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Empoissonnement des plans d’eau : Valoriser les ressources halieutiques pour une forte résilience des communautés

Malgré sa position géographique continentale qui l’éloigne de la mer, le Niger regorge d’importantes ressources halieutiques dont le fleuve Niger (traversant le pays sur 550km), les lacs, les rivières, les Gueltas, les dallols, les cuvettes (qui se particularisent par les relations de transfert permanent d’eau entre les stocks de surface et les nappes alluviales) et les systèmes oasiens. Pour l’essentiel, ces ressources aquatiques et semi aquatiques sont localisées dans les deux bassins conventionnels à savoir le bassin du fleuve Niger et celui du Lac Tchad et elles constituent le réseau hydrographique national. En effet, cet atout  fait du secteur de la pêche et de l’aquaculture au Niger l’un des plus importants pour la résilience des communautés, notamment en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle et de l’économie rurale.

Selon la direction de la pêche et de l’aquaculture, le réseau hydrographique draine annuellement 24 à 30 milliards de m3. A cela il faut ajouter 2,5 milliards m3 d’écoulement souterrain renouvelables et environ 2.000 milliards de m3 d’eau souterraine non renouvelables favorable au développement de l’aquaculture. Aussi, le territoire nigérien compte 410 000 ha des plans et cours d’eau soit plus de 1064 mares, parmi lesquelles 275 sont permanentes y compris les ressources des zones humides classées sites Ramsar. Au plan de ces zones humides, le Niger compte en 2021, 14 sites ramsar ou zones humides, avec une superficie totale de 7 534 289 hectares. L’on dénombre  98 espèces de poissons en 2012 contre 112 connues dans les années 80 et autres biodiversité animales, végétales et micros biologiques.  «Ces ressources en eaux, malgré qu’elles soient menacées des diverses formes de dégradation soutiennent de façon importante l’alimentation des populations et du bétail, ainsi qu’à la production agricole, de la pêche et présentent des facilités énormes d’aménagements aquacoles », souligne le directeur national de la pêche et de l’aquaculture, le Colonel Abdou Ibrahim. Il indique que les principales formes des menaces observées sur le réseau hydraulique sont l’ensablement, la réduction de la surface des plans d’eau, la réduction de l’écoulement des cours d’eau, l’augmentation des pollutions diverses, la sècheresse, la désertification, la prolifération des plantes aquatiques envahissantes et l’insuffisance d’harmonisation ou d’application des textes entres autres.

La production de poisson de 50Kg/ha à 400Kg/ha

«La pêche touche directement plus de 50.000 personnes dotées d’un savoir-faire traditionnel et semi moderne en pêche et aquaculture, et contribue à plus de 40 milliards de FCFA par an au PIB national », précise le directeur national de la pêche et de l’aquaculture. Cependant, du fait de la récurrence exacerbée des aléas climatiques et des actions anthropiques citées plus haut qui ont contribué à amenuiser les ressources en eau de surface et les stocks de poissons au fil du temps, il en résulte une faible visibilité et lisibilité de la filière pêche dans le développement socio-économique en dépit de son apport financier non négligeable et son rôle très capital dans l’amélioration des conditions de vie des populations rurales et urbaines.

C’est au regard de ces contraintes, que l’Etat avec l’appui de certains partenaires au développement a réalisé plusieurs actions qui s’articulent autour des activités d’empoissonnement ; de la lutte contre les plantes aquatiques envahissantes, d’élaboration des stratégies, de la formation des cadres ; de formations et d’équipement des pêcheurs et le suivi de la ressource et collecte des données statistiques de pêche.

Parlant de l’empoissonnement, « des centaines de mares ont été empoissonnées entre 2011 à ce jour », déclare le directeur. Cela, dit-il, a permis de rehausser significativement la production nationale. En effet, « une mare qui produit 50 Kg à l’hectare à l’état naturel peut bien produire 400 Kg à l’hectare après empoissonnement », explique le technicien.

