Tunisie : La haine raciale qui ébranle gravement l’Afrique
Cela fait de longues décennies, depuis Bourguiba, depuis N’Nkrumah, depuis Lumumba, depuis Kadhafi, que l’on chante l’Unité Africaine, sans y parvenir, pire sans trouver la voie pour au moins poser des jalons que les générations montantes pourront consolider pour mener à bon port le chantier titanesque de ce qui s’est mué en Union Africaine (UA). L’Afrique ainsi que la colonisation l’avait minutieusement mis en place, est faite de contradictions multiples, de rejet immense de l’autre si bien qu’il est devenu impossible de construire le moindre consensus même sur des questions dont l’intérêt ne fait l’ombre d’aucun doute. Comment par exemple, ne pas comprendre que les africains de la CEDEAO ne soit pas capables de s’entendre à aller, dans la même démarche, à une monnaie unique qui pourra mieux les libérer et faire en sorte qu’ils aient une maîtrise de leurs économiques et de leurs croissances ? Comment comprendre, alors que certains pensent qu’il faut aller sans la France dans un tel projet, d’autres à l’image d’Alassane Dramane Ouattara, s’y opposent pour croire que sans la France, l’on ne saurait entrevoir une nouvelle monnaie unique sans que ce ne soit sous l’administration d’une France paternaliste. ganisations sous-régionales ne fonctionne à merveille et pour cause, aucune d’elle ne peut fonctionner avec les fonds que ses membres pourraient consentir pour ses ambitions, toutes, allant vers des partenaires extérieurs pour trouver les moyens de leur fonctionnement. Il y a même souvent des pays qui ne paient pas leurs cotes parts. C’est dans cette Afrique géographiquement divisée, racialement peut-on dire, avec sa partie Nord essentiellement composée de peuples arabes à peau claire qui ont, les premiers, introduit l’esclavage sur le continent et qui, en plus d’une identité raciale qu’on pourrait confondre à celle des peuples d’Europe et d’une proximité géographique avec l’Europe, souvent a eu vis-à-vis de l’autre Afrique, un regard racial complexé.
Le racisme arabe vis-à-vis des Noirs est pourtant une réalité bien connue et bien ancienne. Combien d’Africains en ont souffert et souffrent encore de ce regard dédaigneux qu’on a encore sur leur peau que l’on voudrait voir comme une tare détestable.
C’est ainsi qu’en Tunisie, comme pour ameuter le peuple d’en bas, un discours qui vient du sommet de l’Etat, a été servi pour réveiller ces réflexes identitaires et rallumer les racismes enfouis dans une société qui avait pourtant appris à converser avec l’autre Afrique, développant ainsi ici et là, de bonnes relations avec bien de pays. La déclaration du président tunisien a provoqué une telle onde de choc dans son opinion autant que sur le continent que l’on a cru que Kaid Saied, est désaxé, hors du monde pour tenir un tel discours décalé de son époque. Voudrait-il manipuler un certain identitarisme désuet qui prônerait un purisme arabe, pour ne pas dire tunisien qu’il voudrait préserver d’un métissage biologique qui viendrait ternir son arabité revendiquée ?
En tout cas, depuis que le président tunisien a eu un tel discours, les haines se sont déchaînées, et il y a eu un déferlement de violences exercées sur les composantes noires étrangères du pays. Certaines vidéos partagées sur les réseaux sociaux révèlent la traque à l’homme noir où on voit des immigrés pourchassés comme des bêtes. De telles images ont ému l’opinion et fait douter de ce Saied. Certains migrants rapatriés par les autorités de leur pays n’hésitent même pas à qualifier «la Tunisie [de] prison à ciel ouvert», le pays, depuis des jours, étant devenu pour les non nationaux noirs, invivables, et même invisible pour ne pas s’exposer à la haine raciale, raciste.
Incompréhension et indignation…
Partout, l’on ne peut entendre que de l’incompréhension et de l’indignation de la part de tunisiens, d’autres Africains qui crient à la dérive raciste de la part d’un dirigeant qui, pour avoir échoué, et pour se trouver en face de colères dans son pays, voudrait détourner son opinion sur un tel problème Aujourd’hui, aucune des orqu’il peut artificiellement créer pour faire oublier la cible réelle de tant de colères qui n’est autre que son pouvoir de plus en plus impopulaire.
