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Interview : M. Tidjani Idrissa Abdoulkadri, ministre de l’Elevage, Porte-Parole du gouvernement

M. le ministre, la situation pastorale au Niger est tributaire de la saison des pluies, comment se caractérise la campagne pastorale 2021 ? 

Comme vous le savez, la Campagne pastorale 2021 a connu un démarrage tardif par rapport à l’année 2020. Par la suite, elle a été stable en général jusqu’en fin du mois août avec des prévisions favorables qui risquent d’être fortement compromises du fait de longues séquences sèches enregistrées au cours du mois de septembre, couplées par endroit aux attaques des ennemis de cultures sur des stades des pâturages très sensibles (floraison-grains laiteux).  D’une manière générale, la campagne est déficitaire par rapport à la même période de l’année passée.

Aussi, des cas de feux de brousse ont été enregistrés dans certaines localités des régions de Maradi, Agadez, Tahoua et Zinder, décimant plusieurs milliers d’hectares de pâturages.

Au point de vue sanitaire, la situation a été caractérisée par l’apparition de 2 foyers de péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) dans la région de Dosso et un (1) foyer de Peste des Petits Ruminants (PPR) dans la région de Zinder.

Au regard du comportement actuel de la campagne pastorale qui présage d’être  déficitaire par rapport à l’année passée, mon département ministériel est entrain d’élaborer un Programme d’Urgence d’Appui à la Campagne Pastorale. L'objectif étant de sécuriser les moyens de subsistance des éleveurs fragilisés et menacés par les déficits fourragers chroniques et autres catastrophes naturelles.

Le partage des couloirs de passage et le retard de libération des champs par les agriculteurs sont souvent sources de conflits entre agriculteurs et éleveurs, avez-vous pris des mesures particulières pour prévenir ces conflits qui ont endeuillé par le passé des familles ?

Comme vous le savez, les relations entre agriculteurs et éleveurs varient selon le cycle des activités agropastorales et sont le plus souvent complémentaires en saison sèche (pacage et fumure des champs par les troupeaux), mais peuvent être conflictuelles en périodes de cultures et de récoltes. Ces conflits sont surtout liés à l’accès des éleveurs aux ressources alimentaires en zone agricole (résidus de cultures, eau, etc.), dont les périodes de pointes de ces conflits se situent après les premiers semis et lors des récoltes, etc.

Les couloirs de passage constituent des instruments privilégiés de prévention et de gestion des conflits liés entre agriculteurs et éleveurs.

Tous les couloirs de passage sont sécurisés et matérialisés et sont délimités de façon participative avec tous les usagers.

Il existe depuis des années un mécanisme endogène pour éviter les conflits. Il s’agit bien des dates de libération des champs. C’est un mécanisme créé par les autorités Nigériennes qui permet à la fin de chaque campagne agricole et en fonction de son évolution de regrouper les différents usagers autour des autorités administratives, coutumières et les élus locaux pour statuer sur la date de libération des champs.

Certaines mesures réglementaires ont également été prises par le Gouvernement, dont les plus récentes sont, le Document de Politique Foncière Rurale adopté en septembre 2021 et le décret N°2019-641/PRN/MAG/EL de novembre 2019, portant création, missions, composition, et modalités de fonctionnement du Comité National de Transhumance. Le Comité National de Transhumance et les Comités Régionaux de Transhumance, est un cadre de concertation multi-acteurs impliquant de nombreuses organisations de producteurs, qui travaillent désormais en étroite collaboration avec les pouvoirs publics. Le caractère inclusif de cet organe réside dans sa composition, qui reflète la diversité des acteurs intervenant sur les questions de la transhumance et de l’occupation de l’espace : les leaders d’opinions, les députés de la région concernée, les chefs coutumiers, les représentants des villages et des associations des femmes œuvrant dans le secteur de l’élevage etc.

L’élevage est un des secteurs économiques porteurs au Niger, que fait votre entité administrative pour le moderniser et le rendre plus  compétitif ?

L’élevage est la composante la plus dynamique de l’économie nationale et porteuse de croissance du secteur primaire avec une contribution importante des productions animales de plus de 11% à la constitution du Produit Intérieur Brut (PIB) et 35% au PIB agricole, le plaçant au premier rang des recettes totales d’exportation des produits agro-sylvo- pastoraux. Il constitue la seconde source de recettes d’exportation du Niger après les industries extractives.

Conscientes de ce rôle que joue l’élevage dans l’économie nationale, les autorités de la 7ème République ont adopté la Stratégie de Développement Durable de l’Elevage (SDDEL-2012-2035) dont la vision est de faire « Un Niger où l’élevage, à l’horizon 2035, contribue significativement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et améliore les conditions économiques des populations à travers une gestion durable de l’environnement ».

Pour moderniser et rendre plus compétitif l’élevage, les nouvelles orientations dans le secteur, au regard de l’expérience tirée de la mise en œuvre de l’i3N viseront, la capitalisation et la consolidation durables des acquis enregistrés.

