Accéder au contenu principal

Irruption des militaires dans la gestion des Etats : Les limites de la stratégie de la CEDEAO

Après les sanctions iniques imposées au Mali le 9 janvier dernier, les dirigeants de la CEDEAO se seraient-ils enfin rendus compte des limites de leur stratégie pour empêcher l’irruption des hommes en kaki dans la gestion politique des pays ? Un mois après ces sanctions, prises dans un moment de colère et pour plaire à la France, les présidents de l’organisation sous régionale étaient en conclave, le 3 février dernier à Accra. Entre ces deux sommets, l’organisation a été amputée. Le président du Burkina Faso a été renversé par un coup d’Etat militaire. Sans compter la tentative en Guinée Bissau qui, contrairement au Mali, à la Guinée Conakry et au Burkina, a plus une odeur de cocaïne. C’est dire que la tolérance zéro pour les coups d’Etat militaires ne porte pas de fruit. L’intransigeance de la CEDEAO, au lieu de prévenir les interruptions par les militaires des processus démocratiques, semble les provoquer. Et c’est probablement pourquoi aucune sanction n’a été prise au cours du sommet du 3 février. Le communiqué final issu de ce sommet donne raison à ceux qui disent que la CEDEAO est devenue un syndicat des présidents. Ils ont exprimé leur « préoccupation face au maintien en détention du président Roch Marc Christian Kaboré. » Pourtant, dans tous les pays de l’espace, des opposants politiques sont détenus et maintenus en prison sans que la CEDEAO s’en émeuve. Pire, les présidents de cette organisation ne se préoccupent pas du tout de la situation de leurs compatriotes. Dans la même communiqué final à propos de la situation sécuritaire au Burkina il est dit : « la Conférence a noté la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans ce pays, qui requiert un retour rapide à l’ordre constitutionnel afin de pouvoir trouver des solutions efficaces à ces problèmes. » C’est hallucinant. La dégradation de la situation sécuritaire est-elle le fait du coup d’Etat ? Elle en est surtout la cause. Il est à se demander si nous sommes sur la même planète que nos chefs d’Etats ? Depuis que Kaboré exerçait dans ‘’l’ordre constitutionnel’’, qu’ont-ils fait pour l’aider à ‘’trouver des solutions efficaces’’. Rien du tout. Et pourtant ils ont décidé d’envoyer une force d’appui et de stabilisation en Guinée Bissau. Une force d’appui et de maintien de Emballo.

A propos du Mali, la CEDEAO est encore à la recherche de justifications. En témoigne la référence, dans le communiqué final, au soutien de l’UA qui, le 14 janvier dernier, dans les conclusions de la 1057ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité, a approuvé toutes les décisions et sanctions prises à l’encontre du Mali. Elle aurait pu regretter le refus des Nations Unies d’en faire autant. La CEDEAO a aussi reçu une mémorable claque de l’Union européenne qui n’a sanctionné que quelques responsables Maliens. La preuve que ses décisions sont excessives et inappropriées. Des sanctions émotives qui disqualifient la CEDEAO dans la recherche des solutions aux problèmes des Maliens et qui rendent inaudibles ses appels qui invitent les autorités maliennes à proposer un chronogramme acceptable. C’est cela qu’on appelle chez nous « l’alerte après la guerre ». Et c’est maintenant que les chefs d’Etats instruisent la Commission pour « accélérer la révision du Protocole additionnel de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance et les textes connexes. » Désavoués par leurs opinions, leurs compatriotes et même par certains de leurs pairs, les dirigeants de la CEDEAO cherchent à amadouer. Annoncer la révision le Protocole additionnel semble-t-il vouloir dire plus de tripatouillages de Constitution, plus de holdup électoraux, plus de détournement, plus d’impunité ? Certainement pas. Une révision dans le pipe line permet de gagner du temps.

Modibo