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Lieutenant-Colonel des Eaux et Forêts, Issaka Maman Chamaoulou, conservateur du parc du W Niger : «La crise sécuritaire a entrainé la désorganisation du système traditionnel de gestion du parc»

Le parc du parc du W Niger est au cœur d’un complexe naturel transfrontalier de plus d’un million d’hectares géré conjointement par le Bénin, le Niger et le Burkina Faso et protégé depuis des décennies suivant la convention de Ramsar. Au regard de l’importance de ce vaste domaine forestier, le parc national du W du Niger  est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996 et reconnu en tant que réserve de biosphère transfrontière depuis 2002 par l’UNESCO et MAB (Man And Biosphere). Le parc doit son nom à la forme en W d’une série de méandres du fleuve Niger en ces lieux. Mais la réserve naturelle du parc du W est malheureusement depuis un certain nombre d’années confrontée à une situation d’insécurité qui sévit dans la zone dite des « trois frontières ». Toutefois, des efforts sont en train être faits par l’Etat du Niger et ses partenaires pour le retour de la sérénité afin que cette réserve naturelle soit bien protégée conformément à son statut d’espace protégé et classé. Dans cette interview, le conservateur du parc du W du Niger, le lieutenant-Colonel des Eaux et Forêts, Issaka Maman Chamaoulou donne des informations détaillées sur cette réserve naturelle. 

M. le conservateur, notre pays partage avec deux de ses voisins à savoir le Bénin et le Burkina Faso, un parc dont la renommée a dépassé les frontières de ces trois pays. Pouvez-vous nous présenter le parc régional w du Niger ?

Merci de nous donner l’occasion de parler du parc W du Niger, qui je rappelle a été découvert en 1926 par un explorateur français, Dr Fiasson. Il a été classé en Parc de refuge des animaux par un arrêté du 13 Mars 1937. S’en est suivi le déguerpissement de la population en 1938. C’est enfin le décret du 4 Août 1954 qui le classe en Parc national W Niger. Ce parc très important a plusieurs labels. C’est ainsi qu’en1987, il a été classé Site Ramsar, zone humide d’importance internationale. En 1996, il a été classé par l’UNESCO, Patrimoine Mondial de l’humanité. Au cours de la même année, il est classé Réserve de Biosphère du W par MAB et l’UNESCO. En 2002, il a été classé Réserve Transfrontalière de Biosphère du W avec les Parc W Bénin et Burkina Faso par MAB/UNESCO. Je précise que le classement du WAP (Complexe W avec le Parc d’Arly au Burkina et le Parc de la Pendjari du Bénin) en site naturel du Patrimoine Mondial en extension à la partie nigérienne a été effectif depuis 2017.

Par ailleurs, le parc du W est une grande réserve naturelle partagée entre trois pays en l’occurrence le Niger ; le Bénin et le Burkina Faso. Il faut préciser que c’est le Niger qui a la plus petite superficie par rapport aux deux autres pays (Burkina Faso et le Bénin). La partie W du Niger totalise une superficie de 220.000 ha. Le parc du W Niger est à 150 km de Niamey et est situé au Sud-Ouest dans la zone sahélo – soudanienne.

De quoi dispose aujourd’hui le parc W du Niger en matière de biodiversité ?

Le parc regorge de 80% de la biodiversité du Niger ; 500 espèces végétales ; 73 espèces de mammifères sur les 130 identifiées en Afrique de l’ouest ; 120 espèces de poisson sur les 140 identifiées au Niger : 367 espèces d’oiseaux soit les 2/3 recensés au Niger ; 112 espèces de reptiles et amphibiens. Le parc régional W Niger regorge également de plus de 100 sites archéologiques. Il possède des sites exceptionnels de grande beauté naturelle (belle vue, gorges de la Tapoa et de la Mékrou, sites de baobab, belles îles (16) dont la  plus grande est celle de karey-kopto, Rivières  Mékrou et Tapoa,  la rôneraie du fleuve  etc. Bref, le parc du W est un véritable joyau qui renferme des richesses énormes aussi bien pour le Niger que pour l’humanité toute entière. Pour la sauvegarde de l’équilibre écologique, la réserve naturelle du parc du W mérite plus d’attention afin que la biodiversité puisse participer pleinement dans l’amélioration de notre cadre de vie et de l’existence même de l’humanité. Pour y parvenir, nous devons travailler collectivement pour la sauvegarde de la biodiversité contre tous les actes illégaux qui portent atteinte à la conservation à travers des actions concrètes et aussi à réduire les effets néfastes du changement climatique.  

L’insécurité qui sévit dans certaines localités du Niger, du Burkina Faso et du Bénin, n’a pas épargné le parc W. Quel est concrètement l’impact de l’insécurité sur le parc W ?

Avec l’extension de la menace terroriste dans la zone des trois frontières, cette réserve naturelle qui renferme 80 % de la biodiversité du Niger connait d’énormes difficultés liées à la protection des espèces qui y vivent. Je précise d’abord qu’au niveau du Parc W Niger, la situation sécuritaire s’est dégradée à partir de 2020 avec les deux premières attaques : L’attaque du 11 mars 2020 du poste de contrôle avancé de Prélegou et l’attaque de la base Tapoa du 04 décembre 2020. La crise sécuritaire a entrainé la désorganisation du système traditionnel de gestion ; l’instauration de l’Etat d’urgence ; l’insuffisance de patrouille dans certaines parties du Parc ; le ralentissement de l’économie (manque à gagner par la population riveraine suite à l’arrêt du tourisme et des travaux d’aménagement ; le déplacement de la population riveraine ; la destruction de la faune et de la flore.

Qu’est ce qui a été alors réalisé comme action pour préserver la faune et la flore du parc W Niger ?

Plusieurs actions ont été menées par l’Etat et ses partenaires. Je peux citer les stratégies en cours qui sont notamment le Plan d’Intervention Prioritaire (PIP) grâce au financement de certains partenaires UE, GIZ, ZSL. Il se dégage ici 3 axes principaux à savoir la sécurité-LAB ; le développement économique des communautés riveraines et la coordination des appuis des PTF pour la composante Niger du Parc. L’objectif principal visé par le programme était de créer les conditions nécessaires en vue d’assurer la surveillance continue des ressources naturelles à travers la lutte anti-braconnage sous toutes ses formes dans la Réserve de Biosphère du W Niger.  Il y a la mission de patrouille mixte Eaux & Forêts et Forces Armées Nigériennes ; celle de surveillance secteur du fleuve du parc avec les rangers et forestiers issus de postes de contrôle périphérique du parc W.

En matière de patrouille, plusieurs camions de bois arrêtés dans la réserve de Dosso et vers Tamou ; 240 bidons de 25L d’essence fraudée saisis sur le fleuve à Korougoungou. Des éleveurs arrêtés dans le Parc W et à la sortie du Parc ; six braconniers arrêtés. Ainsi à travers des missions de suivi écologique plusieurs éléments de faune sauvage et des actes illégaux dans le parc ont été visionnés grâce à une technologie de pointe. En termes de perspectives, on peut noter la création de l’Office National de Gestion des Aires Protégées dénommé « Office National des Parcs et Réserves du Niger » (ONAPERN), le fonds fudiciaire pour le Parc W à hauteur de 200 000 000 FCFA mobilisable chaque année dans le cadre de la FSOA, le développement du périphérique par des activités alternatives génératrices de revenus et de restauration de l’environnement.

Par Hassane Daouda et Idé Fatouma(onep)

Source : http://www.lesahel.org