant a évoqué la question de pauvreté de nos sols productifs en matières organiques. C’est ainsi que nous (étudiants) avons fait plusieurs propositions de solutions mais toutes se sont avérées insuffisantes. Toutefois, je me suis senti interpelé.
A partir de ce moment, je me suis lancé dans la réalisation d’un premier prototype obtenu au bout d’un an de travail. Ce qui a fait l’objet d’exposition à la fac en 2017 où j’ai eu le soutien d’un enseignant titulaire de la même faculté spécialiste en fertilisation de sol. Avec cet enseignant nous avons encore travaillé un an sur la production de Compost au sein du jardin d’expérimentation de la Faculté d’agronomie dont la nouvelle technique appliquée est initiée par moi-même. Peu après, l’obtention des premiers résultats concluant, la satisfaction était totale. Toutefois, après la fac, j’ai préféré continuer mes expériences sur un autre terrain.
Votre structure de Fabrication d’Engrais et Pesticides Bios a-t-elle des rapports avec la Société et le Centre Incubateur de l’Université Abdou Moumouni (CIUAM) ?
Mon rapport avec le CIUAM vient du fait que j’ai commencé à être incubé de façon non officielle au Centre Incubateur de l’Université de Niamey, en attendant le lancement d’appel à candidature pour la deuxième promotion en 2019. Mais avant c’était une enseignante chercheur (Dr Drame Yaye Aseitou) de la Faculté d’Agronomie, promotrice d’une entreprise (Sahel Agro) incubée au CIUAM, faisant partie de la première promotion, qui m’a conseillé de passer au CIUAM en tant qu’étudiant de l’université de Niamey. Je n’ai pas hésité, j’étais parti pour une première prise de contact au CIUAM je m’étais adressé à M. Anza (l’accompagnateur en modèle économique et finance), qui a été déjà informé de mon passage par l’enseignante chercheur afin de m’expliquer la vision et la mission du CIUAM y compris les opportunités que je pourrai saisir.
Mon second passage au CIUAM, c’était au cours d’une brève présentation de mes activités devant les responsables du CIUAM. Voilà ce qu’il mon dit : « désormais tu as accès à l’incubateur et tu pourras en faire usage avec les logistiques du centre, sauf que tu ne seras pas un incubé officiel mais l’accompagnement est gratuit pour toi et pour tout étudiant inscrit régulièrement à l’UAM qui désire entreprendre ».
A partir de ce moment j’ai commencé ma formation en entrepreneuriat, surtout les aspects techniques (identification d’un besoin, business model, le prototypage, l’étude de marché, le plan d’affaires). Ces actions visent non seulement l’émerger de mes activités mais aussi d’avoir une reconnaissance légale au CIUAM.
Au CIUAM, outre l’accompagnement technique, il facilite l’accès au financement. En cas d’opportunité, il partage l’information à l’endroit des porteurs de projets pour qu’ils y postulent.
Par ces types d’opportunités, la SOFEP BIO a été lauréate à deux (2) compétions d’entrepreneuriat au Niger.
La première celle de Conseil de l’Entente dans le cadre du projet : jeune et entrepreneuriat femme et activité génératrice de revenu en septembre 2020.
La seconde celle de l’UEMOA dans le cadre du tremplin start-up UEMOA première édition en décembre 2020.
Je pourrai dire aujourd’hui que la SOFEP BIO est créée formellement grâce à l’appui technique et le soutien dans la recherche de financement qu’offre le CIUAM.
Réalisée par Mamane Abdoulaye
19 novembre 2021
Source : http://www.lesahel.org/