A titre indicatif au premier semestre 2022, 38 mares ont été empoissonnées dont celle de Abanda Goungou (commune rurale de Ndounga) qui a bénéficié récemment de l’opération sur financement de l’Etat. A l’en croire, dans ce second semestre de l’année qui est la période propice à l’empoissonnement, d’après les techniciens des eaux et forets,  plusieurs autres mares sont programmées par le gouvernement. 

Les principaux partenaires sont entre autres, le Projet de Renforcement de la Résilience à l’Insécurité Alimentaire et Nutritionnelle au Sahel (P2RS), le Projet de Renforcement de la Résilience à l’Insécurité Alimentaire au Niger (PRRIA), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), la FAO, l’Agence du Barrage de Kandadji, le Projet d’Appui à l’Autonomisation Economiques des Réfugiés et des Communautés d’Accueil, et la TIKA (coopération turque). L’on note aussi beaucoup d’autres partenaires techniques et financiers et des privés qui interviennent dans le développement des chaines des valeurs de la pêche et de l’aquaculture.

Une pêche développée et une aquaculture commerciale

L’Etat et ses partenaires s’activent davantage ces dernières années pour redresser et renforcer la filière poisson au Niger, à travers d’abord la Stratégie Nationale de Développement Durable de l’Aquaculture (SNDDA) 2020-2035 dont le plan d’actions 2024 est déjà adopté. Il y’a ensuite la Stratégie de Développement Durable de la Pêche 2022-2035 et son plan d’action 2022-2026 ( en cours d’adoption ), élaborés grâce aux appuis du programme FIRST de la CEDEAO, et la FAO. « Le Niger, ces deux dernières années est présent à presque toutes les réunions, sommets et conférences internationales, en présentiel comme en webinaire pour défendre son aspect continental en vue de développer sa pêche artisanale et aquaculture commerciale », a soutenu le Colonel Abdou Ibrahim.

Il y a, ainsi, un grand espoir  pour ce secteur de résilience et adaptation au changement climatique, malgré les inondations, l’insécurité et la pandémie de COVID 19, selon le directeur de la pêche et de l’aquaculture. Sur ces  trois dernières années la perte pour les aquaculteurs est évaluée à plus de 2 milliards de francs CFA et à environ 1 milliard de franc CFA pour les communautés des pêcheurs.

«Aujourd’hui,  grâce à ces empoissonnements et le développement de l’aquaculture, on dénombre des fermes piscicoles  dans toutes les régions du Niger y compris dans les zones désertiques ( Iférouane, Bilma, Tchirozéerine et Agadez) », relève le directeur de la pêche et de l’aquaculture qui indique que les objectifs visés à travers ses opérations d’empoissonnements sont de contribuer à la réduction de la pauvreté, à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la conservation de la biodiversité.

Cependant les actions d’empoissonnement sont souvent entravées par l’insuffisance de suivi, faute de ressources qui devraient être prévues à cet effet. Néanmoins il y a des cas de réussites telle que l’opération d’empoissonnement réalisée directement par la DPA en 2020 sous financement du P2RS au niveau de la mare de Mai Inmata dans la commune rurale de Yaouri, département de Kantché. La mare de plus de 80 ha a été empoissonnée et mise en défens pour 2 ans. « Les récoltes effectuées au cours du deuxième semestre de l’année  2022 ont  montré une augmentation de rendement de la pêche de plus de 80% », souligne le directeur national de la pêche et de l’aquaculture.

Dans le cadre de l’empoissonnement des plans et cours d’eau naturels, les préférences des communautés tournent autour de familles de poissons telles que  Latidae/Centropomidae (espèce communément appelée capitaine), Bagridae ( Bagrus sp), Cichlidae (Tilapi sp), Mokcochidae (Chrisichtus sp), Claridae ( heterobranchus sp), et Gymnarchidae (Gymnarcus sp). Après l’opération de l’empoissonnement, sur le plan ou cours d’eau, l’activité de la pêche est fermée pour 9 à 24 mois afin de permettre un peuplement ou repeuplement conséquent en vue d’une exploitation à long terme et surtout de manière organisée.

Par Ismaël Chékaré(onep)