En effet, le Ministère de l’Elevage mettra à l’échelle les bonnes pratiques et de nouvelles initiatives avec un accent particulier sur le développement des Chaines de Valeur d’Elevage et poursuivra la transformation et la modernisation du secteur pour améliorer la  sécurité alimentaire et nutritionnelle des nigériens et réduire la pauvreté rurale.

Dans cette optique, le Gouvernement mettra en œuvre pour les cinq prochaines années de nouvelles initiatives dans le secteur, notamment, un programme lait, un programme bétail/viande, cuirs et peaux et un programme productions avicoles et pintade.

Dores déjà, pour rendre beaucoup plus compétitif nos produits, il est à signaler que, trois de nos produits ont été inscrits en Indications Géographiques (IG) et marques collectives (MC). Il s’agit notamment du Kilichi du Niger pour l’enregistrement en IG et Tchoukou du Niger et la peau de la chèvre rousse de Maradi pour l’enregistrement en MC.

Auparavant, il faut noter que nous allons garantir la sécurité sanitaire de toutes les denrées alimentaires d’origine animale à travers le renforcement de l’inspection à l’importation et à l’exportation des produits d’origine animale. Nous allons aussi en amont assurer la santé animale par la mise en œuvre de nos plans stratégiques d’éradication et de contrôle de la PPCB et PPR, mais aussi celui de contrôle des médicaments vétérinaires.

Vous avez au mois de Septembre dernier participé à la fête annuelle des éleveurs notamment la Cure Salée, que peut-on retenir de cette festivité ainsi que les avancées enregistrées ?

Comme vous le savez, l’importance de la cure salée réside dans le brassage qu'elle occasionne entre les différents groupes ethniques et par la grande mobilisation humaine qu’elle engendre, elle  renforce de ce fait la cohésion sociale entre pasteurs. Cette mobilisation sociale exceptionnelle cimente l'esprit de concorde et de solidarité qui a toujours prévalu au sein des communautés pastorales, depuis la nuit des temps. 

Cette année, elle s’est déroulée du 17 au 19  septembre 2021, sous le signe «la cure salée, vecteur de la consolidation de la paix pour une mobilité durable et un développement des chaines de valeurs ».

Un des points fort de la cure salée 2021, est sans nul doute la participation effective du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Mohamed Bazoum. En effet, il y a de cela 27 ans que la cure salée n’a enregistré la participation d’un Chef de l’Etat. Il a été également l’occasion d’animer autour du Chef de l’Etat, un forum sur la paix et la sécurité avec la participation des hauts responsables de la défense et de la sécurité, des chefs traditionnels, des partenaires techniques et financiers.

D’autres points forts, concernent, la conduite d’une caravane zoo Sanitaire qui a permis de vacciner et traiter plusieurs animaux, la conduite bien organisée des audiences foraines ayant permis aux communautés pastorales de disposer de nombreuses pièces d’état civil, la mise en œuvre efficace des activités préventives et curatives en matière de santé humane et l’excursion touristique à l’endroit des participants, notamment, à l’endroit des hautes personnalités.

Le Secteur de l’élevage rencontre ces dernières années des difficultés. Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour accompagner les éleveurs ?

Malgré les atouts dont dispose le sous secteur de l’élevage, les contraintes pour le développement de l’élevage sont entre autres, un faible potentiel génétique des races animales ou un potentiel sous-valorisé, des investissements et soutien inadéquats pour le secteur (manque d'infrastructures industrielles et équipements obsolètes pour la production, la transformation, le stockage, le transport et la commercialisation, faible valeur des sous-produits), les lacunes institutionnelles, législatives et réglementaires, le faible niveau d'organisation des acteurs du secteur, l'absence de référentiels techniques et économiques sur l'intensification des systèmes d'élevage, un accès difficile aux services de conseil et aux intrants de production de qualité (alimentation du bétail/volaille limitée et non contrôlée), la surexploitation et l'utilisation non durable des ressources foncières et pastorales, et les effets du changement climatique.

Les mesures prises par le Gouvernement pour accompagner les éleveurs pour les prochaines années sont : renforcer le maillage des points d’eau avec la réalisation de stations de pompage pastorales et de puits cimentés pastoraux ; améliorer le mécanisme de sécurisation et de vaccination du cheptel ; rehausser le maillage en points d’eau pastoraux notamment dans les zones difficiles ; aménager et sécuriser les espaces pastoraux, et réhabiliter les terres pastorales dégradées ; promouvoir la recherche zootechnique et vétérinaire et l’amélioration génétique du cheptel ; faciliter l’accès aux aliments bétail et aux intrants zootechniques ; créer les conditions d’une plus grande implication du secteur privé et développer les chaines de valeur.

Propos recueillis par Laouali Souleymane

22 octobre 2021
Source : http://www.lesahel.org/