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Entretien avec Dr Siradji Chaiyabou, Expert et Consultant en Economie et Gestion des entreprises : « Les Nigériens doivent désormais compter sur leur propre force dans le cadre de la relance économique à travers le développement à la base »

« Les Nigériens doivent désormais compter sur leur propre force dans le cadre de la relance économique à travers le développement à la base »

 

Très vite après les évènements du 26 juillet dernier et la reprise en main effective de sa propre destinée par le peuple souverain, certaines organisations régionales, sous la pression d’une puissance étrangère au continent, imposent des sanctions tous azimuts contre le Niger et son peuple. Contre toute attente, l’économie nigérienne montre une résilience satisfaisante face à ces actions hostiles qui ont pour but d’affamer les populations. Pour comprendre la résilience du pays et de son peuple, l’hebdomadaire Sahel Dimanche s’est entretenu avec Dr Siradji Chaiyabou, expert et consultant en économie et gestion des entreprises. Il est également coach en création et gestion des entreprises et membre de l’Union des consultants indépendants du Niger. Dr Siradji Chaiyabou est l’actuel Directeur Géneral de l’Institut IFAC et Président de l’association nigérienne des centres, écoles et instituts professionnels et techniques (ANCEIPT).

Docteur, depuis plus de trois mois, le Niger fait face à une série de sanctions adoptées par la CEDEAO, l’UEMOA et certains de ses alliés occidentaux. Comment s’organise aujourd’hui l’économie nigérienne ?

Ces sanctions prises par la CEDEAO, l’UEMOA et certains pays occidentaux sont d’ordre économique et financier. C’est une façon d’étouffer le Niger pays de l’Afrique de l’ouest à économie fragile suite à un coup d’Etat justifié et la prise de pouvoir par les militaires. Il me plait de rappeler l’objectif de la création de la CEDEAO, ainsi que de sa mission. Ainsi la CEDEAO aspire à promouvoir la coopération et l’intégration économique entre les pays membres. Partant de ce principe elle vise, à long terme, la création d’une fédération des Etats de l’Afrique de l’ouest avec un parlement, une cour de justice, un Secrétariat exécutif et un conseil économique et culturel. Dans cette perspective, les membres doivent accepter la suppression des droits et taxes à l’importation et à l’exportation, l’élimination des restrictions sur le commerce intracommunautaire, la mise en place progressive d’un tarif douanier et d’une libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, l’harmonisation des politiques économiques, industrielles, agricoles, monétaires, et celles concernant les infrastructures. Elle a mission principale de promouvoir l’intégration économique notamment dans le domaine de l’industrie, le transport, les télécommunications, l’énergie, l’agriculture, les ressources naturelles, le commerce ainsi que les questions monétaires et financières, etc.

Sur le plan sécuritaire, de sa création en mai 1975, la CEDEAO a connu plusieurs dysfonctionnements, dont des cas de transition démocratique difficile en Guinée 2009 et en côte d’ivoire 2010, l’apparition de groupes terroristes qui constituent aux 21ème siècle la première menace sécuritaire de la région. Aussi, lorsqu’en 2012, différents groupes armés ont pris le contrôle du nord Mali, on a assisté à une réponse très lente de la part des Etats membres. Néanmoins un élan de solidarité a vu le jour. Ainsi des pays comme le Niger et le Tchad se sont battus aux côtés de l’armée malienne et de la France. Enfin, pour le cas du Nigéria, nous pouvons dire qu’aucune réponse militaire commune n’a été mise en place contre l’insurrection djihadiste du mouvement Boko Haram de 2009.

Paradoxalement nous assistons à un embargo sur les transactions commerciales que subit le Niger par certains pays de la CEDEAO et les avoirs du Niger se trouvant à la BCEAO sont gelés. Cela a provoqué une crise financière, une inflation sur le prix des produits de première nécessité et la rareté même de ces produits avec l’épuisement des stocks d’approvisionnement chez les grossistes. Face à cette situation notre première arme c’est le sacrifice que doit consentir tous les Nigériens dans la consommation des produits nationaux et le calcul des couts d’opportunité sur la consommation des autres produits venant de l’étranger, et à la recherche d’une solution pérenne afin d’assurer notre liberté et notre indépendance vis-à-vis de certaines menaces étrangères. Alors, le pays s’active, par la volonté de ses dignes patriotes, à trouver des solutions dans le domaine énergétique, tout en développant certaines activités agricoles et la production du riz du Niger, la recherche des nouveaux partenaires pour mener à bien la vente de nos ressources naturelles ainsi que pour d’autres transactions entre nos agents économiques résidents et non-résidents. 

Quels sont les perspectives pour le pays au vu des actions de réorganisation entreprises pour aboutir à une gestion saine de la chose publique et des entreprises publiques et privées ? 

Les perspectives sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, il faut amener les Nigériens à une prise de conscience dans la mise en œuvre d’un système de création de richesse par la production nationale et la valorisation de nos ressources naturelles, ainsi que la gestion rigoureuse de nos entreprises publiques et privées. Le Niger doit développer des partenariats gagnants -gagnants à travers la diversification des partenaires. Il y’a lieu également de mettre en avant une politique protectionniste sur certaines productions locales afin d’encourager la consommation locale et de garantir l’indépendance économique.

Pour vous, quel(s) model(s) de gestion doit intégrer le pays et ses entreprises pour capitaliser l’expérience actuelle ?

Le Niger doit adopter un mode de gestion basé sur la planification des activités économiques. De façon spécifique, un changement de paradigme s’impose pour la production et la commercialisation des produits agricoles. Les Nigériens doivent désormais compter sur leur propre force dans le cadre de la relance économique à travers le développement à la base tout en évitant de se focaliser sur toute aide budgétaire sous contrainte. 

Les nouvelles autorités ont créé un Fonds de solidarité chargé de mieux coordonner les contributions des populations en faveur des secteurs de la défense, de la sécurité, ainsi que de la réinstallation des déplacés internes. Ce Fonds « souverain » peut-il être présenté comme un exemple d’autofinancement du développement au Niger ?

A l’image des autres pays qui sont dans la même situation, comme le Mali et le Burkina, le fonds de solidarité peut être une solution car il doit servir d’un fonds d’aide, de solidarité envers les FDS, pour la relance des activités économiques et également pour le fonctionnement du budget de l’Etat et la création des revenus à certaines couches sociales défavorisées. Avec ce fonds, on peut soutenir le pouvoir d’achat de beaucoup de Nigériens issus de ces ménages de FDS tombées sur le champ d’honneur afin d’assurer les dépenses de souveraineté. Le fonds de solidarité vient en contribution pour renforcer la sécurité : il peut servir non seulement à entretenir nos forces de défense et de sécurité mais également à l’achat d’armements sophistiqués pour combattre sans grandes difficultés les ennemis du Niger.  

Quelle peut être la contribution des experts et consultants indépendants nationaux dans la sauvegarde de la souveraineté du pays ?

La contribution des experts nigériens et consultants indépendants nationaux doit  tout d’abord se faire sentir dans le cadre des réflexions à mener sur comment trouver des fonds d’investissement et la création des richesses à partir de nos propres matières premières. Ils doivent contribuer à rentabiliser la production agricole pour une production importante aboutissant à une économie d’échelle. Les experts et consultants indépendants doivent également penser à une contribution financière afin de participer à l’aide sociale à l’endroit de certaines couches vulnérables.

Quelle leçon faut-il tirer de l’expérience de la situation actuelle particulière sur le plan de l’approvisionnement du pays ?

Nous pouvons dire que cette situation peut être considérée comme un effet d’expérience et même d’apprentissage pour que dorénavant on assiste à un approvisionnement important en produits de première nécessité et la constitution d’un stock de sécurité abondant. Les Nigériens doivent cesser de croire à l’amitié de certains pays de la CEDEAO, mais également avec certains pays occidentaux, comme la France qui vient de nous prouver son fameux discours de tous les jours : la France n’a pas d’ami mais n’a que des intérêts.

Propos recueillis par Souleymane Yahaya (ONEP)

Source : https://www.lesahel.org/