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Analyse : Environnement et devenir de la Nation

Fête de l’indépendance, Fête de l’arbre : quel symbolisme lie ces deux évènements qui se fondent en un seul, chaque 3 août de l’année au Niger?  L’origine remonterait à 1964, lorsque le gouvernement de M. Hamani Diori décida pour la première fois de faire coïncider la fête de l’arbre avec celle de l’anniversaire de l’indépendance du pays. L’objectif, soulignait le Ministre de l’Économie Rurale de l’époque, M. Maidah Mamoudou, était de marquer « l’importance de l’arbre comme source de vie, de richesse et de bien-être ». Bien que la ‘fête de l’arbre’ remonte à la période coloniale, instituée par un arrêté de janvier 1937, il faut souligner que l’évènement avait alors un caractère essentiellement scolaire et était organisé à des dates qui variaient d’une année à l’autre.  Dès 1965, l’année suivant la célébration simultanée des deux fêtes, le gouvernement décida de l’érection de la Ceinture Verte de Niamey pour la protection de la ville. 

À partir de 1974, le Général Seyni Kountché décida de circonscrire toutes les manifestations de la célébration de la fête d’indépendance à la seule et unique plantation des arbres. La fête de l’arbre pris alors une autre dimension de plus grande ampleur au point de vue de l’éveil éco citoyen des populations et de la manifestation de l’importance accrue apportée aux questions se rapportant à la gestion des ressources naturelles. La région sahélienne subissait alors de plein fouet les affres de sècheresses consécutives ayant conduit à la création du Comité Inter États de Lutte Contre la Sécheresse au Sahel (CILSS). Une décennie plus tard le gouvernement, profondément préoccupé par la dégradation des terres organisa en 1984, des assises nationales sur la désertification qui adoptèrent l’Engagement de Maradi. Le Niger prépara l’année suivante en 1985, un des premiers plans de lutte contre la désertification de la sous-région, longtemps avant l’adoption de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification. Il faut ici saluer la vision, le discernement et l’engagement des dirigeants de cette époque.

La création d’un Ministère chargé de l’environnement suivie plus tard en 1996 d’un Conseil National pour l’Environnement et le Développement Durable (CNEDD) donnera une nouvelle dimension à la compréhension de la problématique de la gestion des ressources naturelles pour embrasser le concept de développement durable en relation avec le social et l’économie.  Il importe donc que l’arbre ne cache pas la forêt afin qu’à travers la fête de l’arbre, les citoyens comprennent les enjeux environnementaux qui sous-tendent le développement économique et le bien-être social. Le message que nous ont légué ceux qui ont initié la célébration concomitante de la Fête de l’Indépendance et celle de l’arbre est celui d’œuvrer à consolider notre indépendance tout en assurant, sur une base durable, la prospérité et le bien-être de tous. M. Maidah Mamoudou faisait ainsi référence à l’arbre comme source de vie, de richesse et de bien-être. Déjà à cette époque, nos dirigeants percevaient donc le concept de développement durable avant qu’il ne soit développé et vulgarisé par les Nations Unies.

L’environnement, mis en valeur de façon adéquate, contribue de façon déterminante à la sécurité alimentaire, à la sécurité énergétique, à la santé des populations, à la sécurité humaine et à la réduction des conflits, à la lutte contre la pauvreté, à la sauvegarde et à l’enrichissement du potentiel culturel. Le croît démographique du pays qui a fait passer la population de 3 millions d’habitants à l’indépendance à plus de 24 millions aujourd’hui avec des projections de 79 millions en 2050 nous commande de gérer de la façon la plus rationnelle nos ressources naturelles qui s’amenuisent. Une étude du CILSS et de U.S Geographical Survey indique que les surfaces sableuses ont augmenté de 56% entre 1975 et 2018 tandis que les habitations ont occupé encore plus d’espace avec une expansion de 124,7 % pendant la même période au détriment des champs et des espaces boisés.  Même si une étude de 2021 du Centre de Surveillance Écologique du Niger indique que l’emprise des terres dégradées a régressé́ de 67,79% de la superficie du territoire national en 1984 à 66,5% en 2020, il faut rester prudent quant aux tendances lourdes en raison particulièrement de la persistance de l’utilisation à grande échelle de l’énergie bois, de la pratique continue de l’agriculture et de l’élevage extensifs, ainsi que des effets pernicieux du changement climatique. Il faut cependant se réjouir de l’adoption le 21 juillet dernier de la Stratégie Nationale d’Adaptation face aux changements climatiques dans le secteur agricole et de son Plan d’Action 2022-2026.

Sur le plan énergétique, il est prévu d’accroitre l’accès à l’électricité avec une ambition de porter le taux de couverture qui ne dépasse guère 13% de nos jours à 60% d’ici 2030. Il faudra veiller que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique soit aussi élevée que possible. Avec le solaire photovoltaïque et le solaire thermique, elle pourra être de 40% et même plus. Du point de vue santé, des études de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) indiquent que de nombreuses pathologies et affections sont liées à des causes environnementales d’où la nécessité de disposer d’un cadre de vie sain et agréable. Il ressort que 28% au moins des maladies en Afrique sont liées á des facteurs environnementaux. Ce taux monte à 36% dans le cas des enfants de moins de 14 ans.   Étant en zone sahélo- saharienne, la destruction des écosystèmes accentue les vents de sable et l’érosion des sols. Quand on sait qu’un individu adulte inhale 10 000 litres d’air par jour on comprend aisément le besoin de planter et de maintenir un couvert végétal protecteur du sol. En effet, selon l’OMS, la pollution de l’air est responsable d’un tiers des décès provoqués par accident vasculaire cérébral ou cancer du poumon entre autres. Les plantes constituent par ailleurs une source inépuisable de substances médicinales utiles.

L’environnement est pourvoyeuse d’emplois verts qui peuvent résorber de façon significative le chômage des jeunes. Les ressources naturelles contribuent au Produit Intérieur Brut dans une proportion non négligeable.  Une bonne gestion de l’environnement permet une exploitation équitable des ressources disponibles et réduit les risques de déclenchement ou d’aggravation des violences inter communautaires nées de la compétition exacerbée pour l’accès aux biens et services des écosystèmes ou pour le contrôle de ceux-ci. Une étude du PNUE indique que 40% des conflits à l’intérieur des États sont directement ou indirectement liés aux causes environnementales de mauvaise gouvernance des ressources.

L’environnement, les ressources naturelles sont d’une importance capitale pour la nation. Il faut cependant retenir que ‘la matière grise’ est plus importante que ‘la matière première’ car c’est par le savoir et le savoir-faire que l’on transforme la matière première pour répondre aux besoins des populations et développer l’économie. Nous avons besoin d’une école nigérienne de qualité irréprochable.  Il importe donc au plus haut point que la nation dispose de femmes et d’hommes compétents, pétri d’un engagement citoyen conséquent pour transformer nos atouts naturels et créer le Niger de demain que nous voulons, un Niger de paix, de prospérité de progrès.

Par Mounkaila Goumandakoye(onep)