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Les chiffonniers de Niamey : A la recherche du pain quotidien

La récupération informelle des déchets est une pratique courante dans de nombreuses régions du monde. Au Niger, et particulièrement à Niamey, beaucoup de personnes, face aux difficultés de trouver un emploi et aux conditions économiques difficiles, s’engagent quotidiennement dans les rues ou sur les décharges à la recherche d’objets d’une quelconque valeur marchande. Souvent associée à de viles activités, la récupération informelle des déchets est le symbole emblématique de la pauvreté urbaine dans l’imaginaire collectif. En outre, elle est considérée comme dangereuse pour la santé ; ceux qui la pratique sont très souvent stigmatisés et marginalisés. Cependant, cette activité représente pour la plupart une opportunité de gagner de l’argent et ainsi faire face aux besoins quotidiens.

La ceinture verte de Niamey, créée au lendemain de l’indépendance est le plus grand espace vert de la capitale. L’objectif de la création de cet espace vert par les autorités de l’époque était non seulement de préserver l’environnement, mais aussi de prémunir la capitale de différentes intempéries liées au changement climatique. Aujourd’hui, cet espace est laissé à son sort et sert à quelques endroits de décharges sauvages, au grand désarroi des populations environnantes et sous les yeux des autorités municipales en charge de l’hygiène et de l’assainissement de la ville.

Ainsi, non loin de l’hippodrome de Niamey, à quelques encablures de la Blue Zone, en pleine ceinture verte, existe un énorme dépotoir sauvage de déchets s’étalant sur plusieurs hectares. On y trouve des déchets ménagers, industriels, agricoles, organiques, chimiques, des cadavres d’animaux, bref, un véritable cocktail toxique potentiellement nocif pour la santé.

C’est dans ces conditions délétères qu’on retrouve tous les jours, plusieurs personnes, des enfants, voire même des familles qui passent de longues heures sous le soleil brûlant, fouillant les détritus à la recherche de matériels recyclables tels que les cartons, les bidons en plastique, les métaux, etc. On les appelle les chiffonniers. Mme Safia, la trentaine, mère de cinq enfants, est une habituée des lieux. Chaque jour, à partir de 09 heures, elle se rend, en compagnie de deux (2) de ses enfants, au niveau de la décharge. « Je n’ai pas étudié, je viens du village et je n’ai pas eu de boulot depuis que nous sommes venus, mon mari et moi. Ça fait 6 ans que je pratique cette activité et je gagne en moyenne 500 voire 1 000 F par jour. On ramasse surtout des bidons en plastique, du métal et des cartons que nous vendons surplace. Avec cet argent, je subviens aux besoins de ma famille. Je n’ai pas d’autres choix, le plus important pour moi est que ma famille ne dort pas le ventre vide », confie-t-elle, la mort dans l’âme.

En âge d’aller à l’école mais malheureusement se trouvant dans les rebuts, Fatima, fille de la bonne dame, âgée de 12 ans, accompagne sa mère depuis plus de 3 ans. « Je ne suis jamais allée à l’école. Chaque jour je suis ma maman afin de l’aider. Je ramasse les cartons, ma maman les bidons en plastique et mon jeune frère les métaux », affirme-t-elle.

Au fur et à mesure que les heures passent, beaucoup de personnes de tout âge affluent à la décharge. Un groupe de jeunes âgés d’une quinzaine d’années s’affairent à trouver de quoi vendre et ainsi s’offrir le repas du jour. Parmi eux, Moussa, un garçon de 14 ans, a fait de cette activité son gagne-pain. « Je ramasse spécialement des métaux et des fils de fer que je brûle ensuite pour extraire le cuivre qui s’y trouve. Le fer et le cuivre sont plus rentables. Je sors le matin pour circuler dans les quartiers et ramasser tout ce que je pourrais vendre. Après je viens au niveau de cette décharge continuer mes recherches. Le soir, je vends tout et je gagne des fois jusqu’à 2 000 F par jour. Je vis de ça et j’aide même ma famille dans les dépenses de tous les jours », raconte le jeune garçon.

Non loin d’eux, un groupe d’adultes s’activent également à mettre au peigne fin la déchetterie. L’un d’entre eux déclare : « je vis de la récupération des déchets depuis plusieurs années. Il est vrai que cette activité est dangereuse, et qu’on peut facilement se blesser mais, on n’a pas d’autres options ». Un autre confirme : « la misère nous suit au pas, nous vivons dans une extrême pauvreté. Pour ne pas rester les bras croisés et pleurer sur notre sort, on préfère faire les chiffonniers. Chaque jour je gagne au moins 1 000 F. Je vis avec ma femme et ma fille de 2 ans, avec cet argent, j’arrive à joindre les deux bouts ».

Malgré l’odeur méphitique qui se dégage, personne ne semble déranger. Tout le monde est à son aise ; on se taquine, on rigole, les petits enfants de 2 ans, voire moins, sont déposés à même le sol sous l’ombre des arbres pendant qu’hommes et femmes fouillent chaque mètre carré.

Du côté sud de la décharge, à quelques centaines de mètres de l’école publique Talladjé, sous un hangar fabriqué de bric et broc se trouve M. Hamidou, le principal acheteur du coin. En effet, c’est auprès de lui que la quasi majorité des chiffonniers écoulent leurs quêtes du jour. Avec sa balance, il pèse les objets, 20 F le kilo du carton, 25 F pour celui des bidons en plastique, 125 F pour le kilo de fer et 3 750 F pour le cuivre nous apprend-t-il. « Je fais cette activité depuis plus de 10 ans. C’est mon oncle qui m’a initié dans le métier. J’achète les matériels recyclables que les chiffonniers amènent, puis je stocke jusqu’à ce que ça atteint une certaine quantité et après, je vends aux grossistes qui acheminent ces objets vers le Nigéria. Après les cours, mon fils et mon neveu viennent m’aider » explique-t-il.

Un véritable business non moins lucratif s’articule autour des décharges. « Malgré ce que les gens pensent de ce métier, c’est vraiment une activité rentable. Dieu merci, j’ai tout eu dedans », souligne-t-il.

Ousmane Nazir (Stagiaire) ONEP