En Tunisie d’abord…
Il ne faut donc pas faire l’amalgame. Il ne faut pas croire que parce que le président Saied a pu parler d’une certaine façon des autres Africains se trouvant dans son pays, que tous les tunisiens pensent comme lui. Ceux qui, ameutés pour agir comme ils l’ont fait pour brutaliser des immigrés dans le pays, n’ont certainement pas trop réfléchi à ce qu’un discours politique d’une telle facture, n’en est pas un et qu’il cache mal le désarroi d’un homme qui se sait désormais mal-aimé dans son peuple pour chercher des boucs émissaires qui ne peuvent être que les Nègres, appelés alors injustement à payer pour ses échecs. Sur le site d’Africanews l’on apprend que dans le pays, «Des ONG ont dénoncé mercredi un discours «raciste et haineux » du président tunisien Kais Saied après sa violente charge contre les migrants originaires d’Afrique subsaharienne, qu’il a présentés comme une menace démographique pour son pays». Un tel discours que seule une extrême droite française peut porter en certaines époques, ne peut pas s’entendre sur un continent où les peuples ont appris à échanger et à se parler, à vivre l’un chez l’autre et viceversa, ce dans le respect des lois de chacun. Pourquoi donc ce discours vénéneux vient-il blesser des relations séculaires de fraternité que des dirigeants, depuis des décennies, ont tissées et raffermies pour renrendre possible la marche de l’Afrique vers son unité ? Cette Afrique, peut-elle comprendre que sa richesse réside aussi en sa diversité ?
On ne peut donc qu’offusquer d’entendre chez Africanews, que «Lors d’une réunion, il a tenu des propos très durs sur l’arrivée de «hordes de migrants clandestins» et insisté sur »la nécessité de mettre rapidement fin» à cette immigration ». Sans doute que la Tunisie mérite mieux qu’un tel discours et l’on ne peut que se réjouir que dans le pays même où il est proféré, il soit l’objet d’un vaste rejet. Une manifestation organisée par une des puissantes centrales syndicales du pays soutenue par plusieurs organisations, est assez révélatrice de ce malaise dans le pays et de ce que dans le pays, il y a de nombreux tunisiens et organisations tunisiennes, qui en avaient été indignés pour ne pas se retrouver dans un tel discours.
Kais Saied est d’ailleurs allé trop loin dans son appréciation quand il affirme que la migration de Subsahariens dans son pays «relevait d’une »entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie», afin qu’elle soit considérée comme un pays «africain seulement» et estomper son caractère «arabo-musulman»». Croitil, dans ce monde ouvert, être capable de mettre l’arabité à l’abri du métissage, de ce mélange biologique que rien, ne peut aujourd’hui contrarier parce que les hommes, pour décider d’être ensemble, de générer une espèce, ne se rencontrent pas qu’en Tunisie ? Que pourra-t-il faire de ces nombreux tunisiens et tunisiennes qui vivent ailleurs, loin de leur patrie, rencontrant d’autres peuples ?
Le site du journal Le Point témoigne de ce dépit d’organisations tunisiennes qui s’opposent à ce regard raciste de la Tunisie, du moins de Saied, témoignant que «Dans un communiqué conjoint, 18 autres ONG et associations, dont la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) ont exprimé leur «solidarité pleine et inconditionnelle avec les migrants subsahariens et leurs défenseurs», estimant que le discours du président Saied rappelait «l’époque des camps d’extermination nazis de la Seconde Guerre mondiale»».
Comme on peut le voir, le président tunisien, s’est mis à dos de son peuple, isolé dans une Tunisie africaine, qui sait que, de toute façon, malgré la blancheur de ses habitants, sa Tunisie n’est pas pour autant pure ; elle n’est ni européenne, mais bien africaine. Même blanche.
A l’extérieur, on peut entendre les voix d’organisations ou d’associations sous-régionales ou continentales qui expriment la même incompréhension. Celle la plus vive et la plus audible est venue de l’Union Africaine qui avait obligé le gouvernement tunisien à réagir pour expliquer l’inexplicable. Refusant de verser dans la polémique qu’on voudrait lui imposer, l’UA est restée sur sa position : un tel discours n’est pas acceptable dans l’Afrique d’aujourd’hui. Et l’Afrique découvre ses fragilités… Les confidences des migrants interrogés, forcés à se mettre dans la rue quand on doit les chasser de leurs habitations, et même quand ils ne sont que des étudiants, ont choqué. Les cris de détresse pour tous les gouvernements sérieux, y compris ceux qui sont en guerre et qu’on prétend être en difficulté, n’ont donné d’autres choix que d’intervenir vite pour rapatrier leurs ressortissants bloqués dans le pays de Kais Saied. La Guinée, le Mali, la Côte d’Ivoire, pour ce citer que ces exemples, ont affrété des avions pour ramener dans le pays leurs concitoyens. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a mis en place des fonds de soutien pour accueillir ceux qui venaient si brutalement dans le pays.
Au Niger, on attend. Le gouvernement nous imposant ce débat inutile, de ce que les nigériens n’auraient pas ou auraient été affectés, victimes de l’acharnement de certains tunisiens.
En Côte d’Ivoire, cette femme a ces mots qui rassurent : «la Grande est notre joie de retrouver notre patrie».
